Un juif pour l’exemple de Jacques Chessex : le déni des alpages

Livre après livre, Jacques Chessex cure les bas-fonds de l’humain et expose ostensiblement l’abject à ses lecteurs. L’antisémitisme et son cortège de haine, d’horreur, « d’épaisses jalousies ataviques et politiques » sont le sujet de ce dernier roman.


L’auteur place son récit en 1942. Payerne, canton de Vaud, en Suisse.

Dans cette petite ville paysanne et bourgeoise, calviniste, conformiste, enrichie par l’industrie charcutière, « confite dans la vanité et le saindoux », où le chômage sévit, les propos nazis du pasteur Lugrin imprègnent la pensée et enflamment les exaltés. Il va convaincre « Ischi et ses nazis de passer à l’acte ».

Le roman conte l’histoire (réelle si on en croit l’auteur né au village –il avait huit ans au moment des faits) du meurtre d’Arthur Bloch, marchand de bestiaux, juif, saigné pire qu’un porc.

C’est bref, brutal.

On connait l’efficacité terrifiante de l’écriture de Jacques Chessex. Son style concis sert à démontrer le mécanisme de la bêtise et de la perversité de l’antisémitisme, et aussi, en passant, à dévoiler quelques secrets honteux.

Pourtant, il s’interroge : « je raconte une histoire immonde et j’ai honte d’en écrire le moindre mot. J’ai honte de rapporter un discours, des mots, un ton, des ordres qui ne sont pas les miens mais qui le deviennent sans que je le veuille par l’écriture, car Vladimir Jankélévitch dit aussi que la complicité est rusée, et que rapporter le moindre propos d’antisémitisme, ou d’en tirer le rire, la caricature ou quelque exploitation esthétique est déjà en soi, une entreprise intolérable. Il a raison. » écrit-il avant de signer ce roman qui en est le démenti.

Il est nécessaire d’écrire.

Un juif pour l’exemple
Jacques Chessex
Editions Grasset
103 pages
11.90 euros
Un juif pour l'exemple, DR

Publié le 06/07/2009 à 08:43 | Lu 1928 fois





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