Infarctus du myocarde : au-delà de la crise, une maladie à soigner

L’ensemble des acteurs de la cardiologie française a décidé de se mobiliser au travers d'une campagne baptisée « Infarctus : une question de vie » qui est lancée aujourd’hui à travers la France. Son but : permettre de sensibiliser le grand public aux facteurs de risque à éviter, aux bons réflexes à adopter lors des signes annonciateurs de l’infarctus et à la prise en charge de cette pathologie non seulement en phase aiguë mais aussi après l’événement afin de prévenir les risques de récidives.


Si le terme « infarctus » est une notion familière aux Français comme le confirme une récente enquête d’opinion Ipsos-AstraZeneca (novembre 2010), les facteurs de risque qui lui sont associés sont bien souvent sous-estimés, les gestes à adopter en cas de crise parfois hésitants voire inappropriés.

Vingt millions de personnes en France seraient à risque de maladie cardiovasculaire ; et environ 100 000 nouveaux cas d’infarctus surviennent chaque année. Après un premier infarctus, nombreuses sont les personnes qui continuent à fumer et/ou ne changent pas leurs habitudes alimentaires. Et pourtant, près d’un patient sur sept décèdera dans l’année qui suit un infarctus.

Regards croisés sur l’infarctus : Une enquête de perception des Français sur l’infarctus

Infarctus : un manque d’information des Français confirmé par les médecins

L’image spontanée de l’infarctus se cristallise sur sa phase aiguë, c’est-à-dire la crise cardiaque (53%). Et pourtant, ils sont moins d'un Français sur deux à identifier la douleur dans la poitrine comme un signe d’alerte. Ils ignorent également une fois sur deux qu’une douleur digestive peut être annonciatrice d’un infarctus.

Seuls 30 % d'entre eux citent spontanément le 15 (SAMU) comme premier recours alors qu’il s’agit du premier réflexe à adopter. Les médecins confirment ce manque d'information, en particulier concernant la prise en charge de l’infarctus une fois l’accident survenu.

L’infarctus : une maladie à forte charge émotionnelle

Les Français n’ont pas trop envie d’y penser (69 %) mais ils le craignent pour eux (31%) et davantage encore pour leurs proches (47%). Même si 18 % pensent encore qu’il est rare de nos jours de mourir d’un infarctus, cette maladie leur fait peur, à la fois parce qu’elle est perçue comme grave (74 % pour l’infarctus contre 86 % pour le cancer) et fréquente : 65 % des Français pensent pouvoir en être atteints (vs 80% pour le cancer).

Des difficultés de prise en charge exprimées par les médecins, notamment post-infarctus

Ce qui préoccupe les médecins avant tout, c’est le long cours, la récidive en matière d’événements cardiovasculaires dépendant notamment de l’éducation thérapeutique en post-infarctus, de l’information du patient en sortie d’hôpital, et plus particulièrement de l’observance du traitement. Infarctus, au-delà de l'événement : une maladie récidivante

L’infarctus : un événement grave associé à des complications sévères à court terme

Post-infarctus : une surveillance étroite pour éviter les récidives

En dépit des progrès accomplis durant ces dernières années et d’une réduction de la mortalité cardiovasculaire de 15 % entre 2000 et 2004, 7 % des personnes atteintes d’un infarctus du myocarde meurent dès le premier mois, 14 % au cours de la première année. Six mois après l’hospitalisation pour un premier infarctus, 4 patients sur 10 ne suivent pas les recommandations de la Haute Autorité de Santé en matière de traitement.

Contrairement à ce qu'imagine l'opinion publique et ce que pensent certains patients, l'infarctus est une maladie récidivante qui nécessite une surveillance adaptée. La récidive, souvent plus grave que l’événement initial et source de séquelles sévères, est donc à éviter par un contrôle strict des facteurs de risque cardiovasculaire, un traitement médicamenteux optimal et le dépistage de l’apparition de nouvelles lésions coronaires.

Avant, pendant, après un infarctus : Quelle prise en charge pour quels enjeux ?

La prévention primaire : améliorer la prise de conscience et corriger les facteurs de risque
L’âge des artères, et des coronaires en particulier, est très fortement influencé par certains facteurs de risque et par nos comportements. On sait par exemple que fumer multiplie le risque d’avoir un infarctus du myocarde environ par trois, un diabète environ par 2,5 et une hypertension par 2.7

« Les Français ont à l’évidence un gros travail de prévention à accomplir… Primaire et secondaire. Ainsi, seulement les deux-tiers des hypertendus en France reçoivent un traitement et environ la moitié d’entre eux est contrôlée. L’obésité androïde, le diabète, la sédentarité et le tabagisme (avec une augmentation de la consommation de 1,8 % en cinq ans) gagnent encore du terrain… » note le Pr Jacques Beaune, Président de la Fédération Française de Cardiologie (FFC).

