Une amitié intergénérationnelle née autour d’une passion commune : l’horlogerie

Il est des histoires extraordinaires qu'on ne se lasse pas d’écouter. Il est également des hommes qu'on ne se lasse pas de côtoyer. Et il est des montres qu'on ne se lassera jamais d'aimer et de porter... Laissez-moi donc vous raconter l'histoire d'une montre et d’une amitié entre deux hommes. Une amitié intergénérationnelle. Une amitié entre Pierre-Yves, un jeune entrepreneur autodidacte de 26 ans et René, un vieux monsieur de 81 ans, professeur de médecine et radiologue à la retraite. Tous deux passionnés d’horlogerie. Et qui vont renforcer leurs liens autour d’un garde-temps mythique de chez Patek Philippe, l’iconique Nautilus.





Salon Patek Philippe à Paris
Par Thierry Gasquez, président de Passion Horlogère

Il était une fois… Pierre-Yves, membre du club Passion Horlogère et fondateur de www.misterchrono.com, l'adresse incontournable des amateurs de montres qui souhaitent équiper leurs garde-temps d'accessoires en tous genres.

Une activité née de sa passion pour l'horlogerie et développée après avoir réussi dans les cartes à jouer. L'ouverture cette année à Paris, près de Bastille d'une boutique MisterChrono devait immanquablement lui donner l’occasion de croiser la route d’autres passionnés d'horlogerie !

De son côté, René a 81 ans. C’est un passionné d’horlogerie de longue date. Il est même collectionneur ; une collection très éclectique. Il possède des dizaines de pièces de marques prestigieuses : Audemars Piguet, Jaeger-LeCoultre, Omega, Piaget, Rolex, Seiko, Vacheron Constantin ou encore Zenith.

Malheureusement, son grand âge lui interdit désormais de sortir de son appartement parisien pour vivre et partager sa passion. Il ne reçoit la visite que de sa famille et de quelques proches. Toutefois, désireux de voir ses montres fonctionner, René a contacté Pierre-Yves -dont il a découvert l'existence par internet- pour s'équiper d’un watchwinder, un petit coffret muni d’un moteur électrique qui permet de remonter les montres.

Pierre-Yves, comprenant bien les contraintes du vieux monsieur, lui livre son premier remontoir à domicile. Etant sur place, il lui installe. René, ravi par le service rendu et par la qualité du produit, décide de s'équiper de nombreux autres « watchwinders ». Si bien qu’aujourd’hui, son salon est rempli d'une demi-douzaine de remontoirs différents comportant de quatre à huit montres chacun. Tout cela, disséminé de part et d'autre de la pièce à vivre.

Au fur et à mesure de ces achats et de ces livraisons, commence à naître une amitié intergénérationnelle doublée d’une grande complicité horlogère. René questionne Pierre-Yves sur les montres, sur les tendances actuelles ou encore sur la valeur intrinsèque de tel ou tel modèle... Peu à peu, les deux hommes finissent par passer beaucoup de temps ensemble.

Arrive le mois de mars 2010. Quelque chose a changé chez Pierre-Yves. René le remarque immédiatement. Cette « petite » différence se situe au niveau de son poignet gauche. En effet, il se trouve que ce jour-là, Pierre-Yves porte une montre que René n'avait encore jamais vu au bras de son jeune ami. Et pour cause, ce dernier vient tout juste de se l’offrir. Il s'agit d'une Patek Philippe Nautilus 5711/1A. La « foudre » frappe René de plein fouet ! Il lui faut cette montre ! A 81 ans, il refuse de quitter ce monde sans avoir jamais possédé cette Belle.

Il charge alors son ami de lui en trouver une... Et vite. Une gageure quand on sait qu’il faut parfois des années d’attente avant de pouvoir obtenir une pièce de chez Patek Philippe. Pierre-Yves mène ses premières démarches sur le marché de l'occasion où il pense avoir plus de chances de dénicher la Belle. Mais bien évidemment, René préfèrerait acheter sa montre neuve. Pierre-Yves s'inscrit donc sur la liste d'attente du Salon Patek Philippe de la place Vendôme à Paris. Le jeune homme veut mettre toutes les chances de son côté.

Pourtant les semaines et les mois passent… Et toujours pas la moindre touche sur le marché de l'occasion. Et aucune nouvelle non plus du côté du Salon de la place Vendôme. Entre-temps Pierre-Yves a toutefois gagné un surnom. René l'appelle désormais « Capitaine Nemo ». Mais toujours pas de 5711/1A à l'horizon.

