Nouvelles technologies

Mémoire humaine contre mémoire numérique : le point avec Jean-Gabriel Ganascia

A l’heure actuelle où l’intelligence artificielle révolutionne notre quotidien, une question émerge : que devient notre mémoire humaine face à cette révolution numérique ? Le nouvel épisode du podcast Tout sur la mémoire de l’Observatoire B2V des Mémoires propose une réflexion autour de ce thème. Jean-Gabriel Ganascia, membre de l'Observatoire B2V des Mémoires et spécialiste d’IA et d’éthique des technologies de l’information, offre son éclairage sur les enjeux liés à la coexistence entre mémoire humaine et mémoire numérique.

PAR SENIORACTU.COM | Publié le 30/10/2025

La mémoire numérique : un coffre-fort sans conscience

On parle de « mémoire » pour désigner les disques durs ou les serveurs, mais le mot est trompeur.
 
« Ce que nous appelons mémoire sur un ordinateur n’en reproduit en réalité qu’un seul aspect : le stockage », rappelle Jean-Gabriel Ganacia.
 
La mémoire numérique accumule des données en quantités vertigineuses. Aujourd’hui, l’équivalent en nombre de caractères de la Bibliothèque nationale de France tient dans une clé USB. Mais attention, cette capacité de stockage ne créé pas à elle seule du savoir.
 
La mémoire humaine encode, organise, réinterprète et relie les informations à nos émotions. La mémoire numérique, elle, se contente d’empiler les données.
 
C’est cette capacité à donner du sens, à faire émerger de l’abstraction ou du rêve, qui distingue l’homme de la machine. « Sans cette dimension, Elon Musk ou d’autres grands projets de mémoire augmentée restent purement illusoires », souligne l’expert.
 

L’attention sous tension : la société du zapping permanent

Au-delà de la mémoire, c’est notre attention qui se trouve menacée. Les techniques modernes d’IA, notamment les grands modèles de langage comme ChatGPT, révolutionnent l’accès à la connaissance.
 
Plus besoin de se rendre à la bibliothèque : l’information est instantanément disponible, accessible à tous et gratuitement. « C’est un immense progrès pour l’humanité », note le spécialiste.
 
Mais cette abondance d’informations peut aussi fragiliser notre attention. L’accès permanent aux réseaux sociaux, les notifications incessantes et les recommandations personnalisées peuvent conduire à un « parallélisme de l’attention ».
 
Sollicités en permanence, on se concentre moins. Les algorithmes de recommandation, bien qu’innocents en apparence, enferment souvent chacun dans sa bulle. Chacun voit ce qu’il veut, discute avec des semblables, et oublie le débat commun, essentiel à la démocratie.
 

L’IA, miroir de nos intelligences

Les avancées de l’intelligence artificielle fascinent parce qu’elles semblent reproduire nos capacités cognitives. Les modèles de langage, comme ChatGPT, imitent nos phrases, nos raisonnements et parfois même nos émotions.
 
Mais cette apparence n’est qu’illusion. « L’IA n’a pas d’intention, pas de conscience, pas de volonté. Elle manipule des symboles, elle ne pense pas », rappelle Jean-Gabriel Ganascia.

Si ces systèmes peuvent produire des œuvres musicales, picturales ou littéraires étonnantes, c’est parce qu’ils reproduisent des schémas statistiques appris à partir de données humaines. Ils imitent la créativité, sans jamais la vivre.
 

Quand la machine fabrique la fiction : l’ère des illusions

La puissance des IA génératives ouvre une ère nouvelle : celle où l’on ne distingue plus le vrai du faux. Images truquées, vidéos falsifiées, la désinformation n’a jamais été aussi crédible.
 
Pour Jean-Gabriel Ganascia, cette prolifération d’artefacts numériques interroge notre rapport à la vérité : « Nous entrons dans une époque où la confiance devient un bien rare. » Il faut donc redoubler de vigilance et de discernement pour distinguer la création de la falsification. Le danger n’est pas la technologie en elle-même, mais notre tendance à lui accorder une confiance aveugle ».
 

Une éducation à la lucidité numérique

Pour préserver notre mémoire et notre libre arbitre, l’expert plaide pour une éducation au discernement. Dès le plus jeune âge, il faut apprendre à vérifier les sources, à questionner les images, à identifier les biais des algorithmes.
 
« Nous devons former des citoyens lucides, capables d’utiliser la puissance des outils numériques sans en devenir esclaves. » C’est une question de société, mais aussi de démocratie : dans un monde saturé de données, l’esprit critique devient un acte civique.
 
En résumé, l’IA n’est ni notre ennemie ni notre sauveuse. Elle nous ouvre un océan de connaissances, mais nous impose vigilance et discernement. Comme la mémoire humaine, elle est puissante mais fragile, et dépend de notre manière de l’utiliser.


Épisode 4 : L'IA est-elle le prolongement de notre mémoire ? 



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