Léonard et Machiavel de Patrick Boucheron : rêve rencontre

Dès les premières pages de son livre, Patrick Boucheron écrit à propos des in-folio des bibliothèques princières qu’ils « font plus et mieux que nous délasser avec de vieilles histoires, mais déploient avec grâce et générosité (…) la fleur à jamais fanée de l’antiquitas. Non pas le passé, mais sa part vivante qui, aujourd’hui, nous parle et nous accompagne ».


Au terme de l’ouvrage on peut lire : « Et pourquoi alors, ne pas s’emparer du mythe, faire un peu jouer le mensonge, du moment qu’il rend clairement visible les grandes exigences de notre temps ? »

Le mythe ici, n’en est peut-être pas un. Une réalité historique alors ? C’est à voir. L’hypothèse est tentante et même hautement probable. Au début du Cinquecento, trois hommes se trouvent au même endroit, à Urbino précisément, en Italie. L’un est déjà célèbre, c’est Léonard de Vinci, l’autre est puissant et s’appelle César Borgia, le troisième est sociétaire de la Chancellerie et se nomme Nicolas Machiavel.

« Léonard, qui a tant écrit et tant dessiné, ne dit rien de Machiavel. Et Machiavel, si prolixe, tait jusqu’au nom même de Léonard ». Comment ces illustres personnages n’auraient pas pu se rencontrer ? Pratiquant la « confrontation analogique » l’auteur « traque les indices prouvant que les routes de Machiavel et de Léonard s’étaient croisées à plusieurs reprises ».

Pour conter l’éventuelle rencontre l’historien se fait écrivain, et quel écrivain !

L’histoire, l’Histoire, il saura la raconter, la raconter à la bonne cadence, c'est-à-dire la relancer par quelques effets de théâtre ou la freiner par certaines taches de couleur. Au-delà de l’histoire de ces rencontres, qui est passionnante (on laisse au lecteur le plaisir de la découverte) l’intérêt du livre se porte aussi sur une réflexion sur le travail de l’historien, voire même sous-jacente, une critique, celui-ci élaborant sa théorie entre zone d’ombre et extrapolation.

Le débat est actuel qui porte sur la réécriture de l’histoire.

L’historien-écrivain se gausse de ces « spécialistes qui scrutent sans se lasser vestiges et brouillons à la recherche des sources visuelles d’une œuvre d’art, qui sont comme des archéologues qui tenteraient de raconter les amours d’une jeune fille à partir d’un cheveu blond pris dans les dents d’un peigne ».

Léonard et Machiavel
De Patrick Boucheron
Editions Verdier
153 pages
12 euros
Léonard et Machiavel

Publié le 01/12/2008 à 09:12 | Lu 3398 fois





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