Chroniques

Pointer la responsabilité des boomers dans la crise de la dette : une accusion bien trop simpliste !

Le Premier ministre Bayrou a beau stigmatiser le "confort des boomers" comme cause majeure du fardeau de la dette, la réalité est éminemment plus complexe. Au-delà des accusations générationnelles simplistes, c’est tout un système politique, économique et social qui doit être remis en question.

PAR SENIORACTU.COM | Publié le 01/09/2025

Le 29 août 2025, sur TF1, François Bayrou a fustigé le “confort des boomers”, déplorant que cette génération profite d’un cadre économique favorable sans participer au nécessaire désendettement, laissant aux jeunes le poids des dettes contractées.

Une présentation un peu simpliste de la situation qui a provoqué une onde de choc politique, certains qualifiant ses mots de « fracture générationnelle», à laquelle des figures comme Laurent Wauquiez et Édouard Philippe ont immédiatement pris leurs distances ; et pour cause.

Vers un choc intergénérationnel ou un appel à la solidarité ?

Comprenant rapidement l'impact de ses déclarations, F. Bayrou a immédiatement tenté de nuancer : il ne voulait pas “cibler les retraités”, mais les engager dans un effort collectif pour réduire la dette que les plus jeunes paieront toute leur vie... Il a aussi mis en garde : « La dette, c'est l’esclavage des plus jeunes », appelant les générations du baby‑boom à ne pas se désintéresser du sort des nouveaux arrivants sur le marché du travail. Le cliché d'une génération de boomers aussi hédonistes qu'égoïstes a la vie dure...

Une stigmatisation générationnelle dénoncée par les experts

Dans un entretien à La Dépêche du Midi, le sociologue Jean‑François Amadieu a dénoncé l’usage du terme “boomer” comme un cliché stigmatisant et une forme d’âgisme. Il nous rappelle que derrière ce terme se cache une réalité diverse : beaucoup de seniors -pour ne pas dire la majorité- vivent modestement et ne représentent pas un bloc homogène de privilégiés. Selon lui, opposer jeunes et retraités est un discours dangereux, qui détourne le débat de la vraie question : comment construire une société intergénérationnelle solidaire ?

La dette publique française : un fardeau largement structurel

Le poids des retraites dans les dépenses publiques illustre bien la complexité du problème. En 2023, le déficit annuel des retraites s’élevait déjà à environ 53 milliards d’euros, soit près de la moitié du déficit de la France. Toutefois, cette dynamique s’explique moins par un "confort boomer" que par un système de financement déséquilibré et obsolète, par des réformes insuffisamment anticipées et par une démographie vieillissante. Une responsabilité 100% politique donc...

Un héritage de dettes accumulées

Du point de vue politique en effet, le phénomène est ancien : M. Sarkozy, Hollande et Macron ont tous trois engagé des dépenses publiques importantes et nécessaires pour affronter les crises successives (financière en 2008 puis 2012, sanitaire en 2019, militaire depuis 2023), mais ils n’ont pas suffisamment alerté l’opinion sur les risques d’emballement, ni pris les contre-mesures nécessaires au fil des ans pour en limiter les effets pervers. Résultat : la dette publique française, aujourd’hui supérieure à 112 % du PIB, est devenue un piège pour nos dirigeants.  F. Bayrou, en dénonçant les retraités, mise peut-être un peu naïvement sur un électorat jeune désabusé, mais il risque surtout de fragiliser son propre soutien traditionnel et celui de ses alliés politiques. 

L’intervention du Premier ministre a certainement apporté de la vigueur au débat public sur l'état de nos finances publiques, mais elle risque surtout de nourrir une division générationnelle artificielle qui ne résoudra aucune difficulté. Face à une dette publique urticante et galopante, l’accusation contre les boomers -si elle reflète une réalité partielle- ne rend aucune justice à la complexité du système et place la responsabilité du politique au second plan, à dessein mais à tord. Pour avancer, comme les Français l'ont déjà compris dans leur immense majorité, il va impérativement falloir dépasser ces clichés par trop simplistes et instaurer un dialogue fondé sur des réformes structurelles et politiques partagées -pas sur des boucs émissaires piochés ici ou là au gré des discours.

Par F.Crozier, Directeur de la publication.