La seniorisation de la société demande aux entreprises de changer de logiciel mental, chronique de Serge Guérin

Poser la question senior dans l’emploi, est-ce penser que la contribution du salarié (ou d’un actif agissant sous un autre statut) quel qu’il soit, ne peut se réduire qu’à sa productivité « bête et méchante » ?





Chaque individu apporte beaucoup de choses au collectif qui forme l’entreprise : expériences, relationnels, soutien, culture personnelle, vécu… Toutefois, la logique des 35 heures, centrée uniquement sur la comptabilité de la présence, nous a fait oublier que la productivité n’était pas la seule mesure de l’efficacité d’un collectif…

Cependant, les entreprises n’ont pas encore fait évoluer leur mode d’organisation en fonction de cette réalité démographique qui, notons-le, s’accompagne de ce que l’on pourrait appeler une « féminisation » de la société (à savoir une très forte présence des femmes dans certaines activités de service et une prise en compte de certaines valeurs, comme la nécessité de répondre à la montée de la vulnérabilité chez les salariés).

Pour quelles raisons, en dépit de multiples réformes, lois, plans et autres mobilisations, la France enregistre-t-elle l’un des plus faibles taux d’emploi des seniors en Europe ?

Pour faire face à l’allongement de la durée de vie et permettre le maintien d’un système de retraite décent, l’expérience des pays nordiques, comme la Suède qui affiche un taux d’activité de 70 %, prouve qu’il est possible de permettre aux seniors de conserver une activité professionnelle rémunératrice et dotée de sens.
La seniorisation de la société demande aux entreprises de changer de logiciel mental, chronique de Serge Guérin

S’il existe un tel écart -en particulier avec les pays nordiques-, c’est que depuis longtemps ces derniers ont mis en place, de façon concertée et dans un large consensus, les actions nécessaires pour le développement de l’emploi des seniors : sensibilisation des chefs d’entreprise et des recruteurs, politique de communication pour valoriser l’image des seniors auprès de toute la société, droit à la formation et à l’évolution professionnelle à tout âge, etc.

Pour une large partie de l’opinion publique scandinave et des leaders politiques, le développement de la population active et l’augmentation de son niveau de qualification et de bien-être est un objectif majeur.

Il est possible – et nécessaire- de développer des politiques de sensibilisation de l’ensemble des entreprises et des actions spécifiques de mobilisation des seniors. Il est nécessaire de montrer à ces derniers que l’entreprise compte sur eux. Il s’agit aussi de redonner du sens à l’emploi et à l’activité. Et cela concerne tous les âges !

Les dirigeants français doivent faire un effort pour imaginer de nouveaux modèles et utiliser toutes les forces vives de l’entreprise en repositionnant leurs salariés si nécessaire, plutôt qu’avoir recours au licenciement. Il y a tant de besoins et d’attentes non satisfaits…

Pour cela il faudrait commencer par casser les représentations négatives associées à l’image des seniors auprès des décideurs et des employeurs en renforçant les actions de communication et de pédagogie. Ressources humaines et managers doivent apprendre à faire travailler ensemble des effectifs multi-générationnels et multiculturels. D’ailleurs, cette expertise pourrait devenir un métier à part entière.

On ne peut pas transformer tous les seniors en tuteur. D’autant qu’ils n’en n’ont pas toujours les compétences, ni l’envie. De même, l’ascension hiérarchique n’est pas l’unique solution, on peut aussi valoriser la mobilité horizontale ou encore, développer des passerelles entres tous les acteurs, grandes entreprises, PME et domaine public.

L’enjeu est de redonner du sens à l’emploi et que le salarié se sente utile au développement de l’entreprise. Il s’agit de pousser les entreprises à casser le vieux modèle pour penser l’activité en fonction des besoins à satisfaire et de la nouvelle donne écologique et démographique.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier La société des seniors Editions Michalon

Article publié le 12/10/2009 à 09:42 | Lu 3371 fois