Selon les chiffres publiés le 12 septembre par le ministère japonais de la Santé, du Travail et des Affaires sociales, le Japon compte désormais 99 763 personnes âgées de 100 ans ou plus, soit une hausse de 4 644 individus en un an. Parmi elles, environ 88 % sont des femmes, confirmant la forte prévalence féminine dans la longévité. La doyenne du pays, Shigeko Kagawa, est âgée de 114 ans et vit dans la préfecture de Nara. Le plus âgé des hommes connus a 111 ans et réside dans la préfecture de Shizuoka.

Depuis 1963, année du premier recensement officiel, le nombre de centenaires n’a cessé d’augmenter au Japon, reflétant à la fois les progrès médicaux, les conditions d’hygiène et un mode de vie réputé sain.
 

La réputation du Japon en matière d’espérance de vie n’est pas nouvelle. Le pays occupe régulièrement le haut du classement mondial, grâce à plusieurs facteurs : une alimentation traditionnelle riche en poissons, légumes et riz, une médecine préventive avancée et un suivi médical généralisé.

La culture du respect des aînés et un tissu social qui valorise la communauté contribuent aussi à ce phénomène. Mais cet atout se double d’une autre réalité : un taux de natalité parmi les plus bas du monde. Le Japon perd chaque année des centaines de milliers d’habitants, et ce déclin démographique accélère mécaniquement le vieillissement global de la société.
 

Cette hausse continue du nombre de centenaires n’est pas sans conséquences, bien évidemment. Elle pèse lourdement sur le système de santé et sur les régimes de retraite. Les dépenses publiques liées aux soins de longue durée explosent, alors que la population active diminue. Le déséquilibre intergénérationnel se creuse, chaque actif devant contribuer davantage pour financer retraites et prestations sociales.

Par ailleurs, l’isolement des personnes âgées constitue un enjeu sociétal. Dans les zones rurales, de nombreux centenaires vivent seuls, exposés à des risques accrus de dépendance. Les municipalités doivent adapter leurs infrastructures, qu’il s’agisse de transports, de logements ou d’équipements médicaux.
 

Face à ce phénomène, les autorités japonaises parlent d’« urgence silencieuse ». Le gouvernement investit massivement dans les services de santé et la prise en charge de la dépendance. Des mesures de soutien à la natalité sont aussi encouragées : aides financières aux familles, développement de services de garde d’enfants, incitations fiscales aux entreprises favorisant l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale.
 

Parmi les pistes explorées :
 

1. Innovations dans les services de santé. Télé-médecine, robotique, intelligence artificielle pour les soins à domicile, prévention personnalisée des maladies liées à l’âge. 
2. Réforme des retraites et financement. Renforcement des caisses de retraite, ajustement de l’âge légal de départ, réformes fiscales pour répartir équitablement la charge.
3. Revitalisation démographique. Encouragement de la natalité (aides, garde d’enfants, politiques de logement), immigration mesurée comme levier possible.
4. Aménagement urbain et soutien social. Ville “âgée-friendly”, transports adaptés, logements accessibles, renforcement des réseaux de solidarité locale pour combattre l’isolement.

Si le record des centenaires reste un motif de fierté nationale, il souligne aussi l’ampleur des défis à venir. La longévité, loin d’être une simple réussite médicale, devient une donnée structurelle qui reconfigure l’économie, la société et le quotidien de millions de familles. Le Japon, pionnier du vieillissement, est observé de près par d’autres nations industrialisées qui connaissent elles aussi un allongement de la durée de vie. Gageons que la France et l'UE observent avec attention la réaction nippone à ce défit vertigineux, qui préfigure la situation démographique à laquelle l'Europe devrait faire face d'ici 25 ou 30 ans, selon toute vraisemblance.