Transmission d'entreprise : pensez au "Pacte Dutreil" !

Dirigeant actionnaire ou associé, vous envisagez de mettre fin à votre carrière en transmettant votre entreprise. La transmission d'un patrimoine professionnel s'avère toutefois très complexe. En effet, une telle opération est bien souvent génératrice de conflits familiaux ou de contentieux avec l'administration fiscale.





Assurément, le choix de votre successeur pourra se révéler cornélien. À cette problématique s’ajoutera rapidement celle du paiement des droits de mutation.

En effet, le montant élevé des droits de succession ou de donation peut parfois avoir des conséquences désastreuses et provoquer la cession contrainte de l'entreprise familiale. Il convient donc, pour celui qui transmet comme pour celui qui reçoit la société, de rechercher des schémas juridiques allégeant l’ardoise fiscale...
 
Conscient de ces difficultés, le législateur a notamment mis en place un régime de faveur appelé « Pacte Dutreil ».

Ce dispositif est aujourd'hui devenu un incontournable. Ce montage permet de bénéficier d'un abattement de 75% des droits d’enregistrement en cas de transmission à titre gratuit (par donation ou décès) des parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (cf. article 787 B et 787 C du Code général des impôts).

La présente tribune aura notamment pour objet de vous présenter les avantages et possibles litiges liés à la mise en œuvre d’un pacte Dutreil.
 
La nécessité de s’engager collectivement à conserver les titres sociaux !
 
Pour bénéficier du dispositif d'exonération partielle, trois conditions doivent être remplies :

- Un engagement collectif de conservation des titres doit être souscrit. Il s'agit de l'acte par lequel vous vous engagez avec un ou plusieurs autres associés ou actionnaires de votre entreprise à conserver collectivement vos titres pendant une durée minimale de deux ans.

Pour être valable, un tel engagement doit prendre la forme d'un écrit enregistré portant sur au moins 34% des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société (ou au moins 20% si elle est cotée en Bourse). Il paraît opportun de préciser qu’en principe, cet engagement doit être en cours à la date de la transmission.

- Au jour de la transmission, le ou les héritiers/donataires s'engageront à leur tour à conserver individuellement les titres reçus pendant une durée minimum de quatre ans à compter de l'expiration de l'engagement collectif de conservation. Mais attention, en cas de cession de titres par une société interposée, au cours de l’engagement de conservation individuel, l’administration fiscale pourrait être amenée à remettre en cause l’exonération partielle.

- L'un des signataires ou bénéficiaires de la transmission devra exercer de façon effective une fonction de direction (pour les sociétés soumises à l'IS) ou une activité professionnelle principale pour les sociétés soumises à l'IR), et ce pendant une durée de 3 ans à compter de la transmission.
 
Les parts ou actions transmises seront exonérées de droit de donation ou de succession à hauteur des trois quarts de leur valeur en cas de respect des exigences cumulatives visées supra.
 
Mais ce n'est pas tout : le pacte Dutreil peut en effet se combiner avec d’autres avantages :

- Les héritiers ou donataires peuvent jouir de l'abattement en ligne directe de 100.000 euros sur l’assiette des droits de mutation à titre gratuit.

- Pour réduire davantage le coût de la transmission, vous pouvez transmettre à vos héritiers la nue-propriété. Le recours au démembrement est intéressant, car la valeur de la nue-propriété est inversement corrélée à l'âge du donateur : plus la transmission se fait tôt, moins elle coûtera cher. Il en résulte que pour une donation entre 50 et 60 ans, l'usufruit vaut 50% de la valeur en pleine propriété. L’assiette des droits de donations sera donc réduite de moitié. Il convient toutefois de préciser que votre droit de vote sera statutairement limité aux décisions concernant l'affectation des bénéfices.

- Enfin, si les droits de succession demeurent toujours trop lourds pour vos ayants droit, ceux-ci pourront demander à bénéficier des dispositifs de paiement différé et fractionné des droits applicables en cas de transmission d'entreprise.
 
Par ailleurs, depuis le mois d’août 2013, le pacte Dutreil permet également une exonération fiscale concernant l’Impôt sur la fortune à certaines conditions.
 
Attention à ne pas léser le fisc !

Le pacte Dutreil est sans conteste un formidable outil d’économie d’impôt, mais attention à ne pas commettre certains écueils ! Utilisé à mauvais escient il pourra se retourner contre vous notamment au titre de la répression de l’abus de droit.
 
Le législateur prévoit un cadre très strict, or les entreprises ne sont pas des entités inertes. En effet, il est parfois nécessaire de faire évoluer leur capital, de faire entrer des partenaires ou de mettre en place une holding. Il convient à cet égard de préciser que toutes les holdings ne sont pas éligibles au régime de faveur.
 
Par ailleurs, il existe, en plus de la vision fiscale de la transmission d’entreprise, une approche économique qui pourra être opposée à l’administration fiscale. Assurément, seules les holdings dites "animatrices" pourront bénéficier de ce dispositif. Il parait toutefois opportun de souligner que même si l'Administration fiscale fournit une définition de ce type de société, il n’est en pratique pas toujours aisé d'en cerner les contours, ce qui rend notamment les risques de contestation par des vérificateurs non négligeables.
 
Le recours à un avocat compétent en droit fiscal et en droit des successions se révèlera donc nécessaire en cas de contrôle ou de redressement fiscal.

Par Line Joas, Juriste, sous la direction de Maître Jacques Kaplan, Avocat

Avocats Picovschi

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Article publié le 04/08/2015 à 01:00 | Lu 3402 fois


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