Les seniors et l’élection présidentielle, chronique de Serge Guérin

En 2007, beaucoup ont estimé que la victoire de Nicolas Sarkozy était due aux seniors. Il faut dire que ce dernier avait su capter près des deux tiers du vote des plus de 60 ans… Ce constat est d’autant plus signifiant que les seniors composent une partie croissante de l’électorat : 28% des suffrages exprimés au 2e tour de 2007, contre 24% en 1981. Les plus de 60 ans représenteront le tiers de l’électorat de la présidentielle de 2012.





Les seniors étant conservateurs -puisque vieux-, ils vont voter comme un seul homme (les femmes s’abstiennent plus...) pour Nicolas Sarkozy et assurer sa réélection !

Cette vision presque essentialiste révèle une approche monolithique qui nie l’autonomie des acteurs et la diversité des mécanismes qui conduisent au vote. Il faudrait cesser de raisonner par catégorie d’âge : nos identités sont multiples.

Les histoires de vie, les origines, les valeurs culturelles, le territoire géographique de vie, la situation professionnelle et, encore plus, familiale, dont les conditions de vie des enfants, l’âge, le niveau de patrimoine et de revenu, influencent largement le comportement de vote et viennent nuancer le seul effet de l’appartenance à la génération des plus de 60 ans. Il est aussi réducteur de vouloir massifier les jeunes en un seul ensemble que de résumer le comportement des seniors sur un seul critère. Notons que la catégorie des seniors recouvre un demi-siècle de vie.

Relégués par la société

Par ailleurs, même si l’effet générationnel joue fortement en termes d’ouverture sociétale, le présupposé associant âge avancé et conservatisme mérite la nuance. Ainsi sur le divorce, il n’y a guère de différence de perception entre les générations : elles ont toutes « expérimentées » cette révolution des comportements…

Une autre clé d’explication peut provenir de la pratique et du discours présidentiel sur les sujets pouvant concerner très directement les seniors : la retraite et la « dépendance ». L’échec de la mise en œuvre d’une 5e branche de protection sociale n’a pas renforcé le lien entre les plus âgés et Nicolas Sarkozy. Les seniors sont pour une bonne part, des personnes qui peuvent se vivre comme des déclassés culturels et sociaux. Ce qui influence leur vote.

Les seniors, comme les classes populaires, se sentent relégués par la société. Les enfants du baby-boom sont touchés, en termes culturels et sociologiques, par la transformation sociétale post 68, leur vote en porte la marque.

Les jeunes seniors sont la génération pivot entre des parents vieillissants et des enfants et petits-enfants parfois en situation économique ou personnelle difficile. L’électorat senior, d’abord féminin, est sensible à la situation des enfants et petits-enfants. Face aux seniors, l’enjeu est de savoir donner un écho la solidarité intergénérationnelle.

Par Serge Guérin, professeur à l’ESG Management School
Vient de publier « La nouvelle société des seniors », Michalon 2011

Article publié le 08/03/2012 à 07:00 | Lu 1762 fois