Allergies et exotisme : des fruits et des plantes

Dans le cadre du 10ème Congrès francophone d’allergologie qui s’est tenu la semaine dernière à Paris sur le thème Allergies et Vie Moderne, les docteurs Dumur d’Aix-en-Provence et Florent de Fort-de-France reviennent sur les différentes allergies causées par les plantes et les fruits exotiques.





Les plantes

Exotique est un mot tiré du mot grec exoticos : étranger (exo pour « en dehors », par opposition à endo pour « en dedans ». Il concerne donc tout ce qui n’est pas d’origine, ce qui a été importé. Dans le cas qui nous occupe, de nombreuses plantes acclimatées en Europe viennent de l’extérieur : platane, cyprès, olivier qui ont été importées de Grèce ou du Moyen Orient, mais le sujet concerne en fait les pollinoses survenant en zones tropicales et inter-tropicales, donc exotiques pour un européen.
 
Très peu de publications sur les caractéristiques de ces pollinoses sont disponibles, les pays où elles se développent étant peu dotés en unités de recherche ou de soins en allergologie. Leur saisonnalité est très différente des plantes européennes, rythmée le plus souvent par l’alternance dans ces zones tropicales d’une saison sèche et d’une saison des pluies. La plupart des plantes dites exotiques ont une diffusion entomophile de leur pollen, d’où leur faible allergénicité.
 
Les plantes exotiques allergisantes sont essentiellement pour les poacées (graminées) : le Cynodon Dactylon, la canne à sucre, le riz, le Sorgho, l’herbe de Bahia, la Trainasse. Pour les arbres : les jambrosade, acacias, podocarpus, melaleuca, palmiers à huile, palmier Betel, filaos, cocotier, fromager, manguier. Les pollinoses exotiques sont donc peu documentées. Elles paraissent moins fréquentes qu’en Occident en raison de leurs pollens qui sont à nette majorité entomophile, de l’absence de pic de pollinisation saisonnière alors que toute l’année le taux de pollen reste relativement faible, et du climat chaud et humide favorisant peu la diffusion des grains de pollens.
 
Il y a donc là un travail intéressant à entreprendre pour les associations « exotiques » de la Fédération ANAFORCAL Internationale.

Les fruits exotiques

Les réactions allergiques aux fruits exotiques sont en nette progression. Les allergènes responsables de ces manifestations appartiennent à différentes familles moléculaires avec une prédominance des PR- Pathogenesis Related protein, et des profilines (panallergène). Les réactions du syndrome d’Allergie Orale sont induites par des allergènes communs aux fruits et aux pollens, thermolabiles, sensibles aux enzymes et à l’acidité. Il s’agit de réactions limitées à l’oropharynx.
 
Les protéines communes aux fruits, aux aliments végétaux et aux pollens expliquent l’existence de réactions croisées entre ces éléments. La proteine PR BetV1 du bouleau croise avec les allergènes de la famille des rosacées (cerise, pêche, pomme...) par exemple. La profiline Betv2 du bouleau avec des protéines homologues de certains fruits (melon, pomme, poire) mais aussi avec la carotte, le céleri, l’armoise...
 
Les allergies propres aux fruits sont induites par des protéines allergéniques thermostables, résistantes à l’acidité et aux enzymes digestives susceptibles d’entrainer des réactions systémiques pouvant être sévères. Elles sont dues à des allergènes de type LTP, leur expression dans les fruits dépend des conditions de leur récolte, de leur stockage et de leur maturité.
 
A noter que la prévalence de l’hypersensibilité aux LTP est plus élevée dans les régions méditerranéennes qu’en Europe centrale et septentrionale, dominée par la pollinisation des bouleaux. Le syndrome latex-fruits décrit en 1992 regroupe un ensemble de manifestations chez des sujets sensibilisés au latex. Les réactions systémiques peuvent être de gravité variable, jusqu’au choc anaphylactique. De nombreux fruits peuvent être en cause : avocat, banane, kiwi, pêche, poivron... Les responsables sont les protéines du latex (heveines) -en particulier hevb6- présentant des similitudes antigéniques avec les protéines de certains fruits.
 
La démarche diagnostique reste classique : tests cutanés, tests natifs aux fruits, dosage des IgE spécifiques, tests de provocation labial (TPL ou test de provocation oral), TPO s’il est réalisable, sans oublier que l’interrogatoire demeure primordial : sur l’histoire clinique, la tolérance aux fruits crus ou cuits, l’association à une pollinose... Ainsi, une meilleure connaissance de la flore pollinique, de la cartographie antigénique de ces fruits émergents permet d’optimiser la démarche diagnostique.

Article publié le 29/04/2015 à 01:00 | Lu 3118 fois