Qu'est-ce qu'une maladie neuro-dégénérative ? Par le professeur Jacques Touchon

L’adulte atteint de Parkinson, l’adolescent atteint d’ataxie, la personne âgée atteinte d’Alzheimer... Quel lien entre ces maladies aux parcours tout à fait différenciés et entre ces personnes aux vécus, attentes et besoins toujours singuliers. Comment avoir une approche diversifiée, à la fois transversale et ciblée ?


Qu'est-ce qu'une maladie neuro-dégénérative ? Par le professeur Jacques Touchon
Du point de vue fondamental, les maladies neurodégénératives sont toutes issues (à l’exception de la sclérose en plaques) d’un mécanisme commun : ce sont des protéinopathies, c’est‐à-dire des maladies déclenchées par le dépôt d’une protéine anormale sur un neurone. Ce dépôt, dont l’apparition reste à ce jour inexpliquée, entraîne le dysfonctionnement du neurone, sa dégénérescence, puis sa mort.
 
Du point de vue étiologique, ces maladies ont d’autres points communs :

- Elles développent certains mécanismes qui, eux, ne leur sont pas spécifiques (stress oxydant, inflammations, dysfonctionnements mitochondriaux).

- Elles ont aussi des origines génétiques, qui peuvent constituer soit des facteurs déterminants (comme dans la maladie de Huntington ou les formes familiales de la maladie d’Alzheimer), soit des facteurs de risque (s’ils sont associés à certains facteurs environnementaux).

- L’environnement peut également jouer un rôle de protection ou d’accélération de ces maladies : l’environnement physique (comme la présence de toxiques pour la maladie de Parkinson), l’hygiène de vie, la stimulation cognitive...
 
- Enfin, toutes ces maladies sont des maladies chroniques dont l’évolution peut être soit rapide (maladie de Huntington, sclérose latérale amyotrophique, maladie de Parkinson), soit très progressive (sclérose en plaques, maladie d’Alzheimer).

Le point commun majeur entre ces maladies est donc que les déficits s’installent de façon non pas linéaire, mais itérative. Pour le patient et sa famille, cette caractéristique est dramatique car elle détermine des modalités de deuil elles aussi itératives, remises en jeu à chaque étape de la perte fonctionnelle et/ou cognitive. La prise en charge ne peut ignorer cette dimension répétitive de la souffrance.
 
Du point de vue de l’état de la recherche, la connaissance de plus en plus approfondie de leurs mécanismes, si elle a permis depuis un quart de siècle de réaliser d’importants progrès diagnostiques, n’a pas encore permis de découvrir des médicaments capables de stopper le processus de dégénérescence. Cet écart entre les fortes avancées diagnostiques et l’impuissance thérapeutique fait partie des problématiques complexes posées par ces maladies.
 
Du point de vue de la prise en charge, ce contexte - la possibilité de poser un diagnostic très en amont, sans celle de proposer de traitements curatifs - rend le moment de l’annonce du diagnostic de ces maladies particulièrement difficile. C’est pourquoi le médecin doit aborder ce moment avec humilité et prudence, en prenant en considération la personnalité de chaque malade, sa situation clinique spécifique, son environnement familial...

Loin de n’envisager que les aspects somatiques et cognitifs, la stratégie de prise en soins doit intégrer une approche globale : psychologique, relationnelle, sociale, professionnelle. Ainsi, au CHU de Montpellier, des stratégies non médicamenteuses ont été développées et structurées autour de l’art-­‐ thérapie et de la musico-­‐thérapie, qui permettent de diminuer de façon significative l’anxiété et la dépression, donc la consommation de psychotropes.
 
En conclusion, le caractère itératif de l’installation dans le temps de ces maladies et son impact sur la façon complexe d’aborder le deuil, font que le médecin ne peut en aucun cas être le seul acteur de la prise en charge. Seule une approche pluridisciplinaire et concertée, intégrant les apports des sciences humaines et sociales, peut permettre au malade et à sa famille d’affronter le processus de dégénérescence dans des conditions éthiques respectueuses de la dignité humaine.
 
Le Pr Jacques Touchon est chef du service de Neurologie du CHU de Montpellier

Publié le 22/10/2014 à 13:08 | Lu 3034 fois