Aide à domicile : les candidats à l’élection présidentielle répondent aux questions de l’ADMR (partie 1)

À l’occasion de l’élection présidentielle, et alors que les Français réaffirment enquête après enquête, leur attachement au maintien à domicile, l’ADMR*, premier réseau associatif français de services à la personne, a interrogé les candidats à l’élection présidentielle 2012 sur les grandes questions que se posent ce réseau et qui concernent l'ensemble du secteur de l'aide à domicile.


Réforme et financement de l’aide à l’autonomie

Question de l’ADMR : la prise en charge de la perte d’autonomie est une thématique récurrente qui occupe l’espace politique depuis plusieurs années. L’année 2011 a notamment donné lieu à la mise en place de débats régionaux et interrégionaux et de groupes de travail au niveau national qui confirment la nécessité de développer l’aide à domicile, par ailleurs plébiscitée par les Français.

Si la nécessaire réforme du financement de l’aide à l’autonomie fait l’objet d’un large consensus, le secteur est toujours en attente d’avancées concrètes et d’une proposition de réforme de la part des pouvoirs publics. Dans un contexte économique difficile, l’ADMR a bien conscience de la nécessité de procéder à des arbitrages mais estime que l’aide à l’autonomie ne doit pas faire les frais de la crise économique et financière.

Comment vous positionnez-vous sur cette question de l’aide à l’autonomie ? Quelle est votre volonté politique en la matière et quelles solutions comptez-vous apporter au besoin de financement du secteur ?


Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière)

Si on se réfère aux critères d’attribution de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), 1,2 million de personnes âgées sont aujourd’hui « dépendantes ». Bien sûr, avec l’augmentation de l’espérance de vie, elles seront plus nombreuses demain. Voilà qui est perçu par les gouvernants comme un véritable « défi ». En fait, la seule question que se pose le gouvernement, c’est : « Qui va payer ? »

Pourtant, si des personnes âgées en sont réduites à ne plus pouvoir assurer seules les gestes essentiels de la vie quotidienne, c’est bel et bien parce qu’elles souffrent d’une maladie, qu’elle soit cardiaque, respiratoire, neurologique ou autre, autant de maladies prises en charge par l’assurance maladie.

Ce que les gouvernants appellent « le coût » ou « le poids » de la dépendance s’élève aujourd’hui à 21 milliards par an. À entendre leurs cris horrifiés, on pourrait croire que cette somme sort des caisses de l’État. Mais c’est faux ! Les deux tiers des sommes consacrées à la dépendance (13,45 milliards d’euros) sont assurés par la Sécurité sociale, essentiellement par sa branche maladie pour les soins prodigués aux personnes âgées dans les hôpitaux, les cabinets médicaux et les établissements spécialisés. Et la Sécurité sociale, ce n’est pas l’État, mais bel et bien les cotisations prélevées sur les salaires !

Après la Sécurité sociale, en ordre d’importance des engagements, ce sont les Départements qui assurent le financement de la dépendance, puisque ce sont eux qui versent l’APA. Là encore, ce sont les salariés qui sont mis à contribution, ne serait-ce que parce que l’APA est en partie financée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) dont une partie des recettes provient de la journée dite de solidarité, journée de travail gratuit imposée aux salariés après les quinze mille morts de la canicule de 2003 et qui rapporte 2 milliards d’euros chaque année. Et puis, le financement de la dépendance, c’est aussi la CSG, encore une cotisation prélevée, pour la plus grande partie, sur les salaires ou les retraites.

Alors, si aujourd’hui on parle de cinquième branche, c’est pour faire un sort à part à la dépendance, faire passer l’idée que sa prise en charge n’est pas possible, pour faire entrer en vigueur de nouvelles mesures. Les pistes de financement ont déjà été tracées par le gouvernement. Il y est question de la création d’une deuxième journée de solidarité, de l’augmentation de la CSG sur les retraites et son alignement sur celle des salaires, de la récupération d’une partie des aides versées sur la succession des personnes aidées, et aussi de l’obligation de souscription d’une assurance contre la perte d’autonomie. Continuer de faire payer les salariés, les retraités, c’est leur credo. La richesse de la société augmente sans cesse, mais elle est concentrée sur un pôle minoritaire pour qui la vie n’a jamais été aussi florissante.

