Pour en finir avec le discours de guerre des générations, chronique de Serge Guérin (2ème partie)

La semaine dernière, j’ai voulu évoquer et déconstruire le discours de guerre civil de certains concernant l’opposition entre les générations. J’ai insisté sur le fait qu’il était parfaitement idiot, réducteur et malhonnête de vouloir mettre dans le même sac des personnes au seul bénéfice, si je puis dire, de leur communauté d’âge. Il aurait aussi fallu rappeler que la qualité d’une société se mesure en grande partie à la manière dont sont traités les plus faibles. L’attention aux fragiles et aux fragilisés devrait être l’honneur de la démocratie, sa mesure ultime. Mais les tenants du discours jeunistes ne raisonnent pas en humanistes…


Alors prenons un autre argument qui peut-être leur permettra de réfléchir. Contrairement à ce qu’ils pensent, le vieillissement est source d’innovation, de création de richesses et de développement de l’emploi.

La société du quaternaire, dont Michèle Debonneuil a montré l’émergence, signe une transformation centrale des sources de création d’emplois et de richesse. Une étude du Centre d'Analyses Stratégiques et du ministère du Travail présentée en janvier 2007 montre que cinq secteurs tertiaires, dont, en premier lieux les services aux particuliers (415 000 emplois), la santé et l'action sociale (308 000) devraient concentrer l'essentiel des créations d'emplois durant les dix prochaines années.

Signalons que la croissance annuelle du secteur des services à la personne est passée de 5 % en moyenne à plus de 11% après la mise en marche du Plan Borloo de soutien à ce secteur. Le Japon nous montre qu’une société du vieillissement peut aussi produire de l’excellence technologique et favoriser la recherche. .../...
Pour en finir avec le discours de guerre des générations, chronique de Serge Guérin (2ème  partie)

On voit bien que le vieillissement participe de l’élaboration d’une nouvelle société fondée sur le service plus que sur la production. Des services qui favorisent le mieux vivre et le mieux-vivre ensemble. Des services qui génèrent des emplois de tout type, qualifiés ou moins qualifiés, mais toujours valorisés et non délocalisables. Il y a fort à parier que les deux sources principales de croissance au sein des pays développés dans les années à venir seront l’environnement et les services à la personne. On voit par là qu’une contrainte peut se transformer en formidable opportunité.

Dernière chose, pour (tenter) d’en finir avec les discours aux relents racistes : rappelons que les plus âgés soutiennent très largement, lorsqu’ils le peuvent, les plus jeunes (dons, contribution à l’achat d’un logement, aides matérielles comme de venir garder les enfants ou de faire du bricolage…). Cette solidarité informelle dépasse souvent le cadre familial. Ainsi, la sociologue Simone Pennec a montré l’importance des relations de voisinage et la myriade d’actes intergénérationnels et de petites solidarités qui font le quotidien de millions de personnes.

Bref, les réalités des relations entre générations sont bien plus diverses, coopératives et riches que le triste regard de ceux qui perçoivent la réalité sociale seulement par le prisme de la concurrence et du rapport de force.

Serge Guérin

Publié le 17/03/2008 à 09:30 | Lu 4033 fois