Et Mikaël Sela devint Mike Brant

Mike Brant aurait eu 61 ans le 1er février dernier. De son vrai nom Moshé Brand, il naquit dans un camp de réfugiés juifs à Famagouste (île de Chypre, entre Nicosie et Limassol). La future idole à la voix unique et exceptionnelle, resta pourtant muette les premières années de sa vie.


Ses Racines
L’enfant grandit sagement auprès de papa Fishel, Bronia sa mamina, et de son frère cadet Zvika. En 1951, enfin sorti de son mutisme, il chante à tue-tête dans les mariages et communions juives (bar-mitsva). Voyant que la musique passionne l’enfant, Mamina lui offre pour ses dix printemps son premier 45 tours : « My Prayer » des Platters. C’est le choc absolu !

Le rabbin de la synagogue, subjugué par le timbre de sa voix, décide alors de l’inscrire soliste à la chorale des filles Carmeli d’Haïfa. Sa carrière de chanteur commence plutôt bien : c’est le seul garçon déjà entouré de filles !

Ses influences musicales
Il se passionne rapidement pour les chanteurs américains de cette époque dont il apprend phonétiquement les tubes par cœur : Frank Sinatra, Dean Martin, et surtout Elvis Presley son idole. Comédien né, il amuse la galerie par ses imitations de Jerry Lewis, son acteur favori. Il fait le pitre en classe au grand désespoir de son professeur, et déclare à qui veut l’entendre qu’il sera acteur et chanteur : « Je serai artiste ou clochard ! »

Entre 14 et 16 ans, il suit des cours d’art dramatique au théâtre d’Haïfa (Le Beit Rothschild), pendant que son frère, accordéoniste, monte un petit orchestre amateur avec des copains qu’il surnomme Les Sky Master. Moshé ne se fait pas prier pour intégrer le groupe. Ils se produisent au Rondo (night-club de l’hôtel Dan Carmel à Haïfa) et partout en Israël, écumant les bals de leurs tango, rumba, valse ou paso-doble. Le groupe se rebaptise Les Chocolates. Il excelle désormais devant un public international à l’hôtel Hilton de Tel-Aviv, depuis qu’ils ont signé un contrat pour deux années de représentations.

Le succès est fulgurant, surtout devant la gente féminine qui ne reste pas insensible à la voix du crooner. Moshé, que l’on surnomme déjà Mike ou Mikaël, est ensuite repéré en décembre 1967 par le chorégraphe du grand music-hall d’Israël Jonathan Karmon. Frappé par l’impact qu’il possède auprès du public et surtout des jeunes filles, il lui propose de rejoindre sa troupe de soixante artistes. En effet, Karmon cherche un chanteur remplaçant pour partir en tournée d’un an à travers les USA et l’Afrique du Sud. Mike chante des airs folkloriques en duo avec la chanteuse Michal Tal sous le nom de Yon et Yonit. Mais voyant le succès de son jeune protégé, Karmon lui offre la possibilité de chanter en solo. Mike trouve un pseudonyme plus américain et devient Mikaël Sela. .../...

Ses tendres années
Chaque soir, il débute son tour de chant d’une demi-heure par Summertime (de Gershwin), et enchaîne pour son plus grand plaisir tous les tubes du moment : Strangers in the night de Sinatra, Yesterday des Beatles, Only you des Platters, Aretha Franklin, Tom Jones, Elvis… Son répertoire est très vaste : il connaît plus de 300 chansons par cœur.

Tel un véritable juke-box vivant, Mike chante en hébreu, anglais, français et même en italien : A chi (qu’Elvis reprendra en 1976 sous le titre de Hurt) Cuore di Bambina, ou Ciao amore de Luigi Tenco, que Dalida mit à son répertoire après le suicide de Tenco, à l’époque son amoureux. Mike enregistrera plus tard dans cette langue son tube Laisse-moi t’aimer et même en allemand.

Programmé à Broadway, c’est au pays de la « Grosse pomme » qu’il apprend le métier, surtout en regardant les shows télévisés. Son contrat rempli, il quitte le Grand Music-Hall d’Israël, et se fait engager pour cinq mois dans un night-club de Téhéran, le Baccara. Une rencontre inattendue va cependant bousculer son destin.

Sylvie Vartan
En avril 1969, Sylvie Vartan arrive à Téhéran pour une tournée, accompagnée de son fidèle secrétaire Carlos. Elle tombe aussitôt sous le charme de cette voix puissante et du charisme du bel Israélien. Elle ne résiste pas et souhaite le présenter de toute urgence à son producteur Jean Renard. Sylvie lui laisse alors son numéro de téléphone pour le cas où il voudrait tenter sa chance en France.

Suivant ses conseils à la lettre, Mike tente le pari et se retrouve à Paname en juin. Après quelques semaines d’errance, il n’arrive pas à joindre Sylvie partie en tournée. Avec ses derniers dollars en poche, il appelle Carlos de l’aéroport juste avant de repartir. Mais le destin change le cours de l’histoire : Carlos décroche.

Il accepte de l’héberger chez lui et propose une audition chez son producteur. Devant le piano, Mike lance son fameux Summertime devant Jean Renard et Jean-Claude Vannier. Aussitôt, Renard signe pour cinq ans avec Mike. Il lui façonne son look, et change son nom : Brand devient Brant.

Gérard Tournier (devenu le producteur de Mike, se rappelle : « J’avais dit à Jean, si un jour tu trouves un gars avec une voix exceptionnelle, tu m’appelles ». La promesse fut tenue. C’est ainsi que Moshé Brand devint Mike Brant.

L’Étoile filante
La machine Mike Brant se met réellement en marche. De 1970 à 1975, les tubes vont s’enchaîner à la vitesse grand V, en quatorze tubes : Laisse-moi t’aimer, Un grand bonheur, Mais dans la lumière (qui obtient le 1er Grand Prix International RTL 1970), Nous irons à Sligo, À corps perdu, La fille à aimer, Qui saura, C’est ma prière, Rien qu’une larme, Tout donné tout repris, Viens ce soir, C’est comme ça que je t’aime, On se retrouve par hasard, Qui pourra te dire.

Sur la pochette de son dernier disque : Dis-lui, sorti post-mortem, on pouvait lire ceci : « Ce disque a été enregistré le 15 avril 1975. Il devait être la reprise de contact de Mike Brant avec la vie, avec son public. Ces chansons avaient été enregistrées dans la joie d’un nouveau départ. Aujourd’hui, il sera un adieu, l’adieu d’une carrière trop brève ».

Article rédigé par Teddy Levy

Crédit photo : Jean-Louis Rancurel et photos personnelles de Yona Brant (nièce du chanteur)


Publié le 16/05/2008 à 08:47 | Lu 17805 fois