Tutelle : le point avec trois experts (partie 4)

Au lendemain de cette période électorale et dans la perspective des prochains débats concernant les aidants familiaux et la protection judiciaire, l’association France Tutelle vient de présenter les résultats du volet 2 de son baromètre 2021, « Regard(s) des Français sur la vulnérabilité et la protection juridique de leur proche ». Elle fait le point sur différents sujets relatifs à cette problématique avec trois experts*.


Ce baromètre évoque pour la premières fois le rôle de protection par la famille, quelles perspectives vous inspirent ces travaux ?
 
Gilles Raoul-Cormeil – amener les personnes interrogées à se projeter dans le rôle de protecteur des droits d’un proche vulnérable peut nous renseigner utilement sur leur perception et leur attitude face à de telles situations.
 
Faire l’exercice de croiser ces premiers résultats en projetant à nouveau les Français dans le rôle de celui ou celle qui est devenu vulnérable et protégé serait particulièrement riche et pertinent.
 
Envisagerions-nous de la même manière une restriction de certaines de nos libertés si cela nous concernait directement ? Aurions-nous, par exemple, la même définition du terme autonomie ? Serions-nous prêts à accepter toutes les conséquences que celle-ci suggère (choix du lieu de vie, de se marier…) selon que l’on se projette en tant que protecteur ou en tant que personne protégée ?
 
Eric Martin – la désignation d’une famille comme tutrice ou curatrice ou habilitée de son proche vulnérable devrait s’accompagner d’un véritable « service après-vente » dans chaque juridiction.
 
Trop souvent, je vois des familles, une fois désignées, en demande d’écoute et de réponses concrètes par rapport à leur mission. Dans ma juridiction, nous essayons de répondre à ces interrogations dans la mesure du possible, mais la création d’un réel service d’accompagnement ad hoc, sorte de guichet unique, serait une plus-value pour tous.
 
Les familles en premier lieu, qui une fois conseillées, se sentiraient soutenues et plus à l’aise avec des tâches parfois techniques. L’institution judiciaire en second lieu pour laquelle le contrôle et le suivi des mesures seraient plus efficients. A ce titre, l’exemple des bureaux d’aides aux victimes peut s’avérer inspirant.
 
Aïda Sadfi – à l’avenir, il me semble difficile pour les métiers du chiffre de ne pas acquérir une expertise sur ces sujets : soit directement, par le développement d’une compétence propre, soit indirectement par la constitution d’un réseau d’acteurs déjà spécialisés qui pourraient leur venir en soutien dans l’expertise de certaines situations.
 
Pour faire écho à votre étude, il me semble qu’une enquête auprès des professionnels du chiffre et du
droit sur le sujet de la vulnérabilité serait particulièrement éclairante.
 
Elle permettrait notamment de mieux comprendre les difficultés que rencontrent ces métiers, leurs pratiques face à cette clientèle, leur niveau de connaissance sur les dimensions juridiques, leurs perceptions de la vulnérabilité ou les freins liés à leurs organisations.
 
Cela objectiverait un état des lieux qui n’existe pas et faciliterait le repérage de leurs attentes pour proposer des solutions adaptées au bénéfice des familles concernées.
 
Interviews réalisées par Laetitia Fontecave et Federico Palermiti
 
*Eric Martin, Juge des Contentieux de la Protection à Alençon
Aïda Sadfi, Directrice Générale d’APREDIA – Société d’études indépendante
Gilles Raoul-Cormeil, Professeur de Droit Privé à l’Université de Bretagne Occidentale

Publié le 07/07/2022 à 03:00 | Lu 2806 fois





Dans la même rubrique
< >