Sida : la maladie progresse chez les plus de 50 ans (partie 1)

Aujourd'hui, 150.000 personnes sont porteuses du VIH en France dont 40% d’hommes et 26% de femmes de plus de 50 ans. Certains vivent avec le VIH depuis des dizaines d'années avec pour conséquences un vieillissement prématuré et le développement de pathologies associées. Pour mieux comprendre les inquiétudes et le vécu de ces patients, le SIS réseau a mené une enquête mettant en évidence leur parcours de soin et a imaginé des axes d’amélioration de leur prise en charge médico-sociale.





Trois personnes sur cinq présentent en effet une comorbidité associée au VIH. Par ailleurs, sur les 150.000 personnes porteuses du VIH, on estime qu’environ 50 000 ignorent leur séropositivité. Ce phénomène appelle plusieurs questions :
- Qui sont les patients VIH de plus de 40 ans (survivants, nouveaux dépistés, nouveaux contaminés) ? Comment sont-ils pris en charge aujourd’hui ?
- Quel impact la maladie a-t-elle sur leur qualité de vie ?
- Et comment la société gèrera-t-elle demain ces patients VIH âgés et polypathologiques ?
 
Pour mieux comprendre les inquiétudes et le vécu des patients de plus de 40 ans porteurs du VIH, le SIS réseau a mené une enquête nationale afin de mettre en évidence leur parcours de soin et dégager des axes d’amélioration de leur prise en charge médico-sociale. Cette enquête inédite est à mettre en regard des tout derniers résultats épidémiologiques de l’InVS, qui révèlent que :
 
« La dynamique du VIH est toujours très active en France avec près de 7.000 nouvelles contaminations chaque année dont la moitié concerne les hétérosexuels. Près de 6.600 personnes ont découvert leur séropositivité VIH en 2014 : 3.400 hétérosexuels (56%) ; 2.800 HSH (48%) avec une augmentation significative depuis 2001; moins de 100 UDI (1%). Point important : les moins de 25 ans représentent 11% des découvertes de séropositivité en 2014 et celles de 50 ans et plus, 20% !
 
L’augmentation du nombre de découvertes de séropositivité VIH chez les HSH, la stabilité de l’incidence à un niveau bien supérieur à celui des découvertes de séropositivité, l’augmentation de l’incidence chez les jeunes, la stagnation de la précocité des diagnostics (39 % en 2014), la progression des IST et l’augmentation des pratiques à risque constituent un faisceau d’indicateurs forts montrant qu’une prévention ciblée dans cette population doit être renforcée grâce à l’ensemble des outils disponibles.
 
Les actions de prévention doivent se poursuivre en termes d’information, d’éducation, de dépistage et de traitement rapide des personnes infectées. Chez les hétérosexuels nés en France, l’incidence du VIH qui se situe à un niveau supérieur à celui des découvertes de séropositivité, incite à accentuer tout particulièrement le recours au dépistage couplé du VIH et des hépatites B et C puisque le dépistage généralisé du VIH montre ses limites
. »
 
Comment le VIH accélère le vieillissement des patients

Vieillir avec le VIH était une notion inimaginable il y a encore quelques années. Elle est aujourd’hui une réalité pour beaucoup de personnes. Ainsi en 2020, la part des personnes de plus de 50 ans vivant avec le VIH représentera 50% de l’ensemble des patients vivant avec le VIH (PVVIH).
 
Or, cette chronicisation du VIH engendre de nombreuses questions non résolues. Certaines d’entre elles sont inhérentes aux maladies liées au vieillissement naturel du corps mais dans le cas du VIH, il faut y ajouter l’effet de plusieurs années d’action du virus sur l’organisme et l’absorption de polythérapies sur le long terme, toujours mal connus. De ce fait, l’allongement de la durée de vie des personnes infectées par le VIH, grâce à l’accès aux traitements antirétroviraux, introduit un nouveau défi qui est celui de la prise en considération des maladies associées au vieillissement, pour les PVVIH.
 
En effet, l’apparition de la trithérapie en 1996 a révolutionné considérablement la vie des patients. Progressivement, l’efficacité thérapeutique a permis de contrôler leur état immuno-virologique et de prolonger considérablement leur espérance de vie. Récemment, plusieurs études suggèrent que l’espérance de vie attendue d’un patient débutant son traitement à plus de 350 CD4 et contrôlé sur le plan virologique, serait quasi identique à celle de la population. Mais même si la mortalité a chuté, elle reste à ce jour supérieure à celle de la population générale. Par ailleurs, en 2010, les pathologies liées au SIDA ne représentaient plus que 25% des causes de décès du PVVIH contre 36% en 2005 et 47% en 2000. Le taux de mortalité dû aux comorbidités est donc devenu supérieur à la mortalité liée au SIDA.
 
