Déconfinement et âges des déconfinés : le point de vue de l'Académie nationale de médecine

Alors que le déconfinement -si tout va bien- doit avoir lieu le 11 mai prochain, il semblerait que le gouvernement veuille procéder par tranches d'âges... L'Académie nationale de médecine revient en détail sur cette éventuelle mesure. Et ses conséquences.





Dans un communiqué précédent, l'Académie avait déjà attiré l'attention sur la nécessité d'un certain nombre d'ajustements pour la mise en œuvre des mesures de confinement dans les établissements spécialisés accueillant des personnes âgées le plus souvent dépendantes.
 
Les contraintes liées au Covid-19 sont source d'isolement pour ces personnes, d'éloignement pour leurs familles, et de contraintes morales pour les personnels de santé attachés à leur procurer une qualité de vie satisfaisante. Les souffrances morales induites ne doivent pas être sous-estimées.
 
Le retour à une certaine normalité est donc attendu avec impatience par ces aînés. Mais compte tenu de la somme d'incertitudes qui subsistent quant à l'évolution de l'épidémie dans la population, il est difficile d'anticiper la sortie de crise (exacte) et la mise en œuvre du déconfinement s'avère très délicate(quand exactement ET comment ?).

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« La tentation simplificatrice consistant à gérer cet épisode par tranches d'âge (hypothèse déjà écartée par l'Académie) et à imposer aux personnes âgées, au nom de leur propre protection, de rester confinées n'est pas satisfaisante » estime l’Académie nationale de médecine. Quid de Brigitte Macron par exemple. Agée de 67 ans, doit-elle rester cloîtrée à l’Elysée ?
 
Dans ce contexte, l'Académie nationale de médecine souhaite rappeler quelques principes élémentaires d'humanisme :
– L'amalgame entre personnes âgées, en situation de handicap et/ou affectées par des maladies chroniques, compréhensible pour un statisticien, peut être très mal vécu par les personnes humaines ainsi cataloguées. Cf. la position de la psychologue clinicienne Marie de Hennezel cette semaine…
– Toute catégorisation impose des limites précises et génère des effets de seuil. Quel âge limite ? Quelles maladies chroniques ? Quel degré de sévérité ? Quels handicaps ? Comment évaluer le risque encouru individuellement face à l'infinie diversité des situations cliniques particulières.
– Il existe une confusion latente entre la population globale des seniors et celle des EHPAD. Des personnes âgées vivant à domicile sont aussi partiellement dépendantes d'aides médicales et matérielles.
Mais il existe aussi toute une population de seniors en bonne santé, actifs, et utiles, qui contribuent non seulement à l'économie, au bénévolat associatif, mais aussi à l'activité de leurs descendants en assurant des gardes de petits enfants. Si ces grands parents sont assignés à résidence, ils feront défaut lors de la reprise d'activité des parents.
– Si l'idée de déconfiner les seniors en dernier repose sur le souhait de les protéger, elle tend à en faire des citoyens de second rang. La perspective d'un confinement au terme non défini puisque tributaire de la disponibilité de tests, de traitements validés, et idéalement d'un vaccin, est de nature à induire une souffrance et une désespérance dont on mesure mal l'impact, au-delà de ses conséquences physiopathologiques.
– Vaut-il mieux prendre un risque contrôlé en respectant les gestes barrière pour vivre avec les autres, ou s'étioler dans une solitude sans espoir ? Un tel choix appartient à chacun ; il faut respecter ce qu'il est convenu d'appeler le consentement du patient en rappelant que vieillir en santé « c'est garder ses capacités pour continuer à faire ce qui est important pour chacun d'entre nous ».
 
Afin que la sortie du confinement se réalise dans les meilleures conditions et qu'elle bénéficie de l'adhésion des populations impliquées, l'Académie nationale de Médecine recommande de respecter les principes suivants :
1. Inciter la population générale à la solidarité intergénérationnelle en continuant à appliquer en tous lieux et en tous temps les règles d'hygiène et les mesures barrière, incluant le port d'un masque grand public, qui contribueront à créer pour les personnes fragiles un environnement favorable ou à moindre risque ;
2. Considérer toutes les personnes présentant une fragilité de quelque nature que ce soit (âge, handicap, maladies chroniques) comme des personnes responsables et utiles à la société, et ne leur proposer que des recommandations, à l'exclusion de toute réglementation contraignante et arbitraire ;
3. Respecter dans tous les cas la décision du patient, issue du colloque singulier qu'il entretient avec son médecin.

Article publié le 17/04/2020 à 11:07 | Lu 2643 fois