Avoir un cancer après 75 ans : le point avec la Ligue contre le cancer

Le 6ème rapport de l'Observatoire sociétal des cancers, publié par Ligue contre le cancer, fait le point sur la vie des seniors de 75 ans et plus confrontés à cette maladie. Rappelons que de nos jours, plus d’un tiers des nouveaux cas de cancer touche cette population et un million de Français âgés de 75 ans et plus ont ou ont eu un cancer au cours de leur vie et près de 700.000 suivent un traitement ou ont été suivis pour cette affection. Détails.





Comme l’indique Emmanuel Jammes de la Ligue contre le cancer : « pour la première fois, une étude permet de recueillir des informations sur le vécu des personnes âgées atteintes d'un cancer, ainsi que l'avis du grand public, des professionnels de santé et des aidants. L'un des enseignements essentiels est que, pour elles, le cancer n'est pas une fatalité. Pour les personnes de plus de 75 ans, le cancer n'est pas synonyme de fin de vie. Elles veulent croire en leur avenir et poursuivre leur vie normalement. »
 
L'amélioration des conditions de vie et les progrès médicaux ont permis d'allonger l'espérance de vie. Si de nos jours, un tiers des cancers touche les plus de 75 ans, cette proportion passera à la moitié d'ici 2050. Il convient donc de prendre dès maintenant conscience de l’ampleur de ce phénomène ! Et de s’interroger dès à présent sur la nécessaire évolution de la prise en charge des ainés.
 
Cette nécessité trouve d'ores et déjà un écho « favorable » auprès des Français : ils le disent « Les personnes âgées atteintes de cancer sont des malades comme les autres ! » (encore heureux !). Et pour pratiquement les deux-tiers (64%) : non, ce n'est pas « moins grave » d'être atteint d'un cancer quand on est âgé !
 
Toujours selon ce rapport, une large majorité (85%) pense que tout doit être fait pour soigner une personne âgée ; pratiquement les trois-quarts (72%) estiment que les seniors doivent pouvoir bénéficier des meilleurs traitements et presque les deux-tiers (64%) n'adhèrent pas à l'idée que soigner le cancer d'une personne âgée coûte trop cher à la sécurité sociale. Enfin, 83% considèrent qu'il ne faut pas arrêter de soigner les personnes atteintes d'un cancer à partir d'un certain âge.
 
Rappelons que chaque année, sur 385.000 nouveaux cancers diagnostiqués, plus de 120.000 le sont chez les personnes âgées de 75 ans et plus dont 63.500 chez les hommes et 58.300 chez les femmes. Problème : ces cancers sont diagnostiqués à un stade plus avancé !
 
Pourquoi les cancers sont-ils diagnostiqués plus tardivement ?
- Les ainés peuvent rencontrer des difficultés à exprimer ce qu'ils ressentent (symptômes, fatigue, douleur, etc.).
- Ils tardent à consulter car ils attribuent souvent à leur âge certains symptômes ou problèmes de santé ;
- Un certain nombre d'idées reçues laissent encore à penser qu'il n'y a pas d'urgence à soigner un cancer (les cancers du sujet âgé évoluent lentement, les ainés sont fragiles, les personnes âgées ne souhaitent pas être traitées, etc.) ;
- Le dépistage organisé des cancers du sein et du côlon-rectum ne concerne plus les personnes âgées de 75 ans et plus. Pour les personnes qui n'ont pas pu ou voulu participer à ces dépistages, l'habitude de se surveiller n'a de ce fait pas été prise.
 
Quelle sont les conséquences de ce diagnostic tardif ?
- Des traitements plus lourds qui occasionnent plus d'effets indésirables d'autant plus difficiles à supporter que l'âge est avancé ;
- Des options thérapeutiques souvent réduites, certains traitements efficaces mais trop agressifs n'étant pas compatibles avec l'état de santé, notamment la présence d'autres affections liées à l'âge (insuffisance respiratoire, rénale ou cardiaque...).
 
Au final, les chances de guérison sont moins élevées : la moitié de la mortalité par cancer touche donc les personnes âgées de 75 ans et plus.
 
Aujourd'hui les personnes âgées atteintes de cancer sont le plus souvent traitées en adaptant les traitements « standard » utilisés pour les personnes plus jeunes. Si depuis quelques années, le nombre d’ainés participant à un essai clinique a fortement augmenté, seuls 1 à 2% des 75/85 ans sont cependant inclus dans des essais cliniques en cancérologie.
 
L'offre des essais cliniques pour les personnes âgées de 75 ans et plus ne reflète pas l'épidémiologie des cancers dans la population. Peu d'essais sont dédiés aux sujets âgés, alors que leur prise en charge est complexe et spécifique.
 
Une personne âgée sur six (16%) vit difficilement avec la maladie. De fait, elles cumulent souvent de nombreuses difficultés liées à leurs conditions de vie : plus des deux-tiers vivent seules ; 40% vivent avec moins de mille euros par mois. Essentiellement des femmes veuves, ces personnes n'ont pas, ou peu, travaillé durant leur vie et n'ont que peu de ressources ; les deux-tiers encore souffrent d'un ou plusieurs autres problèmes de santé ; et enfin, ce sont les personnes malades les plus âgées, qui ont le plus besoin de soutien et d'aide dans leur vie quotidienne.
 
