Réforme des retraites : les pistes du rapport Moreau sont controversées…

La commission pour l’avenir des retraites, présidée par Yannick Moreau, a présenté ses pistes de réforme des retraites le 14 juin 2013. Ces propositions, qui doivent nourrir la concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux durant l’été, ne font toutefois pas l’unanimité (c’est le moins qu’on puisse dire). Alors que le projet de loi de réforme des retraites est attendu pour septembre 2013 voici les principaux points de la contestation.


La commission pour l’avenir des retraites, présidée par Yannick Moreau, a remis son rapport au Premier ministre le 14 juin 2013.
 
Elle suggère plusieurs « scénarios de réforme » destinés à réduire les déficits du système des retraites à court terme (2020) et à assurer une trajectoire d’équilibre à long terme.
 
Ces propositions, qui doivent nourrir la concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux durant l’été, ne font toutefois pas l’unanimité. La présentation du projet de loi de réforme des retraites est attendue pour septembre 2013.
 
Les propositions du rapport Moreau

Sur la base des travaux du Conseil d’orientation des retraites (Cor) qui évalue le besoin de financement des régimes de retraite à 20 milliards d’euros d’ici 2020, la commission propose trois leviers d’action :

- Créer de nouvelles recettes : augmenter les cotisations d’assurance vieillesse, aligner le taux maximal de CSG applicable aux pensions sur celui des revenus d’activité, fiscaliser les majorations de pension pour les parents de trois enfants, revoir certains avantages fiscaux des retraités, etc.

- Réduire les dépenses en diminuant le niveau des pensions de retraite via les règles de revalorisation des pensions ou de calcul des salaires de référence (mécanismes de désindexation).

- Accélérer le calendrier d’allongement de la durée de cotisation (nombre de trimestres requis pour une retraite à taux plein) prévu par la réforme de 2003. Cette accélération (d’un trimestre par génération ou d’un trimestre toutes les deux générations) ne serait possible qu’à partir de 2018, le calendrier étant déjà fixé par décret pour les générations qui partiront avant 2018.
 
Ces trois séries de mesures sont panachées dans deux grands scénarios. Le premier répartit les efforts à hauteur de deux tiers pour les actifs et d’un tiers pour les retraités, le second les répartit à parts égales.
 
Au-delà de ces mesures d’économies pour les prochaines années, la commission recommande de renforcer l’équité des régimes de retraite (prise en compte de la pénibilité et de la situation des polypensionnés et des femmes aux carrières morcelées) et d’améliorer la lisibilité du système des retraites (alignement des règles de calcul des pensions des régimes de la fonction publique sur celles du régime général).
 
Enfin, et afin de stabiliser l’équilibre des retraites à long terme, la commission préconise de conserver au-delà de 2020 la règle de l’allongement de la durée de cotisation en fonction de l’accroissement de l’espérance de vie. Instaurée par la réforme des retraites de 2003, cette règle prévoit que la hausse de l’espérance de vie doit être partagée entre le maintien en activité (pour deux tiers) et la retraite (pour un tiers).

Les organisations patronales et syndicales insatisfaites

Les réactions des organisations patronales (CGPME, Medef, Upa) aux pistes de réforme identifiées par le rapport Moreau sont très proches les unes des autres.
 
A contrario, les organisations de salariés sont divisées : la CFDT et la CFTC retrouvent certaines de leurs préconisations au sein des pistes de réforme présentées, quand la CFE-CGC, la CGT et FO rejettent en bloc les orientations du rapport Moreau.
 
Mettant en avant l’accroissement de l’espérance de vie, la CGPME, le Medef et l’Upa réclament des mesures d’âge conformes à l’évolution démographique. Les organisations patronales militent pour une hausse de l’âge légal de départ en retraite et de la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein. Elles défendent également une convergence des règles applicables au secteur privé, à la fonction publique et aux régimes spéciaux. Enfin, le Medef et l’Upa s’opposent à la hausse des cotisations et aux mesures grevant le pouvoir d’achat des retraités, compte tenu de leur impact négatif sur la croissance (compétitivité des entreprises, consommation des ménages, etc.).
 
