Le principe santé : un fil structurant de l’action politique (I), par Serge Guérin

La santé est au cœur du quotidien de l’ensemble de la population. Il suffit de souligner le nombre de fois où nous nous souhaitons « bonne santé » au moment des vœux de la nouvelle année pour saisir l’importance du sujet. Or, force est de constater que loin d’avoir repoussé la maladie, le mal-être et la souffrance, notre société de haute technologie a généré de nouvelles formes de pathologies.


Si la médecine sait de mieux en mieux soigner, si elle connaît de grands succès thérapeutiques ; pour autant, elle est de moins en moins en situation de contribuer à soutenir notre bonne santé.

Elle semble en effet incapable de répondre à la hausse continue du nombre de personnes fragilisées par la maladie, la dégradation de l’environnement, le stress, la pression et la précarité sociale.

Rappelons, par exemple, que l’allongement de la durée de vie implique aussi une forte croissance de certaines pathologies. En particulier, les maladies de Parkinson et d’Alzheimer qui concernent, à des degrés divers, plus de 1,5 millions de personnes.

Par ailleurs, on compte en France plus de huit millions de personnes en situation de handicap. Leur famille et leurs proches se retrouvent eux-mêmes fragilisés. Remarquons aussi que si les pathologies infectieuses ont été pratiquement jugulées –du moins en Occident-, les maladies chroniques sont en hausse continue. De fait, on compte plus de neuf millions d’individus subissant une affection de longue durée (les fameuses « ALD »).

Ces vulnérabilités sont d’abord liées aux modes de vie des personnes, à la culture de la vitesse et de la productivité, aux conditions de travail de déplacement et d’habitat, à l’alimentation toujours plus industrialisées et plus globalement, à un environnement dégradé qui se manifeste par une eau et un air pollués, par l’impossibilité d’échapper au bruit comme à l’inflation des composants chimiques… Il y a comme un décalage entre la promesse de la technologie et la triste réalité du présent et de l’avenir !

Soulignons d’ailleurs que si l’espérance de vie s’est très fortement accrue depuis les années 1960, les différences selon la situation sociale et le style de vie de la personne sont grandissants. Imaginer la santé, et plus largement le « prendre soin », comme le fil structurant de toute action publique, constitue de fait une orientation politique novatrice qui met la notion de « care » au centre de son approche. Et mettre en tête de l'agenda le principe santé contribue à structurer la transformation économique et sociale de la société dans une dimension écologique.

Cette politique du « prendre soin » doit aussi s’adapter aux personnes concernées et prendre en compte les publics spécifiques comme ceux qui vivent dans la rue, ceux qui vivent ou sortent de prison, ou encore ceux qui sont séropositifs…

Plutôt que d’en appeler à une médicalisation croissante de la société, je crois à une approche centrée sur la prévention et l’accompagnement, autrement dit le « care » plutôt que la cure.

De plus, le domaine de la prévention ne concerne pas seulement la santé : l’habitat, l’alimentation, la formation ou les conditions de vie au travail sont tout aussi concernés. Il s’agit de penser à la fois des solutions individuelles pour accompagner les personnes et de développer des approches collectives et partagées. Ainsi, on ne peut penser une politique de la prévention –et donc de l’amélioration de l’espérance de vie sans incapacité- sans agir sur les conditions de travail. Et donc, sans interroger le paradigme de la productivité.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG Management School
Vient de publier « La nouvelle société des seniors », Michalon 2011

Publié le 12/07/2011 à 08:01 | Lu 1540 fois