Comment maintenir nos dents en bonne santé ? Et à quel prix ?

A l’occasion du Congrès 2014 de l’Association dentaire française (ADF) qui s’est tenu récemment sur le thème « La bouche, l’expression de notre santé », cherchons à savoir « comment maintenir sa bouche en bonne santé » et surtout « à quel prix ? ». D’après un entretien avec le Docteur Thierry Soulié, Secrétaire-général de la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD)


Comment maintenir nos dents en bonne santé ? Et à quel prix ?
Pour maintenir sa bouche en bonne santé il faut une bonne hygiène bucco-dentaire, une alimentation saine et équilibrée et… des visites régulières chez le chirurgien-dentiste. Mais pour que cette formule « magique », ait du sens, il faut que les messages de prévention soient entendus, et bien faire comprendre que les soins précoces conservateurs et chirurgicaux bucco-dentaires sont accessibles à tous puisqu’ils sont bien remboursés par l’Assurance maladie obligatoire et sans dépassements d’honoraires.
 
Prévention et dépistage : les deux facteurs clés d’une bonne santé dentaire

La prévention bucco-dentaire a démontré son efficacité. Le nombre de caries a été divisé par trois en trente ans ! Mais il faut pouvoir poursuivre les efforts réalisés. Or, en France, nos gouvernants ne sont pas dans une logique préventive pour preuve, une grande partie des budgets alloués à la campagne « M’Tdents » a été supprimée ! Cette campagne incitait pourtant à un contact précoce avec le chirurgien-dentiste et des rendez-vous réguliers pour les enfants à des âges cibles (6, 9, 12, 15 et 18 ans), pour diminuer le risque carieux.
 
Ces examens bucco-dentaires incluent la prise en charge à 100% de l’examen de prévention et des soins consécutifs. Ce programme incluait également une phase de sensibilisation collective à l’école et une prévention personnalisée en cabinet dentaire. La suppression du budget d’accompagnement fera baisser la garde et aura inévitablement des conséquences dommageables à court ou moyen terme pour la santé bucco-dentaire des Français. Ce déni des effets positifs de la prévention bucco-dentaire est une erreur non seulement sur le plan médical mais aussi sur l’aspect comptable, car le coût induit d’une mauvaise santé dentaire sera bien supérieur à celui occasionné par des actions de prévention.
 
Le travail de prévention et de dépistage est néanmoins poursuivi auprès des enfants, des adolescents, des femmes enceintes. Il devrait être étendu aux personnes vulnérables et à risques telles que les personnes âgées lors de leur entrée en EHPAD par exemple et les personnes handicapées. Une vraie volonté au plus haut niveau doit s’afficher pour favoriser la mise en œuvre d’un travail réfléchi, concerté, coordonné entre tous les acteurs impliqués. Pour l’instant, aucune action d’envergure dans ces domaines dans la loi de santé n’est prévue. Tous les experts de l’ADF déplorent cet état de fait et alertent sur les effets négatifs à moyens et longs termes sur la santé générale des Français.
 
Le prix des soins dentaires

Les soins conservateurs et chirurgicaux au tarif « opposable »

La convention nationale des chirurgiens-dentistes distingue deux catégories d’actes. Les soins conservateurs et chirurgicaux opposables pris en charge par la sécurité sociale et les soins prothétiques et orthodontiques pour lesquels les honoraires sont libres. Tous les actes « opposables » sont caractérisés par des bases de remboursement totalement obsolètes en raison de l’insuffisance de leur revalorisation depuis la dernière grande réforme dentaire qui date de 1978.
 
Les trois-quarts des actes des chirurgiens-dentistes sont pris en charge par la collectivité. Ce sont les soins des caries, les extractions. Leurs coûts sont, contrairement aux idées reçues, les plus bas d’Europe. Le prix d’une extraction est de 33,44 euros ; celui d’une restauration (« plombage ») sur une dent est de 19,28 euros ; une consultation est à 23 euros. Pour le praticien, le coût de sa structure incluant l’équipement et le personnel soignant est évalué au minimum à 150 euros de l’heure. On comprend vite que les soins pris en charge par la sécurité sociale ne suffisent pas au bon fonctionnement du cabinet dentaire. C’est la raison pour laquelle les chirurgiens-dentistes sollicitent une révision à la hausse des tarifs des soins dentaires remboursables afin de préserver la pratique et la qualité requises pour les effectuer.
 
Les soins prothétiques et orthodontiques

Les soins les plus coûteux ne sont pas ou peu pris en charge par l’assurance maladie. Il s’agit des soins prothétiques, orthodontiques et implantaires. Le prix moyen d’une couronne métallique se situe entre 250 et 350 euros. Celui d’une couronne esthétique entre 500 et 750 euros. Pour un implant il faut compter entre 700 et 1.000 euros (sans la prothèse). Les honoraires d’un acte prothétique sont très transparents et ventilés selon trois paramètres définis légalement et inscrits sur le devis conventionnel :

- le prix vente du Dispositif Médical Sur Mesure (DMSM) réalisé sur les prescriptions du chirurgien-dentiste par le prothésiste,

- les charges de structures du cabinet,

- l’origine de la prothèse est mentionnée sur le devis

Etapes conduisant à la réalisation d’une prothèse

- Elaboration d’un plan de traitement, en fonction du cas thérapeutique,

- Proposition d’un ou plusieurs devis conventionnels (les 3 éléments cités ci-dessus en tenant compte des alternatives thérapeutiques) en fonction du cas clinique,

- Acceptation du patient après réflexion et consultation de son organisme d’assurance complémentaire ; obtention du consentement éclairé,

- Préparation (taille) des dents avec des instruments rotatifs tournant à très haute vitesse (400 000 tours/minute) dans la bouche du patient. Ces préparations nécessitent connaissances, haute dextérité et temps de réalisation ; sans elles, la réalisation de la prothèse est impossible,

- Réalisation de dents transitoires en direct au fauteuil. Scellement,

- Empreinte des dents préparées, désinfection de celles-ci et envoi au prothésiste,

- Le prothésiste traite l’empreinte,

- Prise de l’occlusion par le praticien et détermination de la teinte des dents,

- Fabrication de la prothèse par le prothésiste,

- Descellement des transitoires, désinfection de la prothèse, essayage, contrôle de la teinte et de la mise en place correcte de la prothèse, ajustage de l’occlusion et des points de contact, scellement, nouveau contrôle de l’occlusion.

A noter : les chirurgiens-dentistes ne « revendent » pas les prothèses. Ils délèguent simplement au prothésiste une des étapes du traitement. Ils assument d’ailleurs seuls la responsabilité de l’intégralité du traitement prothétique. Un certificat de conformité est remis au patient en même temps que la note d’honoraire qui doit être conforme au devis accepté.
 
« Pour permettre à un cabinet dentaire de vivre des seuls soins conservateurs et chirurgicaux (opposables), il faudrait doubler leur valeur, ce qui nécessiterait 2 milliards d’euros. C’est incontournable si l’on veut maintenir la médecine bucco-dentaire à un haut niveau de qualité et de sécurité. Il est bien évident qu’une fois ce problème réglé, les honoraires des prothèses dentaires pourraient être eux aussi régulés et non l’inverse comme on tente de le laisser croire » conclut Thierry Soulié.

Publié le 02/12/2014 à 02:34 | Lu 1446 fois