Surcote : les raisons d’un échec relatif, selon la Cnav

Dans un récent communiqué, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), revient sur la réforme des retraites de 2003 et sur l’emploi des seniors… Christophe Albert, Nathanaël Grave et Jean-Baptiste Oliveau de la Cnav analysent et évaluent l’incidence du dispositif « surcote » sur l’âge de départ en retraite. Qui en bénéficie aujourd’hui ? Pourquoi cette mesure suscite-t-elle si peu d’adhésion ?


Rappel des conditions
« Créée par la réforme de 2003 et mise en place à partir du 1er janvier 2004, la surcote connaît un échec relatif » estiment les spécialistes de la Cnav. En 2007, elle concernait 7,6% des assurés du régime général. Or, en 2003, avant la mise en place du dispositif, ils étaient déjà 7% à continuer de travailler au-delà des 160 trimestres requis pour le taux plein. Il semblerait donc qu’à ce jour, cette mesure n’ait pas induit de changement fondamental dans le comportement des futurs retraités.

Plus concrètement, l’objectif de la surcote est d’encourager les seniors à continuer leur activité pour pouvoir, une fois la durée d’assurance acquise pour le taux plein et à partir de 60 ans, bénéficier d’une pension majorée. Depuis 2007, la majoration est de 3% pour la première année cotisée après 60 ans et 160 trimestres, de 4% les années suivantes et de 5% par année cotisée au-delà de 65 ans.

A noter que la condition d’activité exclut une part importante de la population susceptible d’être concernée, puisque le taux d’emploi des 60-64 ans est inférieur à 20% depuis les années 1990. D’après une étude de l’Insee publiée en 2005, la probabilité de reprise d’emploi pour les 50-60 ans serait de 35%, et quasi-nulle au-delà de 56-57 ans.

La surcote en chiffres

- 2004-2006 : 80 000 bénéficiaires, soit 6% du flux des prestataires (sur l’ensemble des départs en retraite du 3ème trimestre 2006).
- 2007 : les « surcotés » représentent 7,6% du flux des prestataires, et 2/3 d’entre eux sont des hommes. Dans plus de 40% des cas, l’activité prolongée a donné droit à au moins 4 trimestres de surcote.
- Pour 20% des bénéficiaires, et particulièrement les femmes, la surcote est gommée par l’attribution du minimum contributif majoré. En effet, le minimum contributif est un mécanisme de pension de base minimale assuré aux retraités ayant le taux plein. La surcote étant calculée avant l’attribution du minimum contributif, elle peut donc être «absorbée» par l’attribution de ce minimum.
- Sur l’année 2006, les 80% restants qui ont réellement bénéficié de la surcote, ont touché en moyenne 32 euros de supplément de pension par mois (40 euros pour les hommes monopensionnés), pour un âge moyen de liquidation de presque 63 ans.

Qui sont les « surcotés » aujourd’hui ?
En règle générale, le surcoté :
- est un homme (au 1er trimestre 2006, ils représentent 64% des bénéficiaires de la surcote),
- polypensionné (pour 59% d’entre eux),
- a un salaire annuel moyen plus élevé que ceux qui choisissent de partir en retraite (en 2004, il se monte à 47 300 euros contre 22 700 euros pour les autres),
- est cadre (56% des surcotés) ou appartient aux professions intellectuelles supérieures, alors que les cadres ne sont que 35% chez les non surcotés,
- travaille dans une entreprise qui est favorable à sa poursuite d’activité,
- est bien informé de l’existence du dispositif et/ou du niveau de sa future pension.

A partir de cet état des lieux, les auteurs ont donc isolé trois motifs qui expliqueraient le faible recours moyen à la surcote :
- la faiblesse du taux d’emploi des seniors,
- le manque de volonté des entreprises de conserver leurs travailleurs plus âgés,
- une information insuffisante sur le dispositif de la surcote.

Les résultats d’une enquête Cnav/Ipsos menée en mars 2006 auprès de seniors âgés de 55 à 59 ans susceptibles d’être concernés par la surcote montrent ainsi que 49% des personnes interrogées pensent que leur employeur ne serait pas vraiment ou pas du tout favorable à une prolongation de leur activité. Ils sont tout autant à ne pas connaître le dispositif.

Les chiffres le montrent bien, souligne la Cnav : le taux d’assurés ayant bénéficié d’une surcote connaît une lente montée en charge depuis 2004, avec 5% en 2005 et plus de 7% en 2006-2007. Mais avant sa mise en place, le taux d’assurés partant en retraite dans des conditions similaires à celles de la surcote, était déjà de 7%. Il semblerait donc que la surcote n’ait engendré aucune modification de comportement en matière de prolongation d’activité.

Toutefois, il faudra attendre encore deux ou trois ans pour pouvoir juger d’un éventuel effet d’aubaine et pour le quantifier, le dispositif étant encore en phase de montée en charge.

Une modélisation délicate du départ en retraite des surcotés

A l’origine, la surcote devait modifier le comportement d’un certain nombre d’assurés en les incitant à poursuivre leur activité et à reporter l’âge de leur départ en retraite.

L’étude réalisée par les auteurs s’appuie sur le modèle de microsimulation de la Cnav, Prisme (Projection des retraites, simulation et évaluation). A partir d’un échantillon de 5 millions d’assurés, ces derniers testent l’application d’une modélisation de type Stock & Wise couramment utilisée pour déterminer l'âge de passage à la retraite en projection dans certains modèles de microsimulation.

Cet exercice a été effectué sur une sous-population spécifique des assurés en position de surcote en 2004 à 2006 et ayant pris leur retraite récemment. Pour mieux prévoir le comportement des assurés ayant eu une surcote, il faudrait a priori revoir certains paramètres de la modélisation, en particulier modifier à la hausse la valeur de la préférence pour le loisir habituellement adoptée.

Cependant, la détermination optimale de la date de liquidation la plus probable est très sensible à des variations des valeurs des paramètres et au filtre de population choisie. Plus globalement, cette méthodologie restera relativement fragile tant que subsisteront les facteurs suivants :
- les assurés ne bénéficient pas toujours d’une liberté de choix réel au moment de leur départ en retraite, notamment en raison de l’attitude des entreprises vis à vis de l’activité des seniors,
- la plupart des assurés partent en retraite en fonction des contraintes qui leur sont imposées pour l’acquisition du taux plein,
- l’information sur les mécanismes d’assouplissement des conditions de départ reste insuffisante,
- le choix du départ en retraite dépend d’autres facteurs non modélisables et aléatoires, tels que la santé, le comportement du conjoint…

Pour aller plus loin, lire aussi :
Réforme des retraites de 2003 : quel impact sur l'emploi senior ?

Publié le 23/07/2008 à 12:07 | Lu 8497 fois