Parkinson : l’excès de fer dans les cellules nerveuses pourrait être impliqué

Selon les travaux conduits par Etienne Hirsch (Inserm) et son équipe, sur des rongeurs, « limiter l'excès de fer dans les neurones dopaminergiques* pourrait protéger contre la maladie de Parkinson ». Soulignons par ailleurs, le lancement d’un nouveau médicament (rasagiline) qui pourrait de son côté « ralentir la progression » de cette pathologie. A cette occasion, nous publions également un entretien avec le Professeur Philippe Damier, chef de service Neurologie au CHU de Nantes sur l’importance d’un dépistage précoce.


Les chercheurs de l’Inserm ont donc montré que les rongeurs malades sur-expriment le transporteur DMT1 chargé d'importer le fer dans les cellules nerveuses. Cela provoque l'accumulation de fer et la mort des neurones. Dans ce contexte, les scientifiques ont inhibé l'activité de ce transporteur pour en évaluer les conséquences sur la maladie. Résultat : les souris mutées sont deux fois moins atteintes par la maladie que les autres.

La maladie de Parkinson représente la seconde affection neurodégénérative après la maladie d'Alzheimer en France. Elle est provoquée par la dégénérescence des cellules nerveuses dopaminergiques d'une zone précise du cerveau : la substance noire. Les personnes malades développent ainsi des tremblements, des raideurs et voient leurs mouvements se ralentir (voir ci-dessous pour les autres symptômes).

Les causes de la maladie sont encore mal connues. Cependant, l'observation de cerveaux de personnes décédées, atteintes de la maladie, montrent que les neurones qui dégénèrent renferment une concentration très importante de fer par rapport à la normale.

Certes, le fer est indispensable au bon fonctionnement de l'organisme mais son excès altère les composants cellulaires. « L'accumulation de fer entraîne un stress oxydatif qui détruit notamment les lipides et les protéines et entraîne la mort cellulaire. Nous avons donc suspecté que l'excès de fer pouvait être impliqué dans la dégénérescence des neurones chez les patients malades », précise Etienne Hirsch, directeur de l'unité Inserm-Université Pierre et Marie Curie. .../...

Pour clarifier cela, les chercheurs ont essayé de comprendre comment le fer s'accumulait à ce point dans les cellules malades. Ils ont rapidement orienté leurs recherches vers le transporteur DMT1 chargé d'importer le fer dans les cellules nerveuses.

La première étape de leurs travaux a consisté à induire chimiquement la maladie de Parkinson chez des souris afin d'observer les conséquences éventuelles sur l'expression de ces transporteurs. Ils ont constaté que leur nombre doublait chez les souris malades, un à deux jours seulement après l'injection. En parallèle, les concentrations en fer augmentaient très fortement dans les cellules nerveuses, entraînant un stress oxydatif prévisible, puis la mort neuronale au bout de cinq jours.

Cette étape franchie, les chercheurs ont voulu observer l'effet provoqué par l'inhibition de ce transporteur chez les rongeurs. Pour cela, ils ont travaillé sur des souris chez qui l'activité des transporteurs DMT1 était très altérée et ont soumis les rongeurs à une toxine provoquant la maladie de Parkinson. Ces rongeurs ont beaucoup mieux résisté à la maladie que les souris témoins. Ils étaient deux fois moins touchés, comme si l'altération du transporteur les avait protégés contre l'effet de la toxine. « Ces résultats sont très concluants. Nous avons montré qu'en inhibant l'activité du transporteur DMT1, nous protégions les rongeurs contre la maladie », conclut Etienne Hirsch.

*Les neurones dopaminergiques synthétisent la dopamine, un neurotransmetteur du cerveau. Les chercheurs ont pu établir une relation entre le déficit en dopamine et des troubles nerveux comme la maladie de Parkinson.

