Diabète : les paradoxes du progrès médical et sociétal, par Gérard Slama

Dans le cadre du Medec, qui s'annonce comme le « plus grand congrès de médecins généralistes en France », qui se tient au Palais de Congrès (Paris) depuis hier et jusqu'au 20 mars prochain, différents thèmes médicaux seront abordés. Parmi eux, le diabète. A l’occasion de ce grand rendez-vous, le Pr. Gérard Slama, ancien chef du service de diabétologie de l’Hôtel-Dieu a accepté de donner son avis sur cette pathologie et sa perception du progrès médical et sociétal en la matière.


On parle de plus en plus d’épidémie de diabète ?
Le diabète est effectivement une maladie en pleine explosion, que ce soit dans les pays industrialisés ou du tiers monde. On prévoit 300 millions de diabétiques en 2025. Cette maladie est également devenue un sujet important avec la prise de conscience de son double visage :
- la multiplication des cas de diabète et leurs complications directes (rétinopathies, pied du diabétique, etc.)
- son rôle comme facteur de risque des maladies cardiovasculaires, et donc de mortalité.

Aujourd’hui, le diabète n’intéresse plus seulement les diabétologues, mais de nombreuses disciplines médicales. Quels sont les progrès thérapeutiques ?
Après la découverte de l’insuline en 1921, les connaissances ont peu progressé entre 1921 et 1950. Il y a eu ensuite la mise à disposition de la metformine et des sulfamides. Ce n’est que récemment que des nouvelles molécules et des nouvelles insulines sont apparues sur le marché, après des investissements importants des laboratoires pharmaceutiques.

Où est le paradoxe ?
Si l’on prend le cas des insulines, en 70 ans, leur prix a été multiplié par 40. La tendance est similaire pour les nouvelles molécules qui sont de plus en plus sophistiquées et chères. Les connaissances ont fortement progressé, mais on peut aujourd’hui s’interroger sur l’accessibilité aux innovations.

Compte tenu de la nécessité de réaliser des études de plus en plus complexes, des délais de brevets et des risques, les firmes pharmaceutiques travaillent pour les Etats-Unis, l’Europe et le Japon où elles veulent un amortissement court. Même dans ces pays, l’accès est loin d’être évident. Le paradoxe vient aussi du niveau d’exigence réglementaire, de preuves et de sécurité qui est désormais imposé. Les nouveaux médicaments ne doivent présenter aucun effet secondaire !

Si l’on colligeait l’ensemble des informations sur des produits comme l’insuline ou les sulfamides hypoglycémiants, on trouverait des morts liés à ces produits. Mais on n’en parle pas. Le progrès médical ne va pas sans risques et on ne peut se cacher systématiquement derrière le principe de précaution. Sinon comment demain pourra-t-on soigner 300 millions de diabétiques ?

Quelle peut être la place des médecins généralistes dans ce débat ?
N’écouter ni les Cassandre, ni les sirènes. Ni brûler les icônes ni les encenser. Il faut avant tout transpirer avec les patients.

Pour aller plus loin, lire aussi :
Risques cardiovasculaires : les paradoxes du progrès médical et sociétal

Publié le 19/03/2008 à 10:57 | Lu 6948 fois