Emploi des seniors : pendant la crise les travaux continuent, chronique de Serge Guérin

Avec l’Anvie, l’association qui favorise les échanges entre chercheurs et grandes entreprises, nous venons de tenir deux journées de travail, de réflexion et de développement de pistes d’action sur la question centrale pour les années à venir de l’emploi des seniors et de la compétitivité.


Certains auraient pu penser qu’en pleine période de crise financière et économique, le sujet était osé et qu’il y avait grand risque de faire « choux blanc ».

Bien au contraire, nous avons dû refuser du monde pour garder un format permettant de vrais échanges et une parole libre. Heureusement, il reste bon nombre de directeurs de ressources humaines ou de responsables du dossier senior qui entendent bien continuer à agir et à réfléchir…

Si les travaux de l’Anvie restent frappés du sceau du secret, trois remarques peuvent néanmoins être développées. Tout d’abord, les différents intervenants, tant chercheurs que praticiens, ont montré que si les initiatives restaient encore très (et trop) minoritaires, en même temps, elles sont de plus en plus diversifiées, créatives et riches.

Ici, le réseau de maison de retraite Medica développe des actions de formation, longues et professionnalisantes, ouvertes à des salariés qui peuvent tutoyer la soixantaine. Là, Schneider se projette déjà dans les dix années à venir pour se préparer à répondre au défi d’une présence massive de seniors dans l’entreprise. Plus loin, Areva explicite des actions novatrices en termes de maintien en activité des seniors experts, à travers des formes différentes et adaptées aux attentes et aux besoins des personnes.

Autre point notable : il est apparu, une fois de plus, l’enjeu majeur et vital de la sensibilisation de l’ensemble du corps social de l’entreprise, en partant du haut jusqu’au bas de l’échelle. Sans l’engagement entier du chef d’entreprise, rien ne se ferra. Il est essentiel de casser les représentations négatives et infondées sur les seniors au travail. Pourtant, les préjugés ont la vie dure et il faut sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier pour espérer faire évoluer progressivement les regards... Des regards qui sont largement co-construits par les seniors eux-mêmes qui souvent, finissent par se comporter non pas comme ils sont, mais comme ils ressentent qu’ils « doivent » être. .../...
Emploi des seniors : pendant la crise les travaux continuent, chronique de Serge Guérin

Enfin, plus largement, on notera que la question du man+agement des seniors dans l’entreprise concerne fondamentalement l’enjeu de la valorisation des compétences. L’entreprise a besoin des seniors parce qu’ils sont compétents et producteurs de valeurs. Ne l’oublions pas. Inutile de faire de la morale. Rappelons simplement les faits : les entreprises vont faire face à de profonds déficits de main-d’œuvre et de personnels qualifiés, y compris en période de crise.

L’enjeu de l’emploi des seniors demande une formidable capacité de décentrement, une volonté forte de lutter contre les préjugés et les habitudes installées depuis presque 40 ans. Cela rend nécessaire de multiplier encore les rencontres et les ateliers.

Alors même que la crise est là, et que certains préparent déjà des mesures d’âge qui seront justifiées par la situation et serviront à cacher leur immobilisme et leur conservatisme, force est de constater que d’autres continuent d’agir. En ce qui me concerne, cette semaine, outre l’animation des journées de l’Anvie, j’ai aussi participé, à l’invitation de l’AG2R, à un large débat à Poitiers réunissant une centaine de responsables d’entreprise et de direction RH, et à une table-ronde, à Bastia, lors Journées de la branche retraite de la CNAV qui pour leur cession annuelle avait mis l’emploi des seniors au centre de leur préoccupation. Oui, le monde continue de bouger et de se transformer pendant la crise !

L’amélioration de l’emploi des seniors reste d’actualité même en temps de crise et de chômage croissant. Au contraire ! C’est dans ces moments là qu’il faut penser à l’avenir et le préparer. Ce n’est pas lorsque le mur est juste devant que le bateau peut modifier sa route, mais avant, en étant capable d’anticiper.

Il existe plusieurs formes de capitalisme. Peut-être allons nous sortir d’un moment qui a donné trop de pouvoir et d’influence aux logiques financières, pour revenir à une démarche qui ne sacrifie pas le moyen terme aux seules pressions du court terme. L’enjeu de l’emploi des seniors, c’est aussi celui-là.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier Vive les vieux !, Editions Michalon

Publié le 27/10/2008 à 09:39 | Lu 4667 fois