La signature électronique : facile mais pas si simple !

Signer un document électroniquement n’est pas une nouveauté, mais la crise sanitaire a accéléré sa généralisation. Un phénomène qui s’est développé par souci de rapidité et d’efficacité mais qui peut receler des pièges et des dangers. Identification, recueil du consentement éclairé...





Le rôle des notaires est de s’assurer que la signature par écran interposé implique les mêmes conditions que celle apposée au bas d’un document papier. Encadrer ? Limiter ? Réglementer ? Questions sur la bonne attitude à adopter face à une nouvelle réalité.
 
Le constat est sans appel : « depuis un an et le confinement, la signature de nos actes à distance est quasiment devenue la norme », constate Xavier Ricard, notaire à Nantes et président de la 3e commission du Congrès des notaires de France.
 
« Il n’y aura pas de retour en arrière possible », avance-t-il. En effet, les clients ont découvert la facilité de pouvoir signer l’achat d’un bien ou une donation sans se déplacer dans une étude. Simple donc en théorie. Sauf qu’en pratique cela soulève de nombreuses questions.
 
« Le problème central est celui du tiers de confiance, celui qui certifie que la signature a été conforme et que les parties ont compris à quoi elles s’engageaient en signant », explique Xavier Ricard. Signer oui. Mais à distance, comment être certain de l’identité de celui qui a signé ? Des textes encadrent le sujet depuis 2016.
 
« Il y a cependant des trous dans la raquette », reconnaît le notaire. En effet, de plus en plus de documents nécessaires à des actes notariés sont signés électroniquement sans que le notaire soit présent. Ce sont d’autres organismes, des prestataires, qui se chargent d’authentifier la signature. Or, les règles n’apparaissent pas assez rigoureuses et protectrices.
 
« Est-ce que le prestataire a bien vérifié que le signataire est clairement identifié ? Est-ce que l’on lui a demandé ses documents d’identité ? Est-ce que l’on est certain que c’est bien lui qui a signé ? » s’interroge Xavier Ricard.
 
Et le notaire d’expliquer la démarche de sa commission : « Le Congrès des notaires de France voudrait
proposer de clarifier les critères de ce que l’on appelle la signature avancée. L’objectif est que le notaire soit certain que le signataire a bien signé tous les documents. Il faudrait donc qu’un document soit créé qui atteste que l’identité du signataire a bien été vérifiée et par quel moyen elle l’a été. Ce document permettrait au notaire de justifier de la densité du contrôle de l’identité
».
 
Tant que ce document n’existe pas, le notaire apparaît donc incontournable. D’autant que le corollaire de la signature est le consentement. Et là aussi, la distance soulève des questions. « Il est compliqué d’envisager que le consentement puisse être vraiment recueilli par une machine. Une machine ne pourra jamais s’assurer que votre consentement est libre et éclairé ! », dit encore Xavier Ricard.
 
Et d’ajouter : « la vocation de la profession de notaire est bien de certifier que le consentement est libre et éclairé ! ». Alors, comment contrôler le consentement exprimé à distance ? La piste de la création d’un outil adapté de visioconférence, avec une image et un son de qualité, mais aussi avec la possibilité de vérifier que le signataire ne subit aucune pression là où il se trouve, est la plus sérieuse.
 
« Même avec l’outil le plus performant, la nécessité que le notaire s’assure du recueil du consentement est essentielle », professe Me Ricard. L’autre solution : conditionner l’expression du consentement
en fonction des montants engagés.
 
« C’est une possibilité, une question, mais qui reste sans réponse aujourd’hui », confesse Xavier Ricard avant de conclure : « il est du devoir du Congrès de se poser la question et peut-être que nous pourrons proposer aux législateurs des réponses pratiques et facilement applicables ! ».

Article publié le 26/05/2021 à 01:00 | Lu 5855 fois