La vieille dame et le robot, chronique de Serge Guérin

Le monde économique n’échappe pas aux phénomènes de mode, ni à un certain fétichisme de la technique et de l’innovation. Encore plus dans le domaine de la silver économie ! On multiplie les inventions : de la domotique à aux objets connectés en passant par le gadget pour sportif désireux de suivre ses performances et de les faire connaître au monde entier et aux solutions qui permettent un meilleur suivi de la santé et du bien-être de la personne.


La vieille dame et le robot, chronique de Serge Guérin
Mais c’est la robotique qui semble aujourd’hui être le nouveau graal. Certains comparent déjà la robotique personnelle et de service au big-bang créé par Internet dans les années 1990 ! On évoque trois types de robots. D’abord le robot domestique qui réalise des tâches d’entretien de la vie courante (aspirateurs, robots de lavage des sols …). Puis le robot thérapeutique, qui simule une présence, comme Paro, le bébé phoque dans les maisons de retraite japonaises, ou Kaspar, pour le soutien des autistes. Enfin, on évoque de plus en plus le robot d’accompagnement pour les personnes en perte d’autonomie.
 
C’est ce dernier type de robot qui ouvre le champ le plus large. Ce robot, le plus souvent humanoïdes pour favoriser la convivialité et réduire l’aspect intrusif, permet déjà  de répondre à une diversité des situations de déficit d’autonomie. Ses applications d’assistance couvrent potentiellement des fonctions très larges : du système d’alerte ou de télé-présence pour des personnes autonomes -mais présentant un risque important de chute ou d’accident de santé-, à des systèmes de soutien physique facilitant la vie courante.
 
Ces robots d’assistance aux personnes en perte d’autonomie sont destinés à favoriser la socialisation et à la stimulation cognitive. Elles sont liées au robot lui-même ou à des services distants.
 
Ces systèmes seront connectés dans la majorité des cas à des plates-formes distantes de téléassistance, par exemple, via un plateau médicalisé de télédiagnostic ou d’interventions à distance. Ils offrent des fonctionnalités multitâches qui pourraient remplacer à terme, des fonctions d’assistance et d’entretien physique et cognitif « fixe » (via des box, télévisions, et autres outils domotiques). Par leur mobilité, ces robots peuvent aussi développer de réels et multiples services à des personnes en déficit d’autonomie sans pour autant, une multiplication de systèmes et capteurs à installer dans le lieu de vie.
 
Ces solutions robotisées ont un potentiel d’amélioration de la vie des plus fragiles et de l’action des professionnels et des proches aidants, à la condition d’investir en termes de ressources humaines et de compétences spécifiques, pour assurer toutes leurs fonctionnalités à distance et renforcer la présence effective et l’attention bienveillante.
 
La plupart de ces plateformes n’ont pas encore d’équation économique pérenne. La question de la solvabilité se pose là comme ailleurs. A ce stade, il y a peu de chance que l’exploitation commerciale s’exerce directement auprès de l’utilisateur à son domicile. Les choses peuvent évoluer et des acteurs comme Axa ou AG2R-La Mondiale souhaitent avancer. Par ailleurs, les formules d’habitat regroupé où des services et des équipements sont mis en commun pourraient en partie changer la donne. Les résidences-services visant une clientèle aisée pourraient aussi trouver là, matière à se distinguer et à offrir de nouveaux services. D’autant que les coûts de ces robots sont appelés à diminuer rapidement.
 
In fine, c’est peut être du côté des EHPAD que l’utilisation des robots se développera. On compte déjà pas mal d’expériences réalisées en Suisse, en Belgique, ou encore aux Pays-Bas. Le plus souvent, avec le concours de sociétés d’assurance ou de mutuelles. Une expérience a aussi eu lieu à Issy-les-Moulineaux (92). Dans le secteur du soin, le robot n’est pas nécessairement une nouveauté. 
 
Développé dès 1993 pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et troubles apparentés, le phoque Para a été lancé au Japon en 2005, puis aux Etats-Unis en 2009. Ce robot utilisé en atelier d’animation et en thérapie relationnelle individuelle pour des personnes atteintes de troubles du comportement et de la communication existe à plus de trois milles exemplaires dans des établissements de soins de trente pays.
 
En Europe, il est présent, en particulier dans les pays scandinaves, mais aussi en Allemagne, en Italie et en Suisse. Vingt-cinq sont utilisés en France. Le développement de robots en maisons de retraite peut être favorisé par une répartition des coûts sur un public plus large. En outre, ils apparaissent pouvoir décharger une partie des taches les plus chronophages et répétitives des personnels. Il s’agit soit d’un robot de télé-présence, comme Awabot, soit d’un robot d’animation et d’interaction, du type de Nao. Les deux étant développés en France.
 
En dehors de l’aspect financier et de l’acceptation par les personnes concernées et leur entourage, il importe que les apports en termes de stimulation cognitive, d’accompagnement dans l’activité physique adaptée ou de renforcement du mieux vieillir soient investigués de manière robuste et critique pour que ces innovations technologiques poursuivent leur envol.
 
Serge Guérin
Professeur à l’INSEEC Paris
Dernier ouvrage : Silver Génération. 10 idées fausses à combattre sur les seniors, Michalon 

Publié le 07/12/2015 à 01:00 | Lu 2322 fois