Dix orientations pour améliorer le travail des seniors par Entreprise et Progrès

L’association Entