Se nourrir et bien vieillir : approche transversale et déterminants des évolutions de la vie (partie 1)

Pour la 5e année consécutive, la Fondation Louis-Bonduelle a organisé ses Rencontres à Paris. Cette édition 2012 le 5 juin dernier. Dans le cadre de l’année européenne du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle, les personnes âgées ont été à l’honneur. L’occasion de rappeler que, face à une population âgée grandissante, vieillir en bonne santé est un défi que notre société doit relever. Pour y parvenir, l’alimentation ne doit pas être négligée. Au contraire : bien se nourrir peut s’avérer essentiel au maintien d’un bon état de santé, garant d’un vieillissement réussi.





Pour nous en convaincre, une experte en sensorialité, un sociologue et un acteur de terrain, se sont succédés au pupitre.

Même lorsqu’il se déroule normalement, le vieillissement est associé à de nombreuses modifications d’ordre physiologiques (ralentissement du transit intestinal, du métabolisme basal, perte de dents, altérations des capacités chimiosensorielles), psychologiques (solitude, dépression, démence) et sociologiques (retraite, veuvage, déménagement, etc.).

Or, toutes ces modifications sont susceptibles d’avoir un impact sur la prise alimentaire et donc sur le statut nutritionnel de la personne âgée. De même, l’apparition d’une dépendance pour l’alimentation, qui fait généralement suite à une perte d’autonomie de la personne (apparition d’une incapacité physique ou psychique, veuvage, etc.), modifie en profondeur son rapport à l'alimentation. Dès lors qu’une personne âgée doit déléguer tout ou partie de son alimentation, elle n’est plus maître de ce qu’elle mange : elle tombe dans la dépendance culinaire.

Face à cet état de fait, comment agir au mieux pour que ces changements n’impactent pas négativement l’alimentation de la personne âgée ?

Les trois interventions proposées par la Fondation Louis-Bonduelle ont donné une vision transversale de la question en créant des ponts entre perceptions sensorielles et statut nutritionnel, entre évolutions de vie et habitudes alimentaires, et pour finir entre la théorie et la pratique.

Des perceptions sensorielles au statut nutritionnel
Evolution de la perception sensorielle et des préférences alimentaires chez les personnes âgées : quel lien avec le statut nutritionnel ? Intervention de Claire Sulmont-Rossé, du Centre des sciences du goût et de l’alimentation à Dijon (UMR 1324).

Une diminution de l’appétit s'observe fréquemment chez la personne vieillissante. Elle peut découler de la perte de ses perceptions sensorielles, d’une dégradation de son état bucco-dentaire et/ou de bouleversements psychologiques et sociologiques, et conduire à une dégradation de son statut nutritionnel. C’est pourquoi la lutte contre la dénutrition doit se trouver au centre des préoccupations lorsque l’on s’intéresse à l’alimentation des personnes âgées. Une lutte qui, pour l’instant, s’appuie essentiellement sur une prise en charge nutritionnelle : mise en place de régimes alimentaires adaptés, formulation d’aliments enrichis, prescription de compléments alimentaires. Or, il est important de ne pas oublier la notion de plaisir lié à l’acte alimentaire.

Jouer sur le plaisir associé au repas pour lutter contre la dénutrition
Afin de mieux comprendre le lien entre plaisir sensoriel et état nutritionnel chez les personnes âgées, l’équipe de Claire Sulmont-Rossé a mené une enquête multidisciplinaire auprès de 559 seniors de plus de 65 ans, vivant en EHPAD ou à domicile, avec ou sans aide extérieure, dans quatre villes françaises (Angers, Brest, Nantes et Dijon).

« Cette enquête comprenait près de 400 questions portant, entre autres, sur les habitudes et les préférences alimentaires des seniors, leur perception des odeurs et des saveurs des aliments, ainsi que sur leur état de santé et leur état nutritionnel », détaille la chercheuse. Les résultats ont mis en évidence une grande variabilité au sein de la population âgée, tant au niveau de la perception sensorielle que des préférences alimentaires.

« Alors que la communauté scientifique admet que les capacités chimio-sensorielles diminuent avec l’âge, l’enquête a montré qu’environ 45 % de la population âgée présentait des capacités sensorielles préservées », explique-t-elle. En parallèle, les résultats ont mis en évidence trois styles de mangeurs (les amateurs de « mitonné », de « bonne chère » et de « naturalité »), mais peu de liens ont été observés entre perceptions sensorielles et préférences alimentaires.

Il apparaît que les sujets amateurs de « mitonné » et de « naturalité » ont globalement un meilleur statut nutritionnel que les autres, tandis que ceux présentant une forte altération olfactive tendent à avoir un statut nutritionnel plus fragile. D’où l’intérêt de jouer sur le plaisir associé au repas dans cette population âgée pour lutter contre la dénutrition. Un objectif poursuivi par cette équipe du Centre des sciences du goût et de l'alimentation à Dijon. Pour y parvenir, les scientifiques cherchent à développer des aliments répondant aux attentes des personnes âgées en matière d’habitudes et de préférences alimentaires, tout en tenant compte de leurs capacités chimio-sensorielles et de leurs besoins nutritionnels.

Article publié le 03/07/2012 à 12:00 | Lu 2081 fois