Pour en finir avec le discours de guerre civile entre les générations : regarder autrement le passé récent, chronique par Serge Guérin (partie 1)

Les lecteurs de Senioractu.com savent combien le discours anti-âge est porteur : il navigue entre poujadisme générationnel et racisme anti-âge et repose sur une vision qui privilégie l’opposition d’intérêts entre les générations et une vision statique de la réalité et de l’environnement.


D’un côté, on laisse entendre de façon plus ou moins claire, que les plus âgés ont dépensé sans compter et mis le pays au bord du gouffre.

Bref, que cette génération aurait profité du système et se serait constituée un patrimoine grâce à l’inflation et au bénéfice de la croissance économique. En poussant un peu, on pourrait même imaginer une sorte de « complot générationnel »…

De l’autre, on retrouve des discours marqués par un économisme primaire où les plus âgés sont principalement visibles par rapport à leurs dépenses de santé apparaissant trop lourdes. Bref, que les aînés les plus fragiles sont dans ce cas précis, un poids pour la société et si l’on suit bien les auteurs, qu’ils sont inutiles.

Finalement, derrière ces discours, c’est toujours l’idée développée par Alfred Sauvy faisant rimer vieillesse avec défaite qui est présente. Elle entend qu’un pays qui prend de l’âge est un pays qui ne sait plus affronter la modernité. .../...
Pour en finir avec le discours de guerre civile entre les générations : regarder autrement le passé récent, chronique par Serge Guérin (partie 1)

Or, il est bon de rappeler que ceux qui sont en retraite aujourd’hui n’ont pas toujours vécu sur un lit de roses. Nos aînés ont subi les années de guerre et connu les privations de l’après-guerre. Et certains ont perdu leur jeunesse durant la guerre d’Algérie.

Côté travail, les Trente Glorieuses célébrées par Jean Fourastié, étaient aussi celles des cadences infernales, des brimades et des petits chefs, des semaines de 48 heures et de la retraite à 65 ans.

Faut-il aussi rappeler que ceux qui prennent leur retraite aujourd’hui, ont vécu depuis 1974 dans un climat de crise économique, d’inflation redoutable, de plans sociaux à répétition et de vagues de licenciements massifs ?

Ce sont les mêmes qui ont eu à s’adapter à la politique de désinflation menée par tous les gouvernements depuis la fin des années 1980. Faut-il aussi rappeler que les seniors au travail vivent souvent un enfer symbolique car ils apparaissent comme dépassés, peu productifs et sont fragilisés par des représentations ardemment négatives. Sans compter les personnes de plus de 50 ans qui sont au chômage et qui vivent avec une espérance de retour à l’emploi…proche du néant.

Serge Guérin

Professeur à l’ESG, vient de publier « Vive les vieux ! », Éditions Michalon

Publié le 07/07/2008 à 10:16 | Lu 4531 fois