Hôpital : de la prise en charge chirurgicale des personnes âgées

Selon les statistiques, 45% des interventions chirurgicale concernent des personnes âgées dépendantes. Pour le Pr. Georges Mantion, spécialiste de la greffe du foie et président de l’Académie Nationale de Chirurgie, « la prise en charge chirurgicale des personnes âgées est un challenge thérapeutique d’actualité ». Cette thématique vient d’être abordée lors du 9ème Congrès de la Fondation de l'Avenir qui s’est tenu le 8 décembre dernier à l'Institut Mutualiste Montsouris.





« En effet, lorsque le médecin aborde le problème de la chirurgie chez le sujet âgé, il y a plusieurs cas de figure : « est-ce une chirurgie urgente et vitale ou une chirurgie programmée ? Le sujet âgé est-il vigoureux, en bonne santé, ou fragile et dépendant ? », indique le Dr Christiane Verny, responsable de l’unité de gériatrie aiguë du CHU de Bicêtre.
 
Evaluer davantage le bénéfice/risque de l’intervention en faveur du patient âgé

« Les personnes âgées dépendantes ont des comorbidités liées à leur âge et des handicaps qui peuvent être moteurs ou psychiques. Le chirurgien doit donc renforcer particulièrement son évaluation du rapport bénéfice/risque de l’intervention. L’indication doit être encore plus soutenue que pour une personne non âgée et non dépendante. La questions est de savoir si l’intervention va apporter plus d’avantages que d’inconvénients au patient », indique le Pr. Xavier Cathelineau, chef du département d’urologie de l’institut mutualiste Montsouris à Paris.
 
Dans cet esprit, deux aspects importants doivent être prise en compte par le chirurgien : le problème de syndrome confusionnel post-opératoire et toutes les complications propres à la chirurgie qui auront un impact fonctionnel pour le patient... « Le syndrome confusionnel post-opératoire dû à l’âge et les syndromes démentiels existants sont très présents chez les personnes âgées. Or, ce syndrome confusionnel peut doubler le nombre de décès dans les mois suivant l’intervention et doubler la nécessité d’une admission dans une institution appropriée. Quant à l’intervention, elle peut aggraver le syndrome confusionnel du patient s’il est déjà existant et multiplier par dix l’émergence d’un syndrome démentiel s’il n’existait pas avant », insiste le Pr Xavier Cathelineau.
 
Vers une médecine collaborative

Pour le Pr. Philippe Denormandie, responsable de l’unité de neuro-orthopédie adulte à l’hôpital Raymond Poincaré, à Garches et directeur général adjoint du groupe Korian, « les personnes âgées sont fragiles et ont des parcours de vie importants. Avant d’opérer, le médecin doit s’inquiéter de ce qu’elles souhaitent et de ce qu’elles attendent de l’intervention. L’environnement du patient âgé compte également, à savoir les proches. Leur adhésion psychologique à l’intervention est aussi très importante. En effet, la famille a un réel impact sur le consentement de l’ainé. Ce dernier ne souhaite pas décevoir son entourage ; si un membre de la famille émet un doute sur l’intervention, le patient va se ranger à son avis, même si ce n’est pas ce qu’il souhaitait au départ. Le consentement doit se construire, ce qui est compliqué pour le médecin. »
 
« Les chirurgiens sont là pour donner leur avis, mais pas seulement. Ils doivent absolument intégrer toutes les répercussions qu’aura l’opération et trouver le meilleur traitement pour le patient », poursuit le Pr Xavier Cathelineau.
 
Accompagner le patient pendant et après l’hospitalisation

La qualité de la prise en charge est cruciale pour les sujets âgés, que ce soit pendant l’hospitalisation comme après, à leur retour à domicile. Si la chirurgie est l’option retenue pour traiter le senior, le Pr. Xavier Cathelineau insiste sur deux points essentiels :
 
Réduire au maximum le séjour d’hospitalisation et privilégier l’ambulatoire dès que possible. « Cela réduit le risque de survenue ou d’aggravation du syndrome confusionnel et diminue les problèmes liés à la nutrition, à la rétention urinaire… ».
 
Accompagner le patient pendant et après son hospitalisation. Pour le Pr X. Cathelineau, « il faut jouer sur la qualité de la prise en charge. Pendant l’hospitalisation, le patient est suivi et accompagné d’un point de vue médico-chirurgical et il dispose d’un kinésithérapeute, d’un rééducateur, d’un psychologue…, spécialistes indispensables à la prise en charge globale du patient âgé. Pour le retour à domicile, le médecin traitant doit assurer impérativement le suivi car il est le relai entre la famille et le patient au quotidien. L’accompagnement doit perdurer à la sortie de l’hôpital. »
 
« Le monde du handicap a été un peu marginalisé, mais les personnes âgées sont une transition extraordinaire pour faire évoluer la médecine. Il faut voir la médecine autrement que l’acte en lui-même et adapter chaque intervention, à chaque personne », conclut le Pr. Philippe Denormandie.
 
*L'objectif de ce Congrès est de transmettre la contribution au progrès de la recherche, aux pratiques et aux soins de demain qu'incarne la Fondation de l'Avenir. 

Article publié le 09/12/2015 à 08:34 | Lu 1657 fois