L’importance de diagnostiquer tôt en pratique / Interview du Professeur Philippe Damier chef de service Neurologie au CHU de Nantes

• Du fait de l’importance de diagnostiquer tôt la maladie de Parkinson, à quels signes avant-coureurs faut-il être attentif ?
L'apparition d'un tremblement est la situation la plus simple, le patient ayant le plus souvent évoqué le diagnostic lui-même. Ce symptôme est néanmoins absent chez un grand nombre de patients en début de maladie. Le plus souvent, on observe une maladresse gestuelle dans des gestes répétitifs, comme se brosser les dents, battre des oeufs ou écrire, ainsi qu’une impression de raideur dans un membre inférieur. Ces symptômes sont le fait de l'akinésie débutante. Il y a deux circonstances classiques de début de maladie qui sont souvent trompeuses et source de retard diagnostique : un syndrome dépressif et un problème rhumatologique.

Enfin, des éléments peu spécifiques peuvent précéder la maladie de plusieurs années et seront peut-être intéressants à détecter et à préciser dans le futur. Il s'agit de la perte de l'odorat (anosmie), de certains troubles du sommeil (troubles du comportement en sommeil paradoxal) et de la constipation !

• La maladie de Parkinson est connue essentiellement comme une maladie du sujet âgé. Cette perception est-elle exacte ?
Cette vision du grand public est erronée. La maladie de Parkinson débute en moyenne vers 55-65 ans, ce qui en 2008 n'est pas très âgé ! Surtout, un cas sur dix débute avant l'âge de 40 ans. A noter que la présentation clinique, les modalités évolutives, et donc les stratégies thérapeutiques sont très différentes selon l'âge de début : une maladie débutant avant 40 ans n'a que très peu à voir avec celle débutant au-delà de 70 ans.

• En plus des manifestations motrices de la maladie de Parkinson, pouvez-vous nous décrire l’ensemble des différents symptômes et troubles le plus souvent associés à cette maladie ?
Une symptomatologie non motrice très large existe dans cette maladie. Les symptômes peuvent être regroupés en trois grandes catégories : symptômes végétatifs, avec modifications tensionnelles, troubles sphinctériens, constipation, troubles de la sudation ; symptômes cognitivo-psychiatriques, avec éléments dépressifs ou au contraire hypomanes, anxiété, hallucinations voire psychose, apathie, syndrome dysexécutif voire syndrome démentiel ; symptomatologie sensitivo-douloureuse, avec un très large spectre de douleurs. Certains de ces symptômes peuvent être le fait du traitement dopaminergique, en particulier les hallucinations et la psychose ; d'autres comme les troubles sphinctériens ou l'atteinte cognitive, lorsqu'ils sont précoces, peuvent évoquer un diagnostic autre que celui d'une maladie de Parkinson..

La rasagiline : nouvelle arme thérapeutique

La rasagiline (sous le nom commercial d’Azilect®) s’annonce comme le « premier anti-parkinsonien à démontrer un double bénéfice : un effet de modification de l’évolution de la maladie (ralentissement de la progression de la maladie), associé à une amélioration significative des symptômes présentés par les patients parkinsoniens ». Précisons cependant que ce médicament n’est pas encore commercialisé en France.

Ce que vivent les patients

• Mr M. T., 53 ans, marié, 2 enfants :
Ma maladie a été détectée en 2003. Les deux années qui ont précédé, j’ai été soigné pour dépression. Je n’arrivais plus à écrire, j’étais fatigué tout le temps, je dormais la journée même le week-end. Le médecin de l’époque me disait : « c’est dans votre tête » mais je sentais au fond de moi que ce n’était pas une dépression. Mon épouse et moi avons décidé que cela ne pouvait plus durer. Je suis allé voir une psychiatre qui a très vite compris que j’étais atteint de la maladie de Parkinson et m’a pris rendez-vous avec un neurologue du Mans. J’ai ensuite choisi un nouveau médecin traitant qui s’est mis en relation avec la psychiatre et le neurologue pour discuter de mon traitement.