La CFDT est favorable à la hausse de la durée de cotisation, "paramètre le plus juste", à la condition d’une meilleure prise en compte des carrières morcelées (femmes et jeunes). Elle considère que les mesures fiscales et d’économies (hausse des cotisations et désindexation) proposées ne peuvent être acceptées sans une réforme de fond du système des retraites et une refonte de l’imposition sur le revenu.
 
La CFTC, qui défend l’utilisation de la CSG pour pérenniser le financement des retraites, est favorable à l’alignement du taux maximal de la CSG appliqué aux pensions sur celui des revenus d’activité. Elle conditionne l’augmentation de la durée de cotisation à la prise en compte de toutes les périodes validées (assimilées ou équivalentes comme la maternité, ou la maladie, invalidité) à part entière dans le calcul de la pension. En revanche, elle rejettent les autres mesures fiscales proposées, ainsi que les mesures de désindexation destinées à abaisser le niveau des pensions.
 
La CFE-CGC considère que seule une remise à plat du financement de la protection sociale permettrait de dégager les marges de manœuvre nécessaires à la pérennisation du système de retraite par répartition. Le rapport Moreau, qui ne comporte "aucune avancée dans cette voie", "n’a donc qu’un intérêt limité". La CFE-CGC demande la mise en place d’un "plan de relance de l’emploi pour sortir de la crise et augmenter les recettes des régime de retraites".
 
Pour la CGT, la mise en oeuvre des pistes évoquées par le rapport Moreau (allongement de la durée de cotisation, désindexation des pensions, etc.) fragiliserait encore davantage le système des retraites et aurait des conséquences graves pour les retraités actuels et futurs. Elle réclame la prise en compte de propositions alternatives (élargissement de l’assiette de cotisation à l’épargne salariale et aux primes des fonctionnaires, mise à contribution des revenus financiers des entreprises, etc.), qui auraient toutes pour effet "de générer des emplois et donc des cotisations".
 
Pour FO, les principales propositions du rapport Moreau s’inscrivent dans "la logique d’austérité recommandée par la Commission européenne". Ces mesures auraient pour conséquence de repousser, pour les générations les plus jeunes, l’âge de départ pour une retraite à taux plein en allongeant encore la durée des cotisations, déjà trop longue compte tenu de l’espérance de vie en bonne santé. Considérant que le déficit des régimes de retraites est "en bonne partie conjoncturel", FO recommande de relancer la croissance, sans toutefois rejeter une hausse des cotisations d’assurance vieillesse.
 
Les contours et le calendrier de la réforme précisés

Le président de la République a, dans son discours d’ouverture de la conférence sociale des 20 et 21 juin 2013, esquissé les contours de la future réforme des retraites.
 
François Hollande s’est déclaré favorable à la hausse de la durée de cotisation, qu’il considère comme "la mesure la plus juste, à condition de l’appliquer à tous, et à tous les régimes, et de tenir compte de la pénibilité des tâches", mais aussi de l’allongement de la période des études et du morcellement des carrières des femmes.
 
Concernant la convergence des régimes de la fonction publique et du régime général, il rappelle que "le taux de remplacement servi aux fonctionnaires est équivalent à celui d’un salarié du secteur privé", bien que les modalités de calcul de liquidation de la retraite soient différentes.
 
La concertation pour la réforme des retraites 2013 doit débuter par des rencontres bilatérales organisées entre les partenaires sociaux et le Premier ministre les 4 et 5 juillet. Elle se poursuivra ensuite "tout le mois de juillet et si nécessaire, une partie du mois d’août". Le projet de loi devrait être présenté mi-septembre en Conseil des ministres.

Publié le 01/07/2013 à 05:00 | Lu 2611 fois