Le héros, le narrateur, de Je vous raconterai commence son récit alors qu'il vient de perdre son emploi, puis sa maison et enfin, sa famille… Schéma, on le sait hélas, classique. C'est la rue, l'indifférence des autres et l'alcool qui l'attendent.

Alors qu'il projette de se suicider, un homme, Igor, l'aborde et lui propose de le suivre. Ils se rendent dans « une bâtisse bourgeoise, à l'allure de château d'opérette, assez étrange, mélange de l'ancien temps et de mauvais goût moderne ».

Puis, Igor, après être entré dans cette demeure qui fait penser -on le ressentira plus tard- à un château sadien, explique : « Vous allez entrer dans la salle voisine, sur une petite scène, elle est éclairée, la salle est éteinte... (...) Sur la scène il y a une petite table de bois et une chaise... (...) Posé sur la table, dans un plateau d'argent, vous trouverez un pistolet... ».

Devant un public présent, mais invisible, notre personnage jouera sa vie à la roulette russe. Il en réchappe et sera invité le mois suivant à une nouvelle séance.

Ce laps de temps lui permet de considérer la comédie de la vie, d'apprécier les jeux de l'amour et de la mort qui ne sont pas que du hasard. Il interpelle son lecteur alternant le froid (« Vous êtes mes frères dans la mort ») et l'espoir (« Comment vous convaincre [...] que demain ne porte pas la fatalité d'aujourd'hui »).

Au fur et à mesure que s'enchainent ses « performances », comme les qualifient certains spectateurs, le héros laisse apparaitre un visage de rédempteur. Pour être sauver de quoi ?

Placer au mitan du roman on peut lire : « En même temps qu'elle me fascine, l'impudeur de cette image me sidère ». Tout est là : le sentiment ambigu qui accompagne ce livre qu'il faut lire.

Je vous raconterai
Alain Monnier
Editions Flammarion
190 pages
17 euros