Lutter contre l'exclusion numérique des ainés : 14 recommandations

À l’occasion du 1er octobre, Journée internationale des personnes âgées, l’association caritative les petits frères des Pauvres vient de dévoiler son rapport consacré à l’exclusion numérique des ainés. Afin de pallier ce problème, LPFDP alertent sur ce risque aggravant d’isolement et présentent 14 recommandations pour permettre aux anciens éloignés du numérique de devenir des internautes.





Plus quart (27%) des personnes de 60 ans et plus n’utilise jamais Internet indique la dernière étude des petits frères des Pauvres/CSA* qui a porté cette année, sur l’exclusion numérique des ainés. « Une situation inacceptable » estime l’association caritative, alors même que cette enquête révèle que le numérique est pour nos aînés un vecteur de lien social…
 
Comme le souligne Liliane, 78 ans, « la lutte contre l’exclusion numérique, c’est prioritaire. D’abord parce que ça nous aiderait à partager des choses ensemble. En même temps c’est valorisant dans le sens où on peut apprendre encore des choses, découvrir qu’on a une utilité, s’enrichir, c’est absolument vital je trouve. Et puis ça ressoude ».
 
Et Alain Villez, président de l’Association d’ajouter : « lutter contre l’isolement de nos aînés, c’est aussi lutter contre leur exclusion numérique devenue un facteur aggravant d’isolement dans notre société ultra-connectée. Notre étude le montre, Internet est un vecteur de lien social. La révolution digitale que nous vivons peut-être profitable à de nombreux aînés qui restent encore au bord du chemin du numérique. »
 
Parmi les grands enseignements de cette étude, on apprend que plus d’un quart des personnes des plus de 60 ans est toujours en situation d’exclusion numérique. Une exclusion qui, sans surprise, touche particulièrement les plus de 80 ans et les personnes les plus précaires.
 
« Moi je n’ai pas d’usage. Je n’ai pas d’ordinateur, je n’ai pas de portable, indique Yvette, 75 ans. C’est-à-dire que je suis contre aussi le compteur Linky, contre Internet, contre le portable. Je pense que c’est de l’intrusion ».
 
Autre point important : le numérique est vecteur de lien social pour les deux-tiers des internautes de 60 ans et plus. Par ailleurs, qu’ils soient internautes ou pas, pour les sondés, les démarches en ligne posent problème. Un vrai souci alors que l’Etat a décidé de multiplier les services en ligne (certains n’étant tout simplement plus accessibles autre que par l’entremise du web).
 
« Pour la déclaration d’impôts, je dois pas être le seul dans la même situation. Moi je prendrai mes papiers, j’irai aux impôts et je leur dirai « démerdez-vous ». Je ne suis pas de mauvaise foi, je ne sais pas le faire. Je leur dirai « c’est pas que je veuille pas, c’est pas de la mauvaise volonté mais mettez-vous dans l’idée que j’ai 85 ans et que je n’enregistre pas comme un jeune ». J’espère que ça se passera bien. Comment voulez-vous que je fasse autrement ? Je vous parle pour moi mais je ne dois pas être le seul. Ils seront bien obligés de tenir compte des personnes âgées » remarque avec son franc-parler, Roger, 85 ans.
 
Au-delà du manque de maîtrise, le manque d’intérêt apparait comme un véritable frein pour les 60 ans et plus qui n’utilisent pas Internet. De l’importance de former les ainés qui le souhaitent avec une approche personnalisée et favoriser leur autonomie, mais également d’installer un univers simple d’utilisation (ce que propose certaines marques de tablettes) et de donner « l’envie d’avoir envie » à nos aînés, en évaluant leurs besoins et intérêts.
 
« Internet, ça a changé mon quotidien, c’est un passe-temps. La télé je la mets de temps en temps mais je ne peux pas regarder des films toute la journée. Internet, ça me fait passer le temps, ça occupe. C’est déjà pas mal. Quand l’ordinateur tombe en panne, je m’ennuie, je m’ennuie, je m’ennuie. Je suis perdue. Oui je ne pourrais pas m’en passer aujourd’hui » conclut Jeanine, 90 ans.

Les 14 recommandations

• Améliorer l’accès au numérique
① Réduire les inégalités de territoire en priorisant les zones blanches qui excluent et pénalisent les internautes comme les personnes les plus éloignées du numérique.
• Rendre accessible les équipements numériques
② Inciter les entreprises à reconditionner le matériel informatique qu’elles n’utilisent plus pour en faire don aux publics en exclusion numérique.
③ Inciter les opérateurs à proposer un tarif social concernant l’abonnement à la connexion.
④ Aider à l’installation des équipements pour ne pas décourager les publics les moins experts et proposer des services d’assistance de proximité adaptée et gratuite avec un contact humain.

• Favoriser les usages numériques
⑤ Changer le regard sur nos aînés. L’avancée en âge ne doit pas être synonyme d’inaptitude, de perte des facultés et de désintérêt pour les nouvelles technologies.
⑥ Ne pas résumer l’usage numérique à l’accès aux droits et associer Internet au plaisir d’utiliser.
⑦ Installer un univers « web-friendly » dans le quotidien des personnes âgées.
⑧ « Donner l’envie d’avoir envie » à nos aînés.
⑨ Former les personnes âgées qui le souhaitent et favoriser leur autonomie en fonction de leurs centres d’intérêt.

• Humaniser les services, démarches en ligne et l’accès aux droits
⑩ Lancer un plan national d’envergure de lutte contre l’exclusion numérique des personnes âgées piloté par les pouvoirs publics.
⑪ Respecter le choix des irréductibles réfractaires et leur garantir, ainsi qu’aux personnes dont les difficultés ne permettront pas l’accès aux numérique, un accompagnement humain pour ne pas créer d’inégalité dans l’accès aux droits.
⑫ Mettre fin à la complexité de l’e-administration et des sites de services.
⑬ Préserver la participation citoyenne des exclus du numérique et leur permettre de prendre la parole sur des sujets de société.
⑭ Renforcer le cadre juridique pour sécuriser les personnes qui demandent de l’aide et leurs « aidants numériques » concernant la protection des données, la confidentialité et les risques d’erreur.
 
Pour rappel, les petits frères des Pauvres, association apolitique et aconfessionnelle, luttent depuis plus de 70 ans contre l’isolement de nos aînés, en particulier les plus démunis, grâce à l’engagement de plus de 12 000 bénévoles et 600 salariés.
 
*Etude menée une étude quantitative avec un volet quantitatif (1 500 répondants de 60 ans et plus) et un volet qualitatif (11 entretiens de personnes accompagnées par l’Association). Cette étude a été financée par la Fondation des petits frères des Pauvres.

Article publié le 01/10/2018 à 11:52 | Lu 5427 fois