Des conséquences économiques sur le vivre ensemble…

Selon une récente étude* réalisée par Ipsos pour le Conseil Economique Social et Environnemental et KPMG dans le cadre du colloque « Vivre Ensemble » qui se tient aujourd’hui à Paris, 47% des Français estiment que la crise économique et financière menace la capacité à bien vivre ensemble en France. Pour les Français, c’est la menace la plus inquiétante, largement devant les extrémismes religieux, l’individualisme, les extrémismes politiques, le repli communautaire ou le fossé entre les générations.





La crise économique menace notre capacité à bien vivre ensemble

Rarement une crise économique aura eu un impact aussi important sur le moral, les perceptions et les attitudes de l’opinion.

On savait le moral des ménages en berne et les inquiétudes relatives au chômage et au pouvoir d’achat très fortes. Les résultats de l’enquête Ipsos pour le CESE et KPMG révèlent une autre conséquence de la crise dans l’opinion : elle s’attaque désormais à la cohésion nationale.

En effet, lorsqu’on demande aux Français qu’est-ce qui selon eux menace le plus notre capacité à bien vivre ensemble, c’est la crise économique et financière qui est la plus citée (à 47% soit près d’un Français sur deux). Le défi qu’elle pose pour le financement du système de solidarité nationale paraît justifier cette première place. D’ailleurs, entre 2011 et 2012 la crise progresse assez nettement dans la hiérarchie des menaces (+8 points), notamment au détriment de l’accroissement des inégalités sociales qui en est pourtant l’une des conséquences (-16 à 27%).

En plus du ralentissement de l’activité économique et de ses conséquences, d’autres problèmes menacent la capacité à bien vivre ensemble. Ils paraissent cependant plus mineurs aux yeux des Français que la crise économique. Ainsi, les extrémismes religieux se placent au deuxième rang (ex aequo) avec 27% de citations.

Malgré l’arrestation récente d’une cellule terrorisme et les manifestations salafistes qui ont fait événement en septembre, cette menace ne progresse pas par rapport à 2011 (où elle était citée par 26% des interviewés). Au quatrième rang, l’individualisme est cité par un Français sur quatre (25%). Chez les cadres, c’est la première menace citée, à 39% contre 38% à la crise et 37% aux inégalités. L’individualisme est aussi davantage cité par les femmes (28%) que par les hommes (22%).

A noter enfin que, comme en 2011, les extrémismes politiques (10% de citations), le repli communautaire (8%) ou le fossé entre les générations (6%) ne menacent pas vraiment la capacité de bien vivre ensemble en France pour les interviewés.

Plus de temps à travailler et à s’épanouir individuellement que de temps en famille ou à la rencontre des gens

Alors que la crise économique se montre de plus en plus menaçante pour le vivre ensemble, les Français pensent qu’aujourd’hui on passe de moins en moins de temps à créer du lien avec son entourage. Pour une majorité de personnes interrogées, on consacre aujourd’hui moins de temps qu’il y a 20 ans à la famille (65%) à aller à la rencontre des gens (77%).

Les avis sont plus nuancés pour les activités où peut s’exprimer l’individualisme de chacun. Pour 38% des personnes interrogées, on passe aujourd’hui en France plus de temps à s’épanouir individuellement. Plus étonnant, près de quinze ans après la mise en place des 35 heures, et alors qu’on parle de plus en plus de revoir ce dispositif, 44% des Français considèrent qu’on passe plus de temps à travailler aujourd’hui en France qu’il y a vingt ans. Cette idée est même majoritaire chez les actifs (49%) et en particulier chez les cadres (52%).

Un rapport personnel au temps qui diffère selon le profil sociodémographique

On compte en France un peu moins de gens pressés (45%) que de personnes qui prennent leur temps (55%). Sans nier que la personnalité et le caractère de chacun est déterminant, l’analyse détaillée des résultats de l’enquête laisse apparaitre que le profil sociodémographique impacte fortement le rapport au temps des uns et des autres.

