Le principe santé : un fil structurant de l’action politique (II) par Serge Guérin

Dans la chronique de la semaine dernière concernant la santé, j’entendais défendre le prima de la prévention et l’accompagnement plutôt que se fourvoyer dans une médicalisation croissante de la société. A ce propos, présent comme « grand témoin » au lors du GeronForum de la FNAQPA de la fin juin 2011, j’ai pu entendre une présentation de l’expérience du Centre Carpe Diem au Québec qui accompagne des personnes souffrant d’Alzheimer à travers une approche personnalisée et la stimulation douce et conviviale. Là-bas, le recours aux approches médicalisées sont minorées et la situation des personnes et de leur entourage apparaît bien plus satisfaisante.


Une autre politique de la santé pose ainsi la nécessité de soutenir les éco-médecines et l’alimentation biologique et les modes de soin qui cherchent à réduire l’hospitalisation et le recours aux substances chimiques.

De la même façon qu’Illich à décrit la contre-productivité d’une civilisation lorsqu'elle n'est plus capable de penser autrement qu'en termes de réponses bureaucratiques et technologiques, le développement des maladies iatrogènes (ndlr : troubles provoqués par un traitement, un médicament), dont on estime qu’elles sont à l’origine de 10.000 décès par an, montre que la multiplication des réponses médicamenteuses, outre la dérive financière qu'elle entraîne, finie par générer de nouvelles maladies et complications…

Là encore, il est essentiel de prendre la personne comme un tout et de ne pas chercher à intervenir seulement sur une pathologie indépendamment des autres problèmes de santé ; indépendamment de la situation personnelle de la personne.

Plus largement, une politique de santé implique d’œuvrer à l’amélioration de l’environnement en agissant en priorité sur le bruit, l’air et l’eau, mais aussi en menant une offensive législative et culturelle contre l’utilisation de composés chimiques dans l’alimentation, la cosmétique ou encore les matériaux de construction…

Cette approche peut conduire, par exemple, à interdire certaines formes de publicités pour des produits d’alimentation à l’instar de ce qui été fait pour le tabac. Ou de taxer ces produits et publicités au profit de la mise en œuvre de politiques de soutien à une alimentation équilibrée qui demandent un accompagnement personnalisé et non de se contenter de quelques campagnes publicitaires. Dans cette approche, l’encouragement aux initiatives de type instauration systématique d’une alimentation bio dans la restauration collective pour les enfants et les personnes fragilisées, Amap ou encore jardins partagés doit répondre à une priorité de l’action publique.

Mettre la santé au cœur d’un projet politique c’est aussi proposer une nouvelle dynamique de l’emploi : privilégier les métiers du « care » et valoriser celles et ceux qui accompagnent et prennent soin des personnes fragiles ou en situation de vulnérabilité. Il s’agit de mettre en place des filières complètes, d’améliorer les formations, d’accroître l’emploi et les rémunérations tant dans les institutions d’accueil que dans les services à la personne.

Rappelons que la santé est un secteur économique majeur (11% du PIB) qui représente une enveloppe de plus de 223 Md€. Des économies sont possibles grâce aux effets d’une politique de prévention et via l’amélioration de l’organisation et la réduction de la consommation médicale. N’oublions pas que les dépenses de santé sont d’abord des investissements utiles et qu’elles contribuent à la dynamique économique et au mieux vivre !

S’il faut se méfier des tentations de l’hyperspécialisation, pour autant, pourquoi ne pas initier la santé au rang de grand projet de ce siècle pour le pays ? Alors que le monde prend de l’âge (les plus de 60 ans passeront de 10% de la population, en 2000, à 21% en 2040) et voit une croissance continue du nombre de personnes fragilisées, la France, qui bénéficie encore d’une image d’un pays où il fait bon vivre, pourrait en développant son savoir-faire dans le domaine du prendre soin, retrouver une place de choix dans les échanges mondiaux et générer ainsi des emplois utiles et de qualité.

Lien vers l’article de la semaine dernière

Serge Guérin
Professeur à l’ESG Management School
Vient de publier « La nouvelle société des seniors », Michalon 2011

Publié le 18/07/2011 à 09:47 | Lu 1190 fois