De la vaccination contre la Covid-19 : le point avec l'Académie de médecine

Alors que la seconde vague de Covid-19 affecte sévèrement le continent européen, les stratégies de vaccination contre le SARS-CoV-2 ont été présentées par la Commission européenne dessinant pour la première fois les conditions dans lesquelles un vaccin sûr et efficace pourrait être mis à la disposition des États membres.


L'objectif était double :
(i) garantir un accès aux vaccins en temps opportun tout en conduisant l'effort de solidarité mondiale ; (ii) adapter le cadre réglementaire de l'UE à l'urgence pour accélérer la mise au point, l'autorisation et la disponibilité de vaccins, dans le respect des normes de qualité, d'innocuité et d'efficacité.
 
Pendant ce temps, la multiplication des contrats d'achat anticipé attise la concurrence entre les producteurs de vaccins et suscite des effets d'annonce. Le 9 novembre, le laboratoire américain Pfizer et son partenaire allemand BioNTech revendiquent une efficacité de 90% pour leur candidat vaccin BNT162b2 après la survenue de 94 cas de Covid-19 chez les participants à l'essai randomisé.
 
Deux jours plus tard, l'Institut de recherche russe Gamaleya déclare un taux d'efficacité de 92% pour son vaccin Spoutnik V. Malgré un écho médiatique retentissant, ces données préliminaires n'ont pas encore été étayées par des données scientifiques publiées et contrôlables.
 
La CE, qui avait déjà réservé 300 millions de doses de candidat vaccin chez Sanofi-GSK, 400 millions de doses chez AstraZeneca, 225 millions de doses chez CureVac, 200 millions de doses chez Johnson & Johnson et 80 millions de doses chez Moderna, annonce le 11 novembre avoir conclu un accord pour la livraison de 200 millions de doses du candidat vaccin Pfizer-BioNTech assorti d'une option pour 100 millions de doses supplémentaires.
 
Au total, ces six accords permettraient de disposer de plus de 1,5 milliard de doses de vaccin pour l'ensemble de l'Union européenne.
 
Face à cette compétition internationale, scientifique et commerciale, exacerbée entre les firmes dont les candidats vaccins sont parvenus en phase 3 de développement, la nécessité légitime d'anticiper la mise en œuvre d'une vaccination contre la Covid-19 dans chacun des États membres impose un temps de réflexion.
 
Les six accords engagés par la CE correspondent à des vaccins de première génération développés sur des plates-formes différentes : protéine recombinante (Sanofi-GSK), vecteur viral non-réplicatif (AstraZeneca, Johnson & Johnson), ARN messager (CureVac, Moderna, Pfizer-BioNTech).
 
Malgré les résultats intermédiaires des études précliniques et cliniques déjà publiés, le processus accéléré de développement des vaccins pandémiques ne permet pas encore de préjuger ni du niveau et de la durée de protection, y compris par tranches d'âge, ni de leur innocuité à moyen et long termes.
 
De plus, la comparaison entre ces candidats vaccins est difficile, les études d'efficacité ayant été conduites séparément et selon des critères différents.
 
Afin de définir une stratégie nationale d'immunisation, il est indispensable que plusieurs questions cruciales soient clarifiées, concernant :
– l'efficacité clinique, en termes de morbidité et de mortalité, et l'innocuité des vaccins, notamment chez les personnes âgées et les personnes atteintes de comorbidités, qui devraient être considérées comme prioritaires ;
– la durée de la protection induite par la vaccination et la nécessité de rappels ;
– l'impact épidémiologique potentiellement lié à une diminution de la transmission ;
– les contraintes imposées pour le stockage, la distribution et l'administration des vaccins compte tenu de leur thermostabilité.
 
Alors que l'Agence européenne du médicament se déclare prête à donner un avis favorable à un premier vaccin anti-Covid d'ici la fin de l'année, consciente que seule la mise en œuvre d'un programme mondial de vaccination permettra de rétablir une situation sanitaire pré-pandémique, l'Académie nationale de médecine engage les autorités sanitaires à définir une stratégie vaccinale sûre et efficace comportant :
– un plan de vaccination détaillant les modalités d'organisation logistique pour la distribution et l'administration du vaccin et les ressources humaines à mobiliser ;
– une forte implication des professionnels du secteur libéral dans la campagne nationale de vaccination et dans l'organisation des séances d'immunisation collectives ;
– une définition éthique et opérationnelle des catégories de personnes prioritaires pour la vaccination ;
– un protocole de rappel lorsque le schéma vaccinal nécessite l'administration de deux doses ;
– un système dédié de pharmacovigilance permettant d'identifier d'éventuels effets secondaires qui n'auraient pas été détectés lors des essais cliniques de phase 3 ;
– un vaste plan d'information et de communication pour le grand public et pour les professionnels de santé, exposant avec simplicité et transparence les objectifs, les modalités et les résultats du programme vaccinal ;
– une évaluation régulière de l'acceptabilité du vaccin par les différentes catégories de population ciblées par le programme, en particulier les professionnels de santé, incluant l'analyse des arguments avancés pour ne pas se faire vacciner.
 
Par ailleurs, l'Académie nationale de médecine recommande :
– de maintenir et renforcer les mesures individuelles et collectives de lutte contre la transmission du SARS-CoV-2 aussi longtemps que les indicateurs épidémiologiques témoigneront de sa circulation ;
– d'adapter la stratégie vaccinale initiale au fur et à mesure que des avancées scientifiques permettront d'intégrer des améliorations telles que des rappels hétérologues pour maintenir ou amplifier les réponses immunitaires induites par la primo-vaccination ou l'utilisation de vaccins par voie muqueuse pour induire une protection précoce contre l'infection.
 
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Publié le 17/11/2020 à 13:13 | Lu 2472 fois