« Ce n'est pas tant le cancer qui dégrade les conditions de vie, mais les conditions de vie dégradées qui aggravent le vécu du cancer » estime la Ligue contre le cancer. Lorsque les conditions de vie sont plus favorables (meilleurs revenus, vie en couple, plus d'autonomie, etc.), les personnes âgées de 75 ans et + atteintes de cancer vivent globalement bien leur maladie (46% des personnes interrogées).
 
L'effet générationnel montre également que les personnes âgées ont peu tendance à exprimer leurs besoins (59%) et les difficultés auxquelles elles sont confrontées (65%). Ce constat se vérifie particulièrement sur la question de l'accompagnement psychologique : même si elles en ressentent le besoin, elles estiment que recourir à un psychologue n'est pas une démarche logique pour accompagner une personne atteinte d'un cancer.
 
« Les psychologues c'est pour les gens qui n'ont pas le moral ou qui ont des gros problèmes dans leur tête. Moi, j'ai le moral. Je suis quand même très fatigué et ça ne va pas toujours bien, vraiment pas. Mais pas un psychologue quand même. » Michel
 
Cette étude nous enseigne également que les plus de 75 ans atteints d'un cancer souhaitent majoritairement (80%) privilégier leur qualité de vie plutôt que le nombre d'années à vivre.
 
Ce qui préserve la qualité de vie lorsqu'on est atteint d'un cancer après 75 ans :
Être entouré(e) : les proches (conjoint, enfants, petits-enfants, voisins, etc.) sont essentiels pour :
- aider à comprendre le diagnostic et la prise en charge ;
- apporter un soutien moral et une aide pendant et après les phases de traitement ;
- limiter l'isolement et maintenir le lien social
 
Conserver une activité : même réduite, elle contribue à :
- renforcer le lien parfois très ténu avec les autres
- se sentir utile
- prévoir de bons moments qui déconnectent de la maladie, préserver les « petits plaisirs de la vie »
 
« Pour conclure, je voudrai dire un seul mot : L'ENTOURAGE. Tous : la famille, les bons copains, les sans noms, les voisins, tous ceux qui vous entourent, qui vous appellent au téléphone, qui vous demandent comment vous allez, qui vous donnent des conseils, qui vous disent que ça leur fait plaisir de vous voir. C'est primordial pour le réconfort qu'ils apportent au malade ». Jacqueline
 
Ce qui dégrade la qualité de vie lorsqu'on est atteint d'un cancer après 75 ans
- Avoir de moins bonnes relations avec ses proches ;
- Se sentir seul(e), ce qui renforce notamment les idées sombres liées à la fin de vie ;
- Être éloigné(e) des structures de soins, ce qui accentue la dépendance des personnes âgées vis-à-vis de leur entourage ;
- Avoir besoin d'aide dans les tâches quotidiennes : en raison des effets secondaires, le cancer amplifie le besoin de soutien qui est assuré par l'entourage, lorsqu'il est présent ;
- Être atteint(e) d'une ou plusieurs autres maladies : le cancer s'ajoute souvent à d'autres pathologies, ce qui aggrave d'autant la qualité de vie
 
Les recommandations de la Ligue contre le cancer
Préserver et/ou améliorer la qualité de vie des personnes âgées, qu'elles soient ou non atteintes de cancer, nécessitent avant tout d'inscrire cette période de vie dans un parcours répondant le plus possible aux attentes des personnes en matière de logement, de transports, de vie sociale et d'accompagnement, comme s'y engage la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement de décembre 2015.
 
Concernant les ainés touchés par le cancer, la Ligue demande que les efforts soient portés en priorité sur un diagnostic plus précoce de la maladie, l'accès aux meilleurs traitements et des réponses spécifiques adaptées aux besoins de cette population vulnérable sur le plan physique, mais aussi souvent sur le plan social et économique.
 
Vers un diagnostic plus précoce :
- la création d'une consultation spécifique avant 75 ans permettant au médecin traitant de faire le point, avec ses patients, sur leurs facteurs de risque de cancer et leurs pratiques de dépistage ;
- l'envoi par les structures de gestion des dépistages des cancers de 2 lettres d'invitation spécifiques, sensibilisant notamment les personnes âgées au fait qu'elles ne bénéficieront plus des programmes organisés de dépistage des cancers du sein et du côlon-rectum à partir de 75 ans. Ces courriers devraient également insister sur la nécessité de consulter leur médecin traitant pour une surveillance régulière et des examens de dépistage adaptés à leur situation.
 
Vers des traitements anticancéreux mieux adaptés aux personnes âgées :
- le développement des essais cliniques de phases avancées, spécifiques aux personnes âgées de 75 ans et plus, avec des protocoles adaptés à leurs spécificités ; ou au moins une meilleure intégration aux essais existants
- le développement de la formation des professionnels de santé (médecins spécialistes et généralistes, paramédicaux, etc.) aux spécificités de la prise en charge du cancer chez les personnes âgées ;
- la promotion et l'évaluation de l'utilisation des référentiels de prise en charge des cancers spécifiques à l'oncogériatrie.
 
Vers une meilleure prise en compte des conditions de vie des personnes âgées :
- la promotion de solutions d'hébergement non médicalisées pour éviter aux personnes âgées éloignées de leur centre de soins de trop nombreux et trop longs trajets durant leur traitement ;
- la prise en charge des frais de transports pour favoriser le suivi post-traitement.

Article publié le 13/06/2017 à 11:00 | Lu 4700 fois