Théâtre de la Porte Saint-Martin : l'Oiseau Vert de Carlo Gozzi

Au Théâtre de la Porte Saint-Martin, les statues parlent et les pommes chantent. C’est une des très bonnes décisions prise par le jeune directeur de ce théâtre privé, Jean-Robert Charrier : accueillir chaque année dans ses murs au moins une création d’une scène publique.


Cette fois il s’agit de la pièce de Carlo Gozzi, l’Oiseau Vert, mise en scène par Laurent Pelly au Théâtre National de Toulouse en 2015, production qui lui avait d’ailleurs valu en son temps le Prix du Meilleur Créateur d’Eléments Scéniques.
 
On connaît peu Carlo Gozzi, souvent présenté comme le rival d’un autre auteur italien plus célèbre, Carlo Goldoni, dont on a vu récemment « Les Jumeaux Vénitiens » sur une scène parisienne. Gozzi déplore le déclin de la Commedia dell’arte au profit d’œuvres plus réalistes, souvent signées Goldoni, justement, et prône à l’inverse, la primauté du merveilleux dans le théâtre. Tout en ne se privant pas d’égratigner les nouvelles idées philosophiques à la mode -la pièce date de 1765, en plein Siècle des Lumières.
 
A mi-chemin entre le conte et la farce, le burlesque et l’onirique, le tragique et le comique, Gozzi signe ici une œuvre originale qui laisse la part belle à la mise en scène ainsi qu’aux acteurs. Résumer l’intrigue n’est pas vraiment utile, juste peut-on dire qu’on y verra des jumeaux royaux jetés à l’eau à leur naissance mais recueillis par un brave charcutier et son épouse, une reine en déconfiture enfermée sous un lavabo par sa belle-mère et une marâtre qui fait penser à la méchante reine de Blanche-Neige.
Sans oublier un roi fantoche qui tombe amoureux de sa fille et, pour couronner le tout, un prince rival malheureux qui a été transformé en oiseau, l’Oiseau Vert, justement.
 
Tout ceci constitue un Conte un peu cynique où les personnages, plus préoccupés de leur propre personne que du sort des autres, ne recueillent pas vraiment notre sympathie, en tout cas au début où seul prime l’amour propre. Mais le sage Gozzi saura remettre un peu de douceur dans cet univers par trop manichéen avec la scène finale, où chacun trouve une place plus conforme à son image.
 
Laurent Pelly, qui signe à la fois les décors, la mise en scène et les costumes, a opté pour une représentation symbolique, privilégiant le mouvement et la forme plutôt que la matière. Ses décors stylisés, à la limite de l’épure, utilisent des formes géométriques, rondes ou carrées, qui suggèrent plus qu’ils ne représentent.
 
Une mise en scène très alerte permet ainsi aux acteurs de se mouvoir avec aisance et d’inventer dans un espace dépouillé du superflu. Tous sont à complimenter, les jumeaux ingrats, le philosophe, le couple de charcutiers et les autres. Mention spéciale pour Marilù Marini en Reine Tartagliona qui alterne avec talent, mugissements et minauderies dans des mimiques grotesques dignes d’une actrice du cinéma muet.
 
Autant de raisons d’aller un soir dans ce théâtre  où –autre bonne idée du directeur- seules les places avec une bonne visibilité sont mises en vente.
 
L'Oiseau Vert de Carlo Gozzi
Théâtre de la Porte Saint-Martin
18 Boulevard Saint-Martin
75010 Paris
Du mardi au samedi 20h30  dimanche 16h

Publié le 04/06/2018 à 01:00 | Lu 1713 fois