Retraite : les effets de la réforme du minimum contributif en 2003… limités et éphémères, selon la Cnav

Dans un récent communiqué, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), revient sur la réforme des retraites de 2003 et sur l'emploi des seniors… Catherine Bac, Isabelle Bridenne, Julie Couhin de la Cnav, reviennent sur les effets de la réforme du minimum contributif mis en place en 2003, qui selon ces analystes, a eu des effets « limités et éphémères ». Détails.


Les nouveautés de 2003

Depuis 1983, le minimum contributif permet aux assurés qui ont travaillé longtemps, mais avec de faibles salaires, de percevoir une retraite minimale dans leur régime de base. En 2003, ce dispositif a été modifié par la réforme.

Aujourd’hui, quels sont les effets de ces mesures sur les pensions ? Qui sont les gagnants et les perdants de cette réforme ? A partir des données de la Cnav, les auteurs proposent une analyse des répercussions complexes de ce mécanisme selon les générations et les années de départ à la retraite.

Depuis le 1er janvier 2004, le minimum contributif comprend une partie non majorée, calculée sur la durée d’assurance validée, et une majoration au titre des périodes cotisées. La majoration sur la base des trimestres d’assurance cotisés a pour objectif de valoriser les périodes liées à l’activité. Elle permet ainsi de verser une pension minimale plus élevée aux assurés qui justifient de périodes acquises strictement par cotisations.

Par ailleurs, la réforme de 2003 prévoyait d’assurer pour tout salarié ayant travaillé à temps complet sur la base du Smic et disposant de la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein, un montant total de pension au moins égal à 85% du Smic (pensions de base et complémentaires incluses).

Pour atteindre ce but, le minimum contributif majoré a été revalorisé successivement aux 1er janvier 2004, 2006 et 2008 pour une carrière complète : au total, une augmentation de 9,3% s’est donc ajoutée aux revalorisations générales annuelles des pensions.

En introduisant une revalorisation plus importante de la majoration du minimum contributif au titre des périodes cotisées, le législateur a voulu que le système valorise les pensions des assurés qui ont longtemps cotisé. Il s’agit bien d’accentuer la logique contributive de la pension minimale attribuée par le régime général et les régimes alignés.

Le minimum contributif permet en 2008 d’assurer une pension minimale de 7 603,41 euros/an aux assurés ayant eu une carrière complète et entièrement cotisée, soit 46% du maximum de la pension de base versée par le régime général. Cependant, ce niveau de pension minimale est rarement servi entier, car il est versé proportionnellement à la durée d’assurance validée au régime et à la durée cotisée.

A noter que la réforme du minimum contributif de 2003 a également modifié la règle de non-cumul des minima en prenant en compte la durée d’assurance totale validée dans l’ensemble des régimes de base. Ainsi, un assuré ayant cotisé à plusieurs régimes de retraite, aura une pension de base globale au plus équivalente au montant entier du minimum contributif.

Un minimum contributif proratisé
La pension servie au titre du minimum contributif est rarement servie dans son entier (soit 7 603,41 euros/an en 2008) : elle est proportionnelle à la durée d’assurance validée au régime concerné et à la durée cotisée. En général, les bénéficiaires du minimum contributif n’ont pas effectué une carrière complète au régime général : ils ont pu travailler dans un autre régime. A ce titre, ils touchent donc une pension du régime général inférieure à celle d’un assuré qui y a cotisé toute sa vie.

De plus en plus de retraités concernés
Entre 2004 et 2006, les bénéficiaires du minimum contributif sont passés de 36% à 39% des nouveaux retraités. Cependant, lorsqu’on élimine les retraités ayant liquidé leurs droits avant 60 ans, cette part se stabilise à 42% pendant la période concernée.

Au total, sur cette période, le minimum contributif concernait quatre personnes sur dix et plus d’une femme sur deux parmi les nouveaux retraités. Le dispositif représente 30% de leur pension de droit propre, ce qui en fait une composante essentielle de la pension de base du régime général.

L’étude des données de la Cnav sur cette période permet ainsi de tracer un profil-type du bénéficiaire du minimum contributif :
- c’est une femme,
- plutôt polypensionnée,
- elle demande sa retraite plus tardivement, à 62 ans (contre environ 60,4 ans pour les non bénéficiaires en 2006),
- elle touche une pension annuelle moyenne de 3 900 euros en 2006 au titre de la retraite de base (et de 2 400 euros si c’est un homme), soit une pension de base bien inférieure à celle des autres retraités (46% de la pension de base moyenne des femmes non bénéficiaires et 26% pour les hommes). Cette différence s’explique par des écarts de salaires obtenus au cours de la carrière et des durées d’assurance en moyenne inférieures pour les bénéficiaires du minimum contributif.

Des effets limités sur les pensions
Suite à l’analyse des données de la Cnav sur les nouveaux retraités des années 2004-2006, les auteurs ont constaté deux effets contradictoires :

- une baisse de la pension liée à la proratisation
La réforme de 2003 a modifié le calcul de la pension de droit propre en augmentant progressivement la durée de proratisation entrant dans le calcul du minimum contributif d’un salarié qui n’a pas cotisé durant toute sa carrière. Cette durée de proratisation s’aligne progressivement sur la durée nécessaire pour avoir le taux plein. De 150 trimestres pour les assurés nés en 1943 et avant, elle est passée progressivement à 160 trimestres pour les générations d’après 1948. La conséquence : une baisse de la pension, fonction de la génération à laquelle l’assuré appartient.

- une augmentation de la pension suite à la majoration du minimum contributif
La nouvelle majoration a eu pour effet d’élargir le nombre de bénéficiaires du minimum contributif et d’accroître le montant des pensions. En 2004 et 2005, entre 7 000 et 8 000 nouveaux retraités entraient dans le dispositif du minimum contributif ; en 2006, ils sont 16 000. En fonction de l’année de départ à la retraite, le gain maximum théorique de pension lié à la majoration varie entre 3 et 9,3%.

En conclusion, l’évaluation des effets de la réforme est complexe, car elle cumule deux effets : l’effet proratisation lié à l’allongement de la durée de proratisation* et l’effet majoration du minimum contributif.

Par conséquent, les effets de la réforme paraissent limités, avec une augmentation totale des pensions de l’ordre de 2 à 3%. Pour l’instant, les « gagnants » de cette réforme du minimum contributif sont fortement majoritaires, puisque 90% des bénéficiaires voient leur pension augmenter. Sont surtout concernées les personnes nées avant 1944, dont la durée d’assurance n’a pas bougé et qui ont bénéficié de la majoration du minimum contributif. Par contre, les prochaines générations seront moins avantagées, puisque cette augmentation tend à décroître au fur et à mesure.

Publié le 24/07/2008 à 06:38 | Lu 9467 fois