Comme l’explique le Dr Valérie Martinez du Service des Maladies infectieuses de l’Hôpital Pitié Salpêtrière : « chez les patients séropositifs, les comorbidités sont plus fréquentes et surviennent plus tôt que chez les patients séronégatifs. Elles augmentent avec l’âge et les patients développent davantage de poly-comorbidités ».
 
Ainsi, une récente étude a révélé que sur 328 patients VIH (dont 99,3% des patients reçoivent un traitement antirétroviral, 15,3% sont co-infectés par le VHC et 2,7% par le VHB), les comorbidités les plus fréquemment observées sont : la dépression (36,7%), la fibrose hépatique (20%), l’ostéoporose (17,9%), les pathologies cardiovasculaires (12,5%), les cancers non liés au VIH (11,7%) puis les troubles cognitifs (11,6%) et l’insuffisance rénale chronique (2,1%).
 
Il apparaît donc qu’une exposition au virus et aux traitements accélère et amplifie le processus naturel de vieillissement. On estime par ailleurs que d’ici 2030, 84% des PVVIH présenteront également une co-morbidité liée à leur âge. La prise en charge des PVVIH doit par conséquent être pluridisciplinaire et adaptée, ce qui implique une évolution de la filière HIV et une sensibilisation des médecins traitants aux risques de comorbidités développées par les PPVIH.
 
L’enquête SIS sur le parcours de soin des plus de 40 ans

Afin de mieux connaître les PVVIH de plus de 40 ans et donc pouvoir élaborer de nouveaux axes de prises en charge, le SIS a mené une enquête dont les résultats sont aujourd’hui connus. Cette enquête a été réalisée via un questionnaire autoadministré ciblant les PVVIH âgées d’au moins 40 ans, accessible sur www.sida-infoservice.org.
 
Les participants sont des hommes pour 75,8%, avec un âge moyen de 52 ans. En tout, 67,5% d’entre eux vivent dans une grande ou moyenne ville et 52,6% ont des revenus suffisants voire confortables. En moyenne, les participants vivent depuis dix-huit ans avec le VIH, la quasi-totalité est sous ARV (97,4 %) et ce depuis 12,5 ans en moyenne. Moins d’une personne sur dix a une charge virale détectable ou instable (7,2 %). Les femmes vivent depuis plus longtemps avec le VIH : 22 ans contre 16,5 ans pour les hommes. Une personne sur cinq est concernée par une co-infection avec le VHC (9,8 %), le VHB (5,7 %) ou les deux (1,5 %).
 
L’enquête permet d’établir que les participants sont en grande majorité satisfaits de leurs suivis du VIH et des autres pathologies, satisfactions conditionnées à la rencontre avec des spécialistes hors VIH. Mais si la prise en charge est aujourd’hui globalement une réussite thérapeutique, elle ne suffit plus. La question du vieillissement est au coeur des préoccupations de ces personnes vivant depuis 18 ans en moyenne avec le VIH. Elles font face à un triple impact du temps : celui ordinaire de l’avancée en âge additionné à ceux de la vie sur le long terme avec un état inflammatoire à bas bruit et un traitement ARV. Un manque de communication entre les PVVIH et leurs soignants ressort en filigrane de cette enquête. Jusqu’à une personne sur cinq ne sait pas si elle est atteinte de telle ou telle comorbidité ou si elle fait l’objet d’une surveillance pour ces pathologies.
 
De nombreuses inquiétudes catalysées par l’avancée en âge ont été formulées, les PVVIH envisageant leur futur de façon globalement pessimiste. Ajoutant de la complexité dans la prise en charge, les expériences et les attentes sont individuelles et donc variables. Comment uniformiser la qualité de la prise en charge tout en répondant aux besoins individuels est une vraie question. Au-delà des problématiques liées aux différences géographiques (milieu urbain versus rural), l’une des pistes permettant de s’engager en ce sens est de favoriser la communication entre les PVVIH et leurs différents professionnels de santé.
 
Pour autant, les problématiques plus larges telles que la précarisation et l’isolement des personnes vieillissantes, ainsi que la prise en charge sans condition des PVVIH dans les maisons de retraite nécessitent d’être saisies par les pouvoirs publics. Enfin, le vieillissement est une question demeurant taboue dans la société. Comme souligner par des participants à l’enquête, les personnes âgées, séropositives au VIH ou non, ne sont pas particulièrement choyées dans notre société. Un débat pourrait être ouvert afin d’y remédier, ce qui participerait aisément à apaiser les angoisses de chacun liées à son vieillissement.

Article publié le 01/12/2015 à 12:42 | Lu 1416 fois