La mise sous scellés : une mesure destinée à protéger les biens à l’ouverture d’une succession

Au décès, la succession s’ouvre. A compter de ce moment, tous ceux qui ont la qualité d’héritier deviennent propriétaires indivis des biens de la succession. Or, il arrive que certaines personnes indélicates ou mal intentionnées, ayant la qualité d’héritier ou non, décident de s’emparer d'objets ou de valeurs qu’elles convoitaient, d’autant qu’à ce stade tous les héritiers ne sont pas encore juridiquement déterminés…


Par Judith Duperoy, avocat à la Cour


En effet, à la suite parfois d’un conflit familial préexistant, certains proches du défunt peuvent décider de se saisir de meubles, de bijoux de famille, de tableaux, de voitures ou d'autres objets dotés d'une valeur économique ou simplement sentimentale qu'ils considèrent leur revenir. Il n'est pas rare que la maison du défunt se trouve ainsi vidée sans l’accord des autres héritiers.

Les dissimulations, appropriations et détournements qui peuvent être qualifiés de recel successoral, voire de vol dans certains cas sont sanctionnés respectivement par le Code civil et le Code pénal. Mais du point de vue des victimes, ces sanctions interviennent trop tard car la succession a déjà été dépouillée.

Alors, afin d’éviter que la succession ne soit vidée de ses biens, documents importants ou valeurs, l’apposition de scellés sur le ou les biens appartenant ou occupés par le défunt peut être demandée en urgence au juge. Le prononcé de cette mesure conservatoire va permettre d’organiser la protection rapide des biens du défunt dans l’attente du partage entre les héritiers.

Si l’apposition de scellés peut s’avérer nécessaire dans les situations de conflit familial avéré, elle permet en tout état de cause de prévenir les risques de déchirements entre les héritiers. Un décret récent, du 1er septembre 2011, modifie les dispositions relatives à la procédure applicable à ces mesures conservatoires prises après l’ouverture d’une succession.

La qualité pour demander la mise sous scellés

La mise sous scellés ne peut intervenir qu’après l’obtention d’une décision du juge.
Muni de l’autorisation du juge, l’huissier de justice pourra être dépêché sur les lieux afin de d’apposer matériellement les scellés au moyen de sceaux.

Les personnes qui ont qualité à demander l’apposition de scellés sont limitativement énumérées :

- le conjoint ou le partenaire d'un pacte civil de solidarité,
- tous ceux qui prétendent avoir une vocation successorale (enfants et autres descendants, conjoint, parents et autres ascendants),
- l'exécuteur testamentaire ou le mandataire désigné pour l'administration de la succession,
- le propriétaire des lieux loués par le défunt,
- tout créancier muni d'un titre exécutoire ou justifiant d'une créance apparaissant fondée en son principe
dans certains cas par les personnes qui demeuraient avec le défunt, par le maire, le commissaire de police, la gendarmerie.

Dépôt de la requête de mise sous scellés

Les requêtes aux fins d’obtenir l’apposition des scellés doivent être déposées auprès du Président du Tribunal de Grande Instance du lieu d’ouverture la succession compétent depuis le 3 septembre 2011, date d’entrée en vigueur du Décret précité modifiant la procédure.

Pour des raisons d’efficacité, l’apposition des scellés doit être demandée très rapidement et avant la pratique d’un éventuel inventaire des biens. L’avocat dépose une requête motivée et justifiée auprès du Président du Tribunal. En cas d’urgence, il soutient la requête directement dans le bureau du juge.

Réalisation de la mise sous scellés

Le Président du Tribunal rend une ordonnance qui doit être exécutée par un Huissier de Justice. L’huissier de justice prend toutes les mesures nécessaires à l’exécution de la décision de justice. Sur place, l’acte que dressera l’huissier de justice dépendra de la consistance et de la valeur des biens.

Si les biens ont une valeur importante, l’huissier apposera les scellés, mais si les biens sont de faible valeur, il dressera un état descriptif sans apposer de scellés. Lorsque les biens sont manifestement dénués de valeur marchande, l'huissier de justice dresse un procès-verbal de carence.

Sanction du bris des scellés

Le fait de biser ou de tenter de briser les scellés posés par l’huissier de justice constitue un délit pénalement réprimé et sanctionné par deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende, selon l’article 434-22 du Code pénal.

La levée des scellés

La levée des scellés peut être demandée par les mêmes personnes qui on qualité à demander la mise sous scellés. Ainsi, un héritier lésé peut demander la levée provisoire ou définitive des scellés. L‘avocat, dans ce cas, présentera une requête aux fins de levée des scellés.

Article publié en partenariat avec www.ledroitdesseniors.fr

Publié le 06/10/2011 à 08:01 | Lu 73487 fois