Vie intime des ainés : l'éclairage de Sophie Brunetti

Les établissements sont du domicile et si on prône la notion de logement privatif, on prône aussi la liberté d’être et la liberté de vivre ses désirs et sa sexualité comme chacun l’entend dans le respect mutuel du vivre ensemble. Par Sophie Brunetti, directrice du pôle inclusion sociale des établissements Petits Frères des Pauvres.





Qu’est-ce qui vous marque dans les résultats de cette étude* ?
Il y a deux aspects marquants. D’une part, cette étude montre l’intérêt des personnes âgées pour la vie affective, intime et sexuelle. Ces résultats qui peuvent susciter l’étonnement permettent de déconstruire les représentations et de changer les regards qu’on peut porter sur le Grand Age.
 
On sent bien que les personnes âgées ont envie que la vie affective intime et sexuelle soit un sujet dont on parle et qu’il soit reconnu non plus sous l’angle du tabou mais comme une préoccupation essentielle.
 
D’autre part, je trouve également marquant les chiffres autour des femmes. L’approche est genrée, les femmes subissent un peu plus l’isolement, subissent aussi le besoin d’en sortir et d’être accompagnée.
 
Ces chiffres sont d’autant plus importants quand elles sont dans une situation de précarité. Sur les sujets de vie affective, intime et sexuelle, il y a un aussi lien avec la situation économique, le réseau social, le fait d’être entouré. Pour moi, ce sont deux sujets qui méritent approfondissements.
 
La vie de couple n’est pas facilitée en établissement ?
Dans les établissements des Petits Frères des Pauvres, il y a eu beaucoup d’évolutions positives dans les mentalités et les pratiques des équipes et des directions.
 
Les établissements sont du domicile et si on prône la notion de logement privatif, on prône aussi la liberté d’être et la liberté de vivre ses désirs et sa sexualité comme chacun l’entend dans le respect mutuel du vivre ensemble.
 
Il n’y a aucune ingérence, aucune censure dans les établissements Petits Frères des Pauvres, que ce soit dans les maisons de vacances, les ESMS ou les pensions de famille.
 
Nous avons des personnes âgées qui se sont rencontrées en séjour de vacances, un couple qui s’est formé en hébergement temporaire et qui a continué la relation par la suite, des personnes qui sont ensemble en pension de famille tout en ayant leur propre logement et qui se retrouvent dans un cadre intime et sexuel.
 
Les personnes sont entièrement libres de recevoir qui elles souhaitent, à n’importe quel moment et d’inviter quelqu’un une à deux nuits. L’idée est juste de ne pas inscrire des relations dans la durée de l’hébergement, le bail étant à destination d’une personne.
 
Des résidents de nos établissements ont une vie intime et sexuelle, il y en a qui ont des relations sexuelles tarifées. Dans une structure collective, il y a des règles à respecter, des voisins.
 
On est chez soi, on peut faire ce qu’on veut mais dans le respect de ses voisins. Nous sommes toujours très attentifs au respect du bien-vivre collectif.
 
Y-a-t-il des améliorations à apporter ?
Il y a bien sûr des marges de progression. Comme nous accueillons des personnes seules, les logements sont uniquement équipés de lits simples, ce qui peut être un frein aux relations intimes et sexuelles.
 
Nous devons peut-être apporter des changements. Nous souhaitons continuer le travail de sensibilisation en mettant en place des formations sur l’éthique en collaboration avec la Direction des ressources pour l’accompagnement des Petits Frères des Pauvres, avec un volet sur la vie affective, intime et sexuelle des personnes dans le respect de leur vie privée.
 
Nous allons aussi travailler sur le label GreyPride. Au niveau des ESMS, nous sommes aussi confrontés, et cela rejoint complètement un des résultats de l’étude, à des difficultés avec des familles qui n’acceptent pas forcément la nouvelle vie affective de leurs proches ou des personnes âgées qui n’osent pas en parler à leur famille.
 
Nous devons jouer les médiateurs pour pouvoir faire valoir le respect de la vie intime et privée de la personne âgée et ses droits, et apaiser les craintes et interrogations des familles, que ce soit sur les capacités intellectuelles ou physiques, sur les capacités de consentement mais aussi sur le tabou et les représentations.
 
Ce rôle de médiation fait partie de l’accompagnement en établissement et il y a une nécessité à soutenir les équipes salariées avec de la sensibilisation et de la formation.

*« Rapport Vie affective, intime et sexuelle des personnes âgées - Petits Frères des Pauvres - Septembre 2022 ». Réalisé à partir de l’étude CSA Research Avec le soutien financier de la Fondation des Petits Frères des Pauvres et de la CNAV (Caisse nationale d’Assurance Vieillesse).

Article publié le 17/10/2022 à 01:00 | Lu 1925 fois