Ma famille et mes amis m’ont bien entouré mais la période avant le diagnostic a été très difficile. La banque où je travaillais depuis 28 ans n'a pu m'offrir un poste adapté à la maladie et j'ai dû quitter l'entreprise.

L’annonce de la maladie a été un choc pour ma femme et mes deux filles, qui ont aujourd’hui 24 et 26 ans et les personnes de mon entourage étaient surprises car la maladie de Parkinson est en général associée seulement aux tremblements et on ne pense pas qu’elle peut se déclarer chez une personne jeune. Aujourd’hui, les personnes qui m’entourent connaissent très bien mes symptômes ; ils savent pourquoi je bouge la tête, et pourquoi j’ai parfois des difficultés à parler, ils ne font plus attention à mon handicap.

Je donne l'impression de vivre « presque » normalement, malgré l'évolution de la maladie et de ses effets secondaires dûs au traitement qui doit être ajusté régulièrement par le neurologue. Mon traitement actuel me provoque des dyskinésies et des douleurs musculaires.

Je m’investis beaucoup dans des activités associatives, tout ce que je peux faire seul, je le fais et mon épouse prend le relais dès que la fatigue est là, mais seulement si je le lui demande. Même sans parler de la maladie, nous avons appris à en tenir compte dans la vie de tous les jours, cela demande beaucoup de complicité. Comme tous les malades de Parkinson, j'attends de la recherche un médicament « miracle » qui permet un confort dans la prise, un minimum d'effets secondaires, une diminution des périodes « ON/OFF ».

• Mr J-P. V., 57 ans, marié, 3 enfants :
La maladie de Parkinson m’a été diagnostiquée il y a trois ans, j’avais alors 54 ans. J’exerçais le métier de militaire. J’avais des tremblements au bras gauche déclenchés par une réaction à la cortisone et qui n'avaient toujours pas disparu 6 mois après l'arrêt du traitement, des difficultés pour mouvoir la main gauche, une fatigue permanente incompréhensible. Je sentais que quelque chose n’était pas normal. Mon épouse s'exaspérait de la lenteur de tous mes mouvements.

Le médecin militaire ne voulait pas admettre que j'étais malade, malgré les symptômes et à ma demande m'a envoyé voir un neurologue de Bourges « pour me rassurer ». Ce neurologue a été formel : syndrome parkinsonien. Le médecin militaire ne voulait toujours pas le croire et m'a envoyé voir un autre spécialiste à Paris. C’est un neurologue de l’Hôpital du Val-de-Grâce qui a confirmé le diagnostic. Bien sûr, cette nouvelle a été un choc pour ma femme et moi-même, car cela brisait tous nos projets de retraite.

Dans mon malheur, j'ai appris par hasard, par la presse, qu'une réunion se tiendrait le lendemain dans mon quartier, en vue de la création d'une association départementale Parkinson. J'y suis allé et j'ai proposé mes services comme informaticien.

Mais la maladie, chez moi, évolue lentement. Un an plus tard, ayant atteint la limite d'âge de ma profession, je me suis retrouvé en retraite. J'avais une année à l'avance préparé cette nouvelle vie et mon futur employeur était prêt à m'embaucher. C'était un emploi dans la musique dont je rêvais depuis longtemps. Mais apprenant ma maladie et comprenant comment elle allait évoluer, j'ai préféré renoncer à ce travail de peur de ne pas pouvoir l'assumer.

Toute ma vie j'ai eu une passion : la musique. J’étais, entre autres, organiste d’église. Maintenant, mes deux mains étant atteintes par une sorte de paralysie, je ne peux plus jouer correctement. Désormais, je compense cette activité par une autre : la composition musicale (orgue classique, orchestres d'harmonie et électroacoustique), travaillant notamment sur ordinateur. En trois ans de présence sur Internet, j’ai établi des échanges avec des musiciens d’autres pays et ma musique commence à être jouée à l'étranger. Je participe également à la Fédération Française des Groupements de Parkinsoniens, en tant que webmaster.

Publié le 29/10/2008 à 12:51 | Lu 11452 fois