Une secrétaire d’Etat aux aînés, une innovation sémantique

Pour la première fois, un gouvernement sous la présidence de Nicolas Sarkozy comporte un maroquin spécifique pour les seniors. Auparavant, Valérie Létard portait le sujet via le secrétariat d’Etat aux solidarités. Dorénavant, Nora Berra, médecin de formation et élue UMP à Lyon, a en charge la question du vieillissement. Si l’intitulé est marqué du sceau de l’innovation sémantique, puisque l’on ne parle plus de personnes âgées mais d’aînés, espérons qu’elle saura surtout innover pour dégager enfin, une volonté politique autour du financement du risque de perte d’autonomie…


Voilà des années que je propose que l’on créé un ministère de l’intergénération qui soit le plus transversal possible. Il aurait aussi été intéressant d’associé la question senior à celle de la famille. Dommage que Nadine Morano, secrétaire d’Etat à la famille voit son périmètre augmenter avec la responsabilité de la solidarité, mais amputée des seniors.

Reste la question du terme d’aîné : qui est concerné ? Rappelons notre typage des seniors destiné à montrer la diversité de ces publics. Je parle des Seniors Traditionnels (les SeTra), qui à 55, 70 ou 85 ans développent des comportements à l’image de ceux de leurs aînés et conservent un grand sens de leur rôle social.

Par exemple, la responsabilité face à leurs enfants est progressivement remplacée par une implication identique auprès de leurs petits enfants et de leurs propres parents. Arrivés à la retraite, ils restent très consommateurs, d’autant qu’ils ont fini de rembourser les emprunts contractés et qu’ils sont souvent propriétaires de leur logement. Ces publics tendent à s’enfoncer dans un certain conservatisme avec l’âge. Ils sont très sensibles aux questions de sécurité.

Le second type concerne les Seniors Fragilisés (les SeFra) qui peuvent subir une dégradation physique, mentale, morale ou économique. Ils sont en perte d’autonomie par manque de mobilité physique, par diminution de capacité cognitive (dont la maladie d’Alzheimer est le syndrome le plus connu et le plus angoissant pour la société), par sentiment de ne plus être dans la société. La fragilité économique peut aussi conduire à faire perdre leur autonomie à ces personnes. Rappelons que 600.000 personnes âgées vivent avec le minium vieillesse (moins de 700 euros/mois).

Le troisième type de seniors concerne les Boomers Bohêmes (les Boobos). Ces jeunes seniors, de 50 à 70 ans, symbolisent une nouvelle façon de vivre l’après-midi de la vie. Ces boobos bénéficient du triangle d’or symbolisé par le temps disponible, le pouvoir d’achat et la santé. Ils forment une nouvelle catégorie sociologique désireuse de rester dans la modernité, qui fait le pendant aux adulescents (ces adultes chronologiques au comportement social d’adolescent dont la figure a été popularisée par le film Tanguy).

Les Boobos cherchent leur équilibre entre différentes injonctions paradoxales, qu’elles viennent de l’entreprise (où le vieillissement commence à 45 ans), du monde des médias et de la publicité, (qui en reste à la notion passablement éculée de « ménagère de moins de 50 ans »), de la norme socio-juridique (qui inscrit l’âge officiel de la retraite, le marqueur essentiel, à 60 ans), …

Les publics dont Nora Berra devrait prendre la charge seront dons les SeFra et une large partie des SeTra. Les plus jeunes des SeTra et l’ensemble des Boobos ne doivent pas beaucoup se sentir concernés pas ce ministère. Sauf que c’est la société dans son ensemble qui sera impactée, ou non, en fonction du degré de solidarité et d’équité qui seront insérés dans la future loi sur la prise en charge des personnes en perte d’autonomie. Affaire à suivre.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier La société des seniors Editions Michalon
Une secrétaire d’Etat aux aînés, une innovation sémantique

Publié le 29/06/2009 à 08:50 | Lu 3623 fois