Alzheimer et les jardins thérapeutiques

Lien social, don de soi, partage de connaissances : des notions intrasèques à l'être humain mais que la plupart des malades Alzheimer, souvent isolés de la société, ne ressentent plus. C'est pour redonner du sens à la vie, se sentir utiles et s'ouvrir à nouveau à différents centres d'intérêts que les jardins thérapeutiques ont été créés. Ils stimulent l'intérêt des résidents tout en les responsabilisant, favorisent le lien social et le maintien de l'autonomie.





Une journée pluvieuse à l'EHPAD du Château d'Eve (Oise). Les résidents regardent le parc, un vaste extérieur encore inexploité… C'est alors que trois d'entre eux ont la même idée au même moment : transformer cet espace pour en faire un véritable lieu de vie. Un jardin thérapeutique voit le jour plusieurs mois plus tard grâce à la société Terramie, réseau spécialisé en création et accompagnement de jardins à visée thérapeutique.
 
Comme l’indique Beba Stojanovic, directrice de la maison de retraite : « dès le début, nous avons intégré les résidents qui le souhaitaient dans la création de ce jardin thérapeutique. Ils ont participé pleinement en nous donnant de précieux conseils d'élaboration et en nous orientant dans le choix de certaines plantes. Aujourd'hui encore, monsieur Biron, l'un des résidents, nous conseille sur les gestes et les soins à apporter au jardin au quotidien ».  
 
Rappelons que dans un jardin thérapeutique, les patients Alzheimer sont responsables d'une tâche bien précise : certains vont enlever les mauvaises herbes tandis que d'autres arrosent ou récoltent les tomates pour la soupe du soir. L'idée est de stimuler leur intérêt tout en les responsabilisant.
 
« La plupart des résidents ont eu un jardin autrefois et le fait de se retrouver dans un univers qu'ils ont bien connu fait remonter les souvenirs de la mémoire ancienne précise Nathalie Joulié Morand, directrice développement chez Terramie. En sortant d'un lieu habituellement clos pour être en lien avec la nature, donc avec la vie, ils vont retrouver les loisirs qu'ils avaient avant, activant ainsi la réminiscence et l'intérêt ».
 
« Lorsqu'une personne entre en institution, on ne lui demande plus rien, elle ne peut plus donner son avis ni apporter de conseils : la personne n'existe plus et perd souvent toute socialisation. Au nom de la maladie, on la protège trop, on aseptise son environnement. On a tendance à faire trop de choses à sa place » ajoute encore Nathalie Joulié Morand.
 
Si le partage est bénéfique pour le patient, il l’est aussi pour les aidants et la famille. En voyant un proche en établissement, c’est souvent pour l’aidant, le signe que la personne a perdu son autonomie. Mais observer cette même personne au coeur d’un jardin, donner d'elle-même, est pour lui d'un profond réconfort. C'est une façon de retrouver une part de la personne aimée ; celle d'avant la maladie. Et pour la famille, cela permet de visiter son proche tout en ayant une autre perception de celui-ci.
 
Comme le souligne le Dr Kariger, médecin référent en gériatrie chez Terramie : « plus on vieillit et moins on veut prendre de risques. Les soignants évitent souvent les risques pour le soigné. Mais sans risques, il n'y a plus de vie. Vieillir, c'est d'abord la perte d'adaptation. Il faut s'appuyer sur des capacités préservées. Chaque chose que l'on fait à la place d'une personne âgée est une chose qu'on lui enlève. Le jardin thérapeutique répond à ces notions ; il permet d'encourager leur autonomie et leurs initiatives. Il leur permet aussi de faire des choses autour d'ateliers, cela donne du sens à ce qu'ils font »
 
Terramie est une entreprise spécialisée dans la création et l’accompagnement de jardins à visée thérapeutique en France. Le réseau de franchise, lancé en janvier 2014, compte aujourd'hui neuf franchisés (Longwy, Dijon, Limoges, Lyon, Rodez, Reims, Rennes, Bordeaux, Toulouse) et un site pilote (Nancy). Ces ouvertures sont en cours de signature. 

Rappelons que le jardinage « thérapeutique » est apparu à la fin du 18ème siècle aux Etats-Unis et que cette discipline est enseignée depuis 1971.... D’autres pays sont précurseurs comme l’Angleterre, le Canada et le Japon.
 
En France, à propos de la maladie d’Alzheimer, le ministère de la Santé a reconnu cette thérapie « non médicamenteuse », comme entrant dans le cadre des actions du Plan Alzheimer ». Le plan oblige d’ailleurs les unités à se doter d’un jardin « thérapeutique » où les patients, leur famille et le personnel hospitalier se réunissent pour biner ou désherber !
 
De fait, l’hortithérapie (comprendre la thérapie par le jardinage) semble très bénéfique chez les personnes souffrant de cette maladie neurodégénérative qui touche 900.000 personnes en France. Une étude menée sur une durée de deux ans par l’association horticole canadienne sur des patients Alzheimer a montré une baisse de 19% d’incidents violents pour les malades en contact avec des jardins.  

Article publié le 27/09/2017 à 03:45 | Lu 9934 fois