Fibromyalgie : de l'importance de structurer la prise en charge de la douleur

Le syndrome fibromyalgique fait partie des syndromes qui marquent l’échec de la médecine toute puissante malgré les progrès spectaculaires de celle-ci. Les praticiens indiquent se sentir désarmés dit le rapport de l’INSERM et les patients sont souvent dans un nomadisme médical. Témoignage d’un médecin de la douleur : Florence Tiberghien, Médecin de la douleur Centre Hospitalier Alpes-Léman, Haute-Savoie, coordonnateur HAD*





« Nous savons aussi que le corps est le lieu d’expression des émotions. Et si cette douleur n’était-elle pas le témoin d’une émotion, d’une souffrance ?" s'interroge Florence Tiberghien. 

" Le corps ne se contente pas d’être une enveloppe, un contenant, une machine déconnectée de l’esprit, il a le pouvoir de parole, non pas comme le discours à travers les mots mais à travers les maux, expression des non-dits, des inacceptables, des inconcevables, des irrecevables… Des non-choix de vie, des vies non désirées, des prisons intérieures, des carcans de souffrances » poursuit la spécialiste.
 
Dans le syndrome fibromyalgique, il convient d’écouter la parole du patient, son histoire de vie. Les récits retrouvent souvent une enfance « catastrophe » puis une période paradisiaque hyperactive, une bonne adaptation puis un évènement survient et tout bascule souvent brutalement avec l’apparition de  ces douleurs.
 
Ces évènements peuvent être un divorce, une chirurgie, un accident, un burn out… Cet évènement stoppe alors le patient dans son hyperactivité, « le corps s’arrête et dit stop », disent souvent les  patients avec l’apparition de ces douleurs, de ces troubles du sommeil et de l’asthénie.
 
Ces patients que l’on dit alexithymiques ont souvent du mal à exprimer leurs émotions avec un relâchement impossible, de nombreuses ruminations anxieuses, un état d’hyper vigilance et de tension intérieure sources d’épuisement.

On peut alors voir ces douleurs différemment : comme une thérapeutique de survie, une protection contre un effondrement psychique plus douloureux et dangereux, une protection contre l’effroi du traumatisme, une enveloppe corporelle protectrice, une  limite à la désorganisation.
 
Ainsi, la douleur n’est plus l’ennemie à abattre, il convient de la voir comme une alliée, une porte vers un changement afin de déplacer l’énergie à lutter, à contrôler les évènements vers autre chose. L’important est d’encourager le patient en repérant le positif et proposer des techniques pour obtenir un soulagement. Dans ce cadre, l’accueil de la plainte est capital dans une écoute empathique.
 
« Le patient n’est alors plus un symptôme mais porteur d’une histoire à replacer dans un contexte social, culturel et historique. Le symptôme prend sens si les mots sont accompagnés d’émotions et de sentiments. Le patient devient alors sujet et non objet de la science, il commence à mettre des mots sur sa souffrance, il élabore des liens entre symptômes et souffrance et ainsi pourra peut-être mettre à distance son symptôme douloureux » précise encore Florence Tiberghien
 
*Source : Biographie Douleur Mémoire et Émotions - Eugénie Poret

Article publié le 15/04/2021 à 01:01 | Lu 6153 fois