A l’incompréhension du geste s’ajoute l’incompréhension du sens. L’ami, le narrateur, au fil des pages recomposera avec pudeur, avec lucidité l’identité fragmentée du suicidé. A travers quelques souvenirs qu’ils avaient en commun, se dessine le paysage mental et philosophique de celui qui n’est jamais nommé autrement que par « tu ».
La question soulevée par Camus sur l’absurdité de la vie n’est jamais loin. Si celui-ci répondait que le suicide est une non-réponse philosophique car il apporterait à l’existence une valeur, valeur alors entrant en contradiction avec le non-sens de la vie, Edouard Levé développe une tout autre argumentation. Il concède toutefois à ses proches que « la douleur d’exister leur semble préférable à l’inquiétude de ne pas être ».
Cette confrontation amère avec la vie est rendue avec justesse, appuyée par un style d’une déconcertante sobriété. Le lecteur suit la courbe intime de l’auteur, en éprouve la maïeutique qui brise, réinvente et retient le silence. Car c’est là le cœur du livre : la résistance à la parole que le narrateur tente de restituer. Ici est placé le point de convergence, celui qui relie le roman et la vie de l’auteur. Le « tu » obsédant est une manière d’exprimer l’autre soi-même de l’écrivain.
Il reste aussi présent dans l’esprit du lecteur car il l’implique dans la problématique de la vie et, peut-être même, de sa propre mort. Dix jours après avoir remis ce texte à son éditeur, Edouard Levé se suicidait. Cet ultime geste confère à ce récit une singulière beauté.
Suicidé
Edouard Levé
Editions P.O.L
124 pages
14 euros
La question soulevée par Camus sur l’absurdité de la vie n’est jamais loin. Si celui-ci répondait que le suicide est une non-réponse philosophique car il apporterait à l’existence une valeur, valeur alors entrant en contradiction avec le non-sens de la vie, Edouard Levé développe une tout autre argumentation. Il concède toutefois à ses proches que « la douleur d’exister leur semble préférable à l’inquiétude de ne pas être ».
Cette confrontation amère avec la vie est rendue avec justesse, appuyée par un style d’une déconcertante sobriété. Le lecteur suit la courbe intime de l’auteur, en éprouve la maïeutique qui brise, réinvente et retient le silence. Car c’est là le cœur du livre : la résistance à la parole que le narrateur tente de restituer. Ici est placé le point de convergence, celui qui relie le roman et la vie de l’auteur. Le « tu » obsédant est une manière d’exprimer l’autre soi-même de l’écrivain.
Il reste aussi présent dans l’esprit du lecteur car il l’implique dans la problématique de la vie et, peut-être même, de sa propre mort. Dix jours après avoir remis ce texte à son éditeur, Edouard Levé se suicidait. Cet ultime geste confère à ce récit une singulière beauté.
Suicidé
Edouard Levé
Editions P.O.L
124 pages
14 euros
