Détournement d'héritage : quels sont les recours ?

Détournement de comptes bancaires ou de liquidités, utilisation abusive d’une procuration bancaire, assurance-vie sans aléa, rédaction ou modification du testament pour désigner un seul bénéficiaire au détriment des héritiers, mariage in extremis… Par Judith Duperoy, avocat à la cour


Le détournement ou la captation d’héritage consiste en l’utilisation de manœuvres frauduleuses pour abuser et tromper une personne afin de la convaincre de donner les biens de sa future succession.

L’héritage peut être détourné par un opportuniste ou un arnaqueur professionnel qui s’est proclamé protecteur, ami, confident d’une personne très malade et/ou vulnérable ou encore par un membre de la famille qui se veut très présent, d’un employé trop dévoué, d’un professionnel de santé trop avenant.

Plusieurs stratégies et ruses peuvent être utilisées par l’auteur de la captation pour s’emparer de l’héritage d’une personne.

La cible du détournement est souvent une personne qui se trouve en état de faiblesse ou de vulnérabilité, notamment du fait de la solitude, de sa dépendance ou de son état de santé. L’auteur de la captation va profiter de cette relation déséquilibrée pour isoler sa cible, asseoir son influence, exercer des pressions pour convaincre sa proie de lui remettre des biens et/ou des sommes d’argent qu’il n’aurait pas obtenu sans ruse ou manœuvre.

Moyens, techniques, astuces et stratégies de détournement d’héritage

Plusieurs moyens et techniques plus ou moins élaborés sont utilisés par les auteurs de détournements d’héritage afin de parvenir à leurs fins, mais les plus courants restent : les transferts de liquidités bancaires, les donations déguisées, le legs universel, l’assurance-vie :

- Retraits ou virements bancaires importants/réguliers et injustifiés du compte bancaire d’une personne vulnérable

- Obtention et utilisation frauduleuse de procurations bancaires

- Souscription d’une assurance-vie engageant la majeure partie du patrimoine d’une personne atteinte d’une affection grave et/ou incurable

- Rédaction ou modification d’un testament sous la pression de l’usurpateur

- Mariage in extremis avec modification du testament sous l’influence de l’usurpateur

- Désignation du médecin traitant ou chirurgien, prêtre, tuteur, ou d’un membre de leur famille comme légataire universel dans un testament

- Donation déguisée (fausse vente, faux viager, fausse reconnaissance dette…).

Donations, legs, libéralités et réserve héréditaire

En l’absence de testament, c’est le régime légal prévu par le législateur qui permet de régler la succession. De son vivant, toute personne capable peut prendre les dispositions nécessaires pour assurer la transmission de son patrimoine à son décès. Mais il existe des limites à la liberté de transmission du patrimoine. En effet, la loi ménage un minimum de droits dans la succession pour les descendants : ceux-ci bénéficient d’une réserve héréditaire. Les libéralités qui dépasseraient la quotité disponible (la partie du patrimoine non réservée à l’égard de laquelle le défunt dispose d’une liberté totale) et empièteraient sur la réserve héréditaire peuvent être diminuées, voire même annulées en cas de détournement d’héritage.

Les recours et actions possibles :

Détournement d’héritage et abus de faiblesse et de vulnérabilité : le recours au juge pénal

Le fait d’abuser frauduleusement de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’une personne dont la particulière vulnérabilité – due à son âge, à une maladie, à une déficience physique ou psychique apparente ou connue – pour la conduire à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende (article 223-15-2 du Code Pénal).

De même, le fait d’abuser d’une personne en état de faiblesse psychologique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement pour la conduire à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende (article 223-15-2 du Code Pénal).

Détournement d’héritage : recours au juge civil

Il faut démontrer au juge que le défunt a été abusé, manipulé, trompé, floué et qu’il n’aurait pas accepté d’agir comme il l’a fait sans les manœuvres ou pressions de l’usurpateur.
La plus grande difficulté que comporte l’établissement du détournement de l’héritage réside dans la recherche, la collecte et l’utilisation des moyens de preuves.

Dans certains cas, un vice du consentement du donateur peut être invoqué pour annuler les actes ayant permis la captation. En effet : « i[Il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence [physique ou psychologique] ou surpris par dol]i » (articles 1110 à 1117 du Code civil).

Dans d’autres cas, les actes pourront être attaqués pour insanité d’esprit. En effet, « pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit » (articles 414-1 à 414-3 du Code civil), or, il arrive souvent que l’auteur de la libéralité soit atteint d’une altération temporaire ou permanente de ses facultés mentales (sans bénéficier d’une mesure de protection, telle une tutelle ou une curatelle). Dans de tels cas, il faudra démontrer qu’il n’était pas capable de consentir librement à l’acte ou aux actes ayant permis le détournement de son héritage.

Dans tous les cas, la victime et les héritiers spoliés et lésés peuvent saisir un Avocat compétent en droit des successions afin de solliciter, auprès du juge, les mesures d'instruction utiles pour recueillir les preuves nécessaires pour faire annuler le détournement d’héritage afin de reconstituer le patrimoine de la succession.

Article publié en partenariat avec www.ledroitdesseniors.fr

Publié le 04/10/2012 à 10:05 | Lu 21356 fois