« Il s'agit là d'un véritable défi puisqu’il faut convaincre le plus grand nombre de personnes, a priori saines et inconscientes du risque et de la maladie » précise de son côté le Dr Maxime Guenoun, Président du Collège National des Cardiologues Français (CNCF).

En phase aiguë : un geste vital, l’appel du 15

« La France est un modèle, exportable, pour la prise en charge préhospitalière médicalisée de l’infarctus » affirme le Dr Patrick Goldstein, Président de la Société Française de Médecine d’Urgence (SFMU). « À condition de passer dans la bonne filière, les Français bénéficient en effet des meilleurs soins en urgence », complète le Dr Marc Giroud, Président de SAMU-Urgences de France. Cependant, seul un quart des patients qui présente un infarctus du myocarde nécessitant une reperfusion en extrême urgence bénéficie du parcours optimal recommandé (prise en charge par le SAMU avec un délai de reperfusion inférieur à 90 minutes). 10 En cas de douleur intense à la poitrine, le message est pourtant simple : appeler immédiatement le 15 (SAMU).

L’infarctus : un événement grave associé à des complications sévères à court terme

L’infarctus peut engendrer de nombreuses complications graves qui mettent en jeu le pronostic vital. Les plus fréquentes et les plus graves des complications de l’infarctus du myocarde sont les troubles du rythme cardiaque. Ils surviennent inopinément, car ils ne sont pas liés à l’étendue de l’infarctus.

Dans les cas les plus graves, le circuit électrique qui anime le muscle cardiaque est défaillant. Les ventricules se contractent de façon désorganisée et inefficace. Le coeur n’exerce plus son rôle de pompe et les organes en amont (y compris et surtout le cerveau) sont en souffrance. Ces troubles doivent être diagnostiqués rapidement car ils menacent la survie.

On peut observer des extrasystoles ventriculaires (quand le coeur présente des battements supplémentaires), qui reflètent une hétérogénéité électrique au sein du myocarde. Elles sont en général bien tolérées mais peuvent se majorer et annoncer une tachycardie ventriculaire, où le coeur bat trop vite mais encore régulièrement, ce qui peut occasionner une chute de tension et un malaise général.

Cette tachycardie ventriculaire peut rapidement dégénérer en fibrillation ventriculaire, cause de mort subite. Par conséquent, elle doit être absolument interrompue dans ce contexte d’infarctus par un choc électrique en urgence.

La fibrillation ventriculaire peut survenir également sans prévenir

Autre complication, les troubles de la conduction électrique obligent à la pose provisoire ou définitive d’un stimulateur cardiaque (ou “pile“) à titre préventif. Dans les premières heures après l’infarctus, on craint encore un état de choc (hypotension sévère), une insuffisance de la pompe cardiaque qui peut conduire à un oedème aigu du poumon.

Des séquelles à distance

Une fois passée la phase aiguë de l’infarctus du myocarde, il reste des séquelles de l’événement passé, dont l’importance est variable d’une personne à l’autre. Les séquelles d’un infarctus dépendent en effet de son étendue, de l’état antérieur du cœur (s’agit-il d’un premier accident ou d’une récidive ?) et de la sévérité des lésions sur les artères coronaires.

Du fait de l’étendue de la cicatrice d’infarctus, le fonctionnement du coeur peut être insuffisant, plus poussif, le coeur n’étant plus en mesure de pomper efficacement le sang vers l’ensemble du corps (c’est l’insuffisance cardiaque). Des douleurs angineuses peuvent persister, des troubles du rythme apparaître. Les séquelles sont fonction aussi des efforts que chacun est prêt à consentir pour modifier son mode de vie alimentaire, tabagique et son activité physique.

La prévention secondaire des complications et récidives

Un patient ayant eu un infarctus qui reste sédentaire, continue à fumer et à avoir une hygiène alimentaire inadaptée présente un risque multiplié par 3,8 de récidiver dans les six mois. Au-delà du traitement qui sera initié, la correction des différents facteurs de risques (hypertension artérielle, diabète, dyslipidémie, tabagisme) est indispensable. Elle permet une réduction importante des récidives, notamment chez les personnes à haut risque vasculaire.

« C’est sur l'axe de la lutte contre les facteurs de risque, dont les résultats sont aujourd’hui décevants, en particulier pour le tabagisme, le diabète ou le surpoids, que nous devons concentrer nos efforts de pédagogie" insiste le Dr Michel Hanssen, Président du Collège National des Cardiologues des Hôpitaux Généraux (CNCHG).

Publié le 12/01/2011 à 10:12 | Lu 7064 fois