4 octobre 2010. Je suis dans le train qui va de Paris à Besançon, avant de me diriger vers Le Locle pour une visite de la manufacture Zenith.

J’effectue le trajet avec Pierre-Yves qui me raconte cette histoire... L'histoire émouvante d’un vieil homme passionné qui attend avec impatience cette montre commandée chez Patek Philippe. Et dont il n'a toujours aucune nouvelle.

Cette histoire est belle. Cette histoire est sincère. Cette histoire me touche. Elle correspond de surcroît parfaitement à l'esprit de Patek Philippe qui veut que chaque montre possède sa propre légende. Mais pour que cette histoire prenne enfin forme, pour qu’elle s’ancre dans la réalité, il faut se dépêcher… Nous décidons donc, Pierre-Yves et moi-même, d'informer la maison Patek Philippe des circonstances de cette commande un peu particulière. Aussitôt dit, aussitôt fait. Mais toujours rien... Si ce n'est le secret espoir d'avoir été lus et entendus.

Mardi 12 octobre 2010 : le téléphone de Pierre-Yves sonne. Un numéro s’affiche. C'est le Salon Patek Philippe à Paris. La Nautilus tant attendue est enfin disponible. Le jeune homme informe immédiatement René. Le vieux monsieur est tout ému par cette nouvelle. Dans la foulée, le fils de René se charge d’effectuer le virement bancaire pour éviter à son père de se déplacer. Mais René s’impatiente, il trouve que le banquier traîne… Cela prend du temps, beaucoup trop de temps pour René ! Une fois l’argent transféré, une des montres du radiologue est prêtée au Salon Patek Philippe pour permettre à Aurélien, l’horloger de la place Vendôme de procéder à la mise à taille du bracelet acier de la Nautilus. Et cela prend encore du temps.

Le vendredi 22 octobre à 10h30, Pierre-Yves se présente chez Patek Philippe dès l'ouverture du Salon pour prendre enfin possession de cette superbe Nautilus.

Ne souhaitant pas vivre seul ce moment de plaisir et d’émotion, et profitant de ma présence à Paris, Pierre-Yves m'invite à l'accompagner place Vendôme, puis ensuite chez son ami pour lui remettre sa nouvelle montre en mains propres.

Nous nous dépêchons. Il n'y a pas de temps à perdre. René nous attend. Arrivés chez lui, nous le retrouvons dans son salon où je découvre une partie de sa collection. Pierre-Yves lui remet son paquet. René défait l’emballage et découvre sa Nautilus, superbement installée sur le petit coussinet placé au centre de son écrin. A la vue de cette merveille René murmure : « qu'elle est belle ! ». Puis il la passe à son poignet gauche.

« Ca y est, vous aussi, vous êtes un Capitaine Nemo ! » remarque alors malicieusement Pierre-Yves. Quant au vieux monsieur, il me regarde en souriant et me dit : « Vous avez vu ce qu'il a au bras ? Il veut me faire dilapider ma fortune ce salaud ! »… Il se trouve que ce jour-là, Pierre-Yves porte sa toute nouvelle montre François-Paul Journe. Un Chronomètre Souverain sur lequel René a également "flashé".

Entre-temps, le fils de René nous rejoint. Il est ravi de voir son père aussi rayonnant. « J’espère que vous allez continuer à susciter de nouvelles envies horlogères à mon père, j’ai l’impression que cela lui donne une terrible… envie de vivre ! » nous confie-t-il juste avant de partir.

Voici donc une belle histoire d’amitié ; une histoire née de la passion commune de deux hommes pour l’horlogerie. Aujourd’hui encore, nous ne savons pas si nous avons été lus ou entendus par les responsables de la manufacture genevoise. L’arrivée opportune de cette montre est peut-être, tout simplement, le fruit du hasard ? Notre temps d’attente a peut-être été tout à fait normal ?

Lors de notre passage au Salon de la place Vendôme, nous n’avons noté aucune allusion de la part du personnel. Le directeur du Salon, que nous avons rencontré, n'a rien évoqué. De notre côté, nous avons respecté cette pudeur et cette discrétion en ne posant aucune question.

Finalement, peu importe comment cette montre est arrivée le 22 octobre 2010 au poignet de René… Le principal, c’est qu’elle y soit. Et pour très longtemps.

Source : www.montres-de-luxe.com

Article publié le 08/11/2010 à 10:54 | Lu 3125 fois