Et plutôt que de consacrer ne serait-ce qu’une partie de cette richesse à améliorer les conditions de vie de la collectivité, il est question de faire payer encore un peu plus les travailleurs pour financer eux-mêmes, par une assurance obligatoire supplémentaire, leur risque d’éventuelle dépendance de leurs vieux jours.

Ce qu’il faut, c’est un véritable service public de la dépendance et que l’État arrête de se défausser des intérêts de la collectivité.

François Bayrou (MoDem)

Le financement de l’aide à l’autonomie concerne tout le monde : les personnes, les familles, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, les caisses d’assurance maladie et leurs fonds d’aide sociale, la branche famille de la Sécurité sociale, les compagnies d’assurances, les collectivités territoriales, dont les Départements au premier chef, et bien sûr l’État. C’est dire à quel point nous avons besoin d’une politique moins cloisonnée et plus efficace.

C’est pourquoi je lancerai un plan qui s’appellera « Face à la dépendance » qui devra capitaliser sur l’expérience acquise depuis une dizaine d’années au moins, sur le travail des médecins et des associations. Au sein de ce plan, la question des financements est pour moi primordiale. Dans le respect de l’équilibre des comptes, nous devrons mettre en œuvre un nouveau mode de financement pour réduire le reste à charge des particuliers et de leur famille en tirant tout le parti possible de la solidarité nationale et de la mutualisation du risque.

Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République)

La prise en charge de l’autonomie est une thématique récurrente depuis plusieurs années, mais, malgré les projections démographiques qui devraient nous alerter sur l’urgence d’ouvrir le chantier de la dépendance, je constate qu’il y a peu d’avancées concrètes sur ce dossier. Pour ma part, j’ai toujours milité pour la création d’un 5e Risque de la Sécurité sociale et considère que l’aide à l’autonomie doit être financée comme la maladie, la grossesse… par le budget de la sécurité sociale.

François Hollande (Parti Socialiste)

Comme vous, je regrette profondément le retard qui a été pris durant le quinquennat qui s’achève en matière de réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie. La promesse de Nicolas Sarkozy, maintes fois réitérée depuis 2007, de créer un 5e risque n’a pas été respectée. Il a, depuis son élection, repoussé cet engagement de semestre en semestre ! Je pense pourtant que nos compatriotes auraient parfaitement compris que l’effort financier soit progressif dans le temps étant donné la situation économique et budgétaire de la France. Mais repousser toute réforme, ne rien faire pour adapter notre société au vieillissement de sa population, n’est pas responsable.

Car pendant ce temps-là, les dépenses liées à la perte d’autonomie, elles, continuent de croître. Et sont prises en charge soit par les personnes âgées ou leurs familles, soit par les Conseils Généraux. C’est à un recul continu de la solidarité nationale auquel nous avons assisté depuis 5 ans puisque désormais les départements sont responsables de 72% du financement de l’allocation personnalisée pour l’autonomie (APA). Ce sera donc à la gauche de continuer son chemin dans la voie du progrès et de la solidarité, un chemin interrompu depuis la création en 2001 par le gouvernement de Lionel Jospin de l’allocation personnalisée à l’autonomie.

Je l’ai annoncé récemment : je souhaite qu’un effort de solidarité nationale soit réalisé pour assurer le financement de la perte d’autonomie. J’exclus les solutions prônées depuis deux ans par les parlementaires UMP consistant à financer la dépendance par le recours à une assurance privée individuelle et obligatoire. Il faut à la perte d’autonomie un financement solidaire, pérenne, et en capacité d’évoluer dans le temps en fonction des évolutions démographiques.

Je souhaite donc, si je suis élu en mai prochain, aboutir rapidement à une réforme qui permettra en premier lieu de soutenir les personnes âgées qui souhaitent rester à domicile. Au-delà d’une meilleure solvabilisation des personnes, clé évidemment du bon fonctionnement des services que vous représentez, il conviendra de réfléchir ensemble à l’avenir d’un secteur professionnel qui aujourd’hui souffre énormément. Je ne méconnais pas la grave crise que connaissent depuis quelques années les services d’aide à domicile qui a conduit parfois à la liquidation et à la fermeture de certains d’entre eux.