Sans surprise, le statut professionnel est un élément déterminant. 54% des actifs se disent pressés, contre 35% des retraités. Chez les actifs, les cadres sont les plus pressés (61% contre 45% des ouvriers). D’une manière générale, les catégories « supérieures » sont davantage « prises par le temps » : 55% des diplômés bac +3 ou plus et 51% des personnes dont les revenus sont les plus élevés sont pressés, contre 44% des sans diplôme et 39% des personnes dont les revenus sont les plus faibles.

Le rapport au temps est également différent chez les hommes et les femmes. 51% des femmes sont pressées contre seulement 37% des hommes. A l’opposé, 62% des hommes disent plutôt prendre leur temps, contre 48% des femmes. Concilier vie professionnelle et vie personnelle est sans doute plus difficile pour les femmes dans la mesure où le partage des tâches domestiques au sein du foyer leur est souvent défavorable.

Autre enseignement : les résultats mettent à mal le mythe d’une vie plus reposante à la campagne. 45% des personnes qui vivent en zone rurale sont pressées, c’est autant que dans l’agglomération parisienne…

Les Français aiment maitriser leur temps, mais beaucoup ont du mal à se projeter dans l’avenir

Les Français aiment maîtriser et organiser leur temps. Ils préfèrent prévoir à l’avance ce qu’ils vont faire dans les semaines à venir plutôt que vivre au jour le jour sans vraiment prévoir (à 61% contre 39%). Pour eux, la vie au jour le jour est sans doute synonyme de manque de projet, de précarité, d’angoisse (surtout dans le contexte économique actuel).

Ce mode de vie est toutefois privilégié par les plus jeunes (54% des 15-24 ans) mais aussi par les ouvriers (à 57%). Il l’est beaucoup moins au-delà de 35 ans (34% seulement) et chez les cadres (26%). S’ils aiment prévoir, les Français n’ont pas pour autant de vision précise de leur vie à moyen terme. La majorité d’entre eux ne peut dire précisément ce que sera sa vie de famille (56%), sa vie professionnelle (62%) ou sa vie personnelle (64%) d’ici dix ans. Ces chiffres traduisent le sentiment de précarité et la crainte pour l’avenir que la situation économique ne cesse d’alimenter.

Plutôt satisfaits du temps qu’ils consacrent à leurs occupations, les Français aimeraient toutefois en avoir davantage pour leurs loisirs
Dans l’ensemble, les Français sont satisfaits du temps qu’ils donnent à leurs différentes activités. La majorité des personnes concernées estime consacrer le temps qu’il faut à la vie de famille (61%), et à la vie professionnelle (58%).

Pour autant, le temps vécu n’est pas toujours en harmonie avec le temps voulu, notamment chez ceux qui exercent une activité professionnelle, dont beaucoup (30%) regrettent qu’elle leur prenne trop de temps. C’est particulièrement le cas des cadres (42%). Par ailleurs, 35% des Français estiment ne pas passer suffisamment de temps en famille (48% des actifs, 38% des hommes contre 32% des femmes). De même, une majorité de Français (53%) aimerait avoir d’avantage de temps pour ses loisirs (64% des actifs, 55% des femmes contre 50% des hommes).

D’ailleurs, s’ils avaient plus de temps, les Français le consacreraient en priorité à leurs proches (conjoint, famille, amis, etc. – 45% de citations), et à leurs loisirs (32% de citations). Les proches sont en tête dans toutes les catégories, à l’exception des cadres, qui s’investiraient prioritairement dans leurs loisirs ou leurs activités personnelles.

Enfin, notons que dans une société de plus en plus imprégnée par les nouvelles technologies de communication, les Français ont majoritairement le sentiment d’y consacrer un « juste » temps (63%), même si 20% concèdent y consacrer trop de temps, notamment les 15-24 ans (33%) et les cadres (34%).

*L’étude a été réalisée par Ipsos pour le Conseil Economique Social et Environnemental et KPMG dans le cadre du Colloque Vivre Ensemble qui se tient le 29 novembre 2012 au Palais d’Iéna à Paris. Les interviews ont a été réalisées auprès d’un échantillon de 1 018 personnes représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus, par téléphone du 9 au 12 novembre 2012.

Article publié le 29/11/2012 à 09:23 | Lu 3537 fois