Quelles sont les motivations des départs à la retraite en Europe ? (Irdes)

Une récente étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) s’est penchée sur les motivations des départs à la retraite en Europe. Il s’agissait de mieux comprendre les différences entre les pays européens, au regard des différentes dimensions –individuelle, familiale, professionnelle et institutionnelle– qui sont susceptibles d’influencer l’offre de travail. Détails.


L’un des phénomènes les plus marquants des marchés du travail des économies de l’Union européenne (UE) est la faiblesse structurelle des taux d’emploi des seniors. Dès 2001, lors du Conseil européen d’Helsinki, les États membres ont officiellement indiqué leur volonté d’atteindre d’ici 2010 un taux d’emploi de 50% pour les personnes âgées de 55 à 64 ans.

Les dernières statistiques produites par Eurostat vont plutôt dans ce sens. Ce taux d’emploi est passé, en moyenne, de 36,4% en 1997 à 44,7% en 2007. Toutefois, même s’il existe une tendance commune à l’augmentation, cette moyenne masque des situations très hétérogènes.

Les taux d’emploi des seniors dépassent déjà l’objectif affiché en Suède (70%), au Danemark (58,6%), au Royaume-Uni (57,4%) et en Allemagne (51,5%), alors que l’Autriche (38,6%), la France (38,3%), la Belgique (34,4%) et l’Italie (33,8%) affichent des situations très inférieures. Ces différences de taux d’emploi trouvent leur origine dans de nombreux déterminants.

D’un côté, l’hypothèse de contraintes liées à la demande de travail des entreprises peut être privilégiée. D’un autre côté, la littérature sur l’offre de travail des salariés âgés suggère que ces disparités de taux d’emploi relèvent à la fois de choix personnels liés par exemple à l’état de santé, à l’environnement familial, à la structure du marché du travail, ou aux différences institutionnelles entre les pays.

Selon les auteurs de cette étude, les résultats sont de trois ordres : individuels, familiaux et professionnels et enfin, selon la politique de protection sociale en vigueur dans le pays.

Les déterminants individuels
Parmi les facteurs les plus couramment utilisés pour expliquer la décision individuelle de partir en retraite, tels que l’âge, le genre et le niveau d’étude, la santé occupe une place primordiale. Plusieurs travaux empiriques montrent que l’état de santé, et plus particulièrement la notion d’incapacité, est une des variables déterminantes du maintien en emploi et donc de l’offre de travail des seniors.

Deux effets semblent jouer simultanément en sens opposés : d’une part, les conditions de travail peuvent être la source d’une détérioration de l’état de santé en fin de vie active et d’autre part, un mauvais état de santé peut provoquer une sortie anticipée du marché du travail.

L’espérance de vie anticipée est un autre indicateur lié à la santé qui a un effet propre sur la décision de départ en retraite. (…) Les individus semblent donc avoir une idée assez précise de leur espérance de vie individuelle et ajustent leur départ à la retraite en estimant leur espérance de vie après leur départ à la retraite.

D’autres anticipations peuvent aussi intervenir sur la décision de partir en retraite, comme l’anticipation des réformes de retraites à venir dans un futur proche.

Les facteurs de contexte familial et professionnel
Le rôle de la situation de famille dans les préférences et décisions de départ à la retraite s’illustre notamment par le problème de la coordination des dates de départ à la retraite des conjoints. Les modèles économiques usuels supposent une indépendance des décisions de départ à la retraite des conjoints. L’unité de référence est donc l’individu et non le couple.

Toutefois, la décision de cesser son activité est rarement individuelle. Il paraît vraisemblable que la préférence pour le « loisir » ait plus de valeur si le conjoint n’est déjà plus en activité. Il serait donc logique, si les ressources du ménage le permettent, que les conjoints cherchent à rapprocher leurs dates de cessation d’activité.

Parmi les autres contraintes sociales pesant sur les décisions individuelles, l’état de santé du conjoint ou d’un autre membre de la famille peut être un facteur significatif du départ à la retraite (hypothèse d’internalisation des contraintes liées à la santé du conjoint, ou cas d’un parent dépendant).

Le deuxième effet de contexte : la relation entre conditions de travail et santé. (…) La satisfaction dans son emploi, le manque de support pour réaliser son travail et le sentiment de pouvoir le conserver peuvent aussi bien affecter la décision de partir en retraite que l’état de santé.

Le rôle des systèmes de protection sociale
(...) Face à l’échec en terme d’emploi et au coût financier qu’ils engendrent, les systèmes de préretraites collectives ont été progressivement abandonnés et remplacés par la volonté de favoriser le vieillissement actif. Chaque pays a mis en place des dispositifs différents : des mesures favorisant « l’employabilité » des seniors ou le cumul emploi-retraite, ou encore des mesures de recul de l’âge légal du départ à la retraite.

Depuis quelques années, l’état de santé occupe une place de plus en plus importante ; de nouveaux dispositifs « individualisés » ont été créés : des pensions d’invalidité et des dispositifs qui permettent aux seniors d’anticiper leur cessation d’activité pour raison de santé. Cependant, ces dispositifs d’invalidité qui ont, à l’origine, pour but de compenser un état de santé détérioré, ne bénéficient pas toujours à l’ensemble de la population en mauvaise santé.

Les critères d’accès à ces dispositifs diffèrent fortement en Europe, ce qui correspond plus à des différences d’appréhension institutionnelle qu’à de réelles différences d’état de santé. Qu’il s’agisse du système des retraites ou du système lié à l’incapacité, les déterminants financiers peuvent influencer le départ à la retraite. Concernant le passage à la retraite, les modélisations les plus fréquentes qui explicitent cette transition, se réfèrent à un arbitrage entre « loisir » et travail dans lequel le niveau des pensions (au taux de remplacement) et l’espérance de gain pendant la retraite interviennent.

Il en est de même pour le système d’incapacité ou le niveau des prestations qui peuvent s’apparenter à un salaire de remplacement octroyé en incapacité et la durée du versement qui peuvent modifier l’offre de travail des salariés âgés. Toutefois, pour ces deux systèmes il faut aussi tenir compte de la possibilité légale ou réglementaire de pouvoir y accéder, par exemple : âge légal de départ à la retraite, critère de santé pour l’incapacité, etc.

Cette étude s’est appuyée sur les données de l’enquête SHARE (2004-2006) complétées par des séries macroéconomiques provenant de l’OCDE et décrivant trois systèmes de protection sociale (emploi, retraite et santé).
Quelles sont les motivations des départs à la retraite en Europe ? (Irdes)

Publié le 15/07/2009 à 07:45 | Lu 5953 fois