Je sais qu’une réflexion s’est engagée entre vos associations et l’Assemblée des Départements de France sur de nouvelles modalités de tarification et d’évaluation de la qualité et que celles-ci donnent lieu à des expérimentations locales auxquelles participe activement l’ADMR. Je sais aussi qu’une fois de plus, les départements ont pris là leurs responsabilités face à un gouvernement qui, depuis trois ans, n’a pas su venir en aide à un secteur associatif en difficulté.

Je veux prendre ici l’engagement solennel qu’une fois élu, je demanderai au gouvernement, dans le cadre d’une réforme de la dépendance, de réunir les acteurs de l’aide à domicile pour étudier avec eux les moyens de leur modernisation. Je sais l’esprit de responsabilité dont vous faites preuve au quotidien notamment en reconnaissant vous-même les nécessaires efforts et restructurations auxquels doivent procéder les associations que vous représentez : renforcement de la professionnalisation, meilleure efficience de la gestion, regroupement de structures pour atteindre des tailles critiques etc… Mais face aux défis qui vous attendent, vous devez pouvoir compter sur le soutien plein et entier des pouvoirs publics dans le rôle absolument fondamental d’aide aux plus fragiles que vous assumez.

Mais, ensemble, nous devons aller plus loin. Je considère en effet la question de la perte d’autonomie comme un élément essentiel certes, mais pas unique, d’une réforme plus globale consistant à préparer la société française au grand vieillissement de la population. Je ne veux pas restreindre la question du vieillissement à la seule problématique de la dépendance.

C’est pourquoi je demanderai au gouvernement de travailler à une réforme globale permettant l’adaptation de la France au vieillissement de sa population. Comment mieux adapter les logements aux personnes à mobilité réduite ? Comment adapter la ville de demain au vieillissement, ce qui suppose d’évoquer les questions d’habitat, d’urbanisme, de transport ou d’accessibilité ? Comment encourager les liens sociaux et la solidarité de proximité ? Comment élaborer enfin une vraie politique de prévention et de santé publique en direction des seniors ?

Réformer l’APA et améliorer la solvabilisation des personnes âgées est une nécessité à court terme. Mais il est nécessaire, et je m’y engage, que ce travail se situe dans une réforme beaucoup plus structurelle, seule condition d’un véritable changement d’approche dans la politique d’aide au maintien à domicile

Eva Joly (Ecologie, Les Verts)

L’aide à domicile permet aux personnes, en particulier âgées, de mieux vivre chez elles. Elle répond à la nécessité de couvrir le territoire pour que les personnes vivant en milieu rural ne soient pas délaissées. Par ailleurs, il importe que l’aide à domicile puisse continuer de créer des emplois qui répondent à des besoins sociaux, mais des emplois de qualité.

Une réforme est nécessaire pour ne pas laisser les associations sans moyens et aussi pour que la fiscalité ne se limite pas à soutenir les ménages les plus aisés. Nous lancerons un grand débat sur l’autonomie des personnes âgées, les conditions de leur maintien à domicile, les rôles respectifs de la société et de la famille pour aboutir à une loi en 2013 qui organisera et financera la prise en charge de la dépendance. Je l’ai placée au cœur de mon contre-budget et de mon pacte pour l’emploi, fondés sur l’économie verte et du vivre-mieux : la priorité donnée à la prise en charge solidaire permettra ainsi de créer deux cent mille emplois.

Marine Le Pen (Front National)

Le maintien à domicile dans tous les cas de perte d’autonomie, quel qu’en soit le degré, est une priorité pour moi. Cela suppose une politique globale qui place enfin l’échelon national à sa place de garant du principe de solidarité nationale, de garant de la prise en charge du financement et d’organisateur des intervenants et des modalités de fonctionnement. Les difficultés actuelles sont liées à une vision fragmentée de cette prise en charge, non anticipatrice, au financement aléatoire, aux intervenants dévoués mais non soutenus par un système rodé et structuré.

Le financement du secteur se fera :

- Concernant toutes les personnes en situation de handicap à l’heure actuelle par des sommes générées par économies rapidement mobilisables : reprise en main de la gestion interne des comptes sociaux, récupération des indus (dette de l’État, créances étrangères non récupérées par le CLEISS, récupération d’indus sur organismes tiers..), ajustement des prestations au plafond réel de ressources et des taux réels de cotisations, révision des droits réels aux exonérations, lutte drastique contre la fraude, révision de certaines niches sociales indues… Une somme minimale de 20 milliards d’euros sur les seules indications de la Cour des comptes depuis cinq ans devrait pouvoir être dégagée, et attribuée pour partie au problème de la perte d’autonomie
- Concernant les personnes encore en aptitude, le trépied type retraite s’applique à la prévoyance dépendance : cotisation dans le cadre de la solidarité nationale + incitation fiscale à la capitalisation personnelle prévoyance + capitalisation personnelle type foncière pour ceux qui le peuvent.

Nicolas Sarkozy (Union pour un Mouvement Populaire)

L’année 2011 a été une année utile : elle a permis de construire un diagnostic précis de la prise en charge de la perte d’autonomie. Le grand débat national sur la dépendance a montré que notre pays n’avait pas à rougir de la qualité de son système de prise en charge, un système que beaucoup nous envient. La crise financière et les tensions sur les finances publiques n’ont pas permis d’engager aujourd’hui des mesures financières trop lourdes. Agir autrement n’aurait pas été responsable. Pour autant, la réforme de la dépendance n’est en aucun cas « enterrée ». Elle ne fait au contraire que commencer.

Tout au long de mon quinquennat, j’ai souhaité accroître l’effort financier en faveur des personnes âgées : l’objectif global de dépenses consacrées aux personnes âgées a augmenté de 74,5 % entre 2007 et 2012, passant de 4,6 milliards à 8,55 milliards d’euros. À travers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), nous avons engagé plus de 1 milliard d’euros de subventions destinées à l’investissement dans les établissements accueillant les personnes âgées et les personnes handicapées. C’est un effort considérable, auquel je suis particulièrement attaché.

D’autre part, pour venir en soutien aux services d’aide à domicile qui rencontrent des difficultés, nous avons créé un fonds de restructuration doté de 50 millions d’euros dans la loi de finances pour 2012.

Pour les cinq ans qui viennent, je veux poursuivre cette action, notamment pour améliorer la qualité de la prise en charge, au service des personnes âgées et des personnes handicapées. Je crois en particulier nécessaire de mieux organiser les parcours de soins et le recours à des structures intermédiaires entre domicile et établissement : cela permettra un meilleur suivi des personnes en perte d’autonomie, et c’est en plus une garantie d’efficience pour notre système.

Je veux aussi améliorer la transparence pour les personnes en perte d’autonomie et leurs proches, en mettant à disposition des personnes âgées et de leur famille une information à la fois sur les prestations auxquelles elles ont droit, ainsi que sur l’offre de prise en charge.

Il sera important d’améliorer la gouvernance de la prise en charge de la dépendance. Que ce soit en termes de prévention, de coordination ou de financement, je veillerai à définir plus clairement les pilotes nationaux et locaux de la prise en charge de la perte d’autonomie.

Pour faire face à l’augmentation du nombre de personnes dépendantes, nous devrons également accroître le nombre de professionnels en donnant un second souffle aux professions sociales, sanitaires et médico-sociales. Les besoins sont immenses, ces métiers ont de l’avenir et doivent être revalorisés.

Enfin, la prise en charge de la perte d’autonomie nécessitera également de faire de plus en plus appel à la recherche et aux nouvelles technologies, pour conforter la place que tient la France sur la scène internationale dans le domaine de la gériatrie et des géronto-technologies.

*L’ADMR est un mouvement apolitique et ne prend parti pour aucun programme ni aucun candidat. Les réponses sont données par thème, dans l’ordre alphabétique des noms des candidats.

Publié le 16/04/2012 à 10:36 | Lu 2929 fois





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