Julie Pietri revient avec Autour de minuit, un album où l’artiste revisite le patrimoine de la chanson française

C’est dans une ambiance familiale et décontractée que s’est déroulée l’interview que nous a accordée la chanteuse Julie Pietri. Elle raccompagne le prof de maths de sa fille avant de nous parler avec passion de son album sorti au printemps dernier, avec enthousiasme de son tout récent site internet et avec amour de tous les êtres humains qui ont traversé sa vie et de ceux qui la peuplent aujourd’hui, tout particulièrement de sa fille Manon.


Nos Tendres et Douces Années : Depuis votre victoire à l’émission Retour gagnant en 2003 et la sortie de l’album « Lumières », on ne vous a pas beaucoup croisée dans les médias…
Quelles ont été vos activités ?

Julie Pietri : On m’a vue lors de la sortie du DVD collector de l’Olympia 87, j’ai fait vingt télés -je les ai comptées- dont trois fois les émissions de Patrick Sébastien. Et le 30 mai dernier, j’étais à nouveau dans l’émission de Patrick Sébastien. Patrick, je l’ai rencontré au moment de la Bande à Basile. C’est un vieux pote que je connais depuis que j’ai 20 ans. Il a une qualité très rare dans mon métier : la fidélité en amitié. C’est un garçon très intelligent. On le prend parfois pour un plouc, mais il faut arrêter de le faire passer pour ce qu’il n’est pas.

NTDA : En 2006, vous avez donné une série de trois concerts exceptionnels au Duc des Lombards, vous y avez repris notamment des grands personnages de la musique comme Gainsbourg, Piaf, Nat King Cole… C’est ce concert qui vous permis de nouer des liens avec le jazz ?
Julie Pietri : Si j’ai fait le Duc des Lombards en faisant du jazz et en « jazzyfiant » Gainsbourg, Trenet ou en reprenant « Love » de Nat King Cole, c’est que j’avais déjà l’idée de m’orienter vers le jazz. Mais je voulais savoir si ça passerait auprès du public. Et il se trouve que c’est passé à fond. Et là, je me suis dit : « Tu n’as plus qu’à y aller, ma fille ! »

Et aussi, ce qui m’a décidé, c’est que j’ai rencontré Paul Anka sur le plateau de Cauet quand je suis venue présenter la sortie de mon DVD « Olympia 87 ». Il venait de sortir son album « Rock Slims » qui était composé de morceaux de pop music, rock qu’il avait repris en big band jazz. Il m’a invité à aller le voir au Palais des Congrès et j’ai été époustouflée de ce qu’il avait fait. Ça a été l’ultime événement déclencheur pour sortir cet album jazz. D’autant que j’ai toujours aimé ça.

J’ai un frère aîné qui m’a traînée dans tous les clubs de jazz, quand j’étais adolescente. J’ai même vu Mr Miles Davis en personne. Mon père, qui était aussi un vrai passionné de jazz, nous a emmené voir Ella Fitzgerald. J’avais alors 9 ou 10 ans. Donc, j’ai toujours baigné dans cette ambiance de jazz et c’est bien, parce que ça ressurgit à l’âge de la maturité. Finalement, ça correspond bien à mon état d’esprit actuel et à ma sérénité actuelle. Du coup, j’ai fait un album que je qualifierais de « serein ».

NTDA : Est-ce que ce concert au Duc des Lombards a été filmé ou enregistré ?
Julie Pietri : Non. En fin d’année 2007, nous avons fait un Bataclan sans grande promo, juste par le bouche à oreille. Sur mon seul nom, on a rempli le Bataclan. On était 23 sur scène, dont 10 cordes et 5 cuivres, plus batterie, guitares, piano, choristes etc. Et là, ce spectacle-là, on l’a filmé et le DVD va sortir au mois d’octobre, avec plein de bonus : dans les coulisses, des interviews, des petits clins d’oeil, les bêtises que l’on se fait avec les musiciens, bref notre vraie vie.

NTDA : En mai dernier, vous avez sortir un album de reprises. De nombreux artistes ont dernièrement enregistré des albums de reprises, comment expliquez-vous cette mode ?
Julie Pietri : Ah (un peu outrée) je n’ai pas sorti un album de reprises pour faire de la reprise ! Pour comparer avec un garçon que j’aime beaucoup, Florent Pagny, j’estime qu’il a ressorti du Brel à l’identique. Alors que moi, je n’ai rien fait de tel. Je les ai jazzifiées, certaines chansons sont méconnaissables. Pour moi, ce ne sont pas des reprises, ces chansons : je les ai recréées, je me les suis totalement réappropriées. Ce sont carrément de nouvelles chansons, à tel point que bon nombre de gens me disent ne pas les reconnaître tout de suite.

C’est un énorme travail, j’ai mis un an pour faire cet album. J’ai même appris à chanter du jazz avec une chanteuse de jazz, car ça n’a rien à voir avec la variété. C’est un tout autre phrasé. Il a fallu que j’oublie mes réflexes d’avant. Ça m’a obligé à me remettre en question.

Le renouveau, c’est ce que j’adore. J’ai même eu des réflexions, du genre « Vous avez osé vous attaquer à « Votre fille a 20 ans », Moustaki/Reggiani, on ne touche pas, c’est le patrimoine français ! ». Ce à quoi j’ai répondu « Si on ne dépoussière pas le patrimoine français, il ne vit pas ».

J’ai eu par exemple un article dans le journal la Voix du Nord qui disait : « Votre fille a 20 ans, quel culot, quelle belle réorchestration par l’artiste ». Donc, j’ai bien fait. Ah, j’y suis allée carrément : j’ai choisi les meilleurs musiciens de jazz de France !

NTDA : Comment avez-vous choisi les titres ?
Julie Pietri : J’en avais sélectionné une vingtaine au départ, mais certains n’étaient pas jazzifiables, parce que la mélodie ne s’y prêtait pas. Ensuite, chacune des chansons choisies correspond à une tranche de ma vie. Donc, rien ne s’est fait au hasard. Par exemple, « Les mots bleus », c’est une chanson d’amour qui dit que parfois il vaut mieux ne rien dire et se regarder avec émotion plutôt que dire le mot de trop dans une histoire d’amour. Et ça, j’en ai fait la triste expérience. L’émotion passe souvent par le regard et dans ma vie personnelle, ça s’est avéré juste.

Autre exemple avec « Votre fille a 20 ans », la mienne en a 16 ans depuis le 16 mars : « …comme le temps passe vite, madame hier encore, elle était si petite » et « …ses premiers tourments sont vos premières rides », je me sens plus que concernée. Je reprends « La belle vie » de Sacha Distel. En 1981, je n’avais même pas encore un an d’existence professionnelle, j’avais fait juste un titre avec Maria Magdalena dans un album intitulé « Julie ». Sacha Distel m’a appelée et m’a dit : « J’aime beaucoup ce que vous faites, vous avez une voix très suave, très chaude et j’aimerais vous prendre en partie américaine de mon spectacle à l’Olympia ».

Et j’ai fait ma première scène à l’Olympia grâce à lui. C’était merveilleux. Il m’a ouvert la porte, il m’a épaulée. Comme ça marchait bien, il m’a proposé de faire deux duos pendant son tour de chant dont « Un homme et une femme ». C’est pour tous ces beaux souvenirs avec Sacha que je reprends « La belle vie ».

NTDA : Quelle image gardez-vous de lui, humainement parlant ?
Julie Piertri : Merveilleusement élégant… Vous verrez sur mon site, il y a tout un diaporama qui passe. Tout le diaporama se déroule sur « La belle vie ». C’est toute ma vie depuis l’Algérie jusqu’à aujourd’hui, tout est en noir et blanc parce que j’ai retrouvé des tas de photos noir et blanc de mon enfance. La dernière photo, c’est une photo où Sacha me tient dans ses bras et elle est en couleur. C’est un hommage.

Donc, toutes ces chansons ont une histoire. Ainsi « Heures hindoues » de Daho, où il parle de ses errances nocturnes, quand on est insomniaque, quand on bat le pavé la nuit à la recherche d’une âme sœur à qui parler, ça me touche complètement. Je suis hyper insomniaque, je suis très angoissée par la nuit. J’ai souvent envie, la nuit, d’appeler des copines ou d’aller les voir, mais bon, je me retiens.

Une autre aussi que j’adore, c’est « Quelqu’un de bien » d’Enzo Enzo. Quand on chante « Quelqu’un de bien », c’est la trace qu’on aimerait tous laisser. Si ma fille, quand je ne serai plus là, peut dire « Maman, c’était quelqu’un de bien », ça voudra dire que j’ai fait quelque chose de ma vie. Ce que je veux, ce ne sont pas les paillettes, la notoriété, juste être quelqu’un de bien, juste laisser un lien entre moi et l’humain.

NTDA : Quel regard votre fille porte-t-elle sur vous qui êtes à la fois sa maman et une chanteuse connue ?
Julie Pietri : Ça l’embête que je sois chanteuse, car elle est assez possessive. À l’école, on lui demande parfois si elle n’est pas la fille de… Et elle voudrait pouvoir exister par elle-même. Elle sait qu’elle ne veut pas être chanteuse, non, elle veut être actrice. Elle est dans le lycée qui a vu naître Charlotte Gainsbourg et Marion Cotillard. Mais elle sait aussi que des Marion Cotillard, il n’y en a pas tous les jours. Elle est très lucide et très intelligente. Je ne dis pas ça parce que c’est ma fille. Mais elle a le sens des réalités. D’ailleurs, cet été, pendant un mois, elle a travaillé dans le service marketing et commercial d’un groupe de presse. Elle occupe son temps correctement. J’espère en faire quelqu’un de bien. Je n’ai pas disparu pendant dix ans sans raison. C’était justement pour m’occuper de cette jeune fille et lui donner des structures potables.

NTDA : Cet album va-t-il donner lieu à un spectacle ou à une tournée ?
Julie Pietri : Je suis partie en tournée le 10 mai dernier. J’ai commencé par Nantes, Saint-Brévin plus exactement, ensuite une vingtaine de dates. Puis, pour terminer l’année en beauté, trois scènes parisiennes qui pourraient bien être en décembre à l’Européen.

NTDA : Quels liens entretenez-vous avec vos fans ?
Julie Pietri : Avant tout, ce ne sont pas des fans, ce sont des êtres humains. Il y a une grande camaraderie, on se rencontre, on se connaît de visu, on s’embrasse, on discute par internet par l’intermédiaire de mon site. Ils peuvent laisser des messages. Il ne s’agit pas de n’importe qui, c’est mon public. J’aime la simplicité, je ne veux pas faire de différence, être considérée comme une vedette.

Dans Paris, je ne conduis pas, souvent je prends le bus ou le métro et j’entends des gens chuchoter « T’as vu, elle ressemble drôlement à la chanteuse… Tu crois que c’est elle ? » L’autre jour, j’ai pris un taxi pour aller à l’aéroport et le chauffeur me dit « On ne vous dit pas souvent que vous ressemblez à Julie Pietri ? » Alors j’ai répondu « Je crois bien que c’est quand même un petit peu moi ».

Propos recueillis par Claudine Levanneur avec la précieuse collaboration d’Anthony Klein.

Julie Pietri
« Autour de minuit »
www.julie-pietri.com

Publié le 05/09/2008 à 10:43 | Lu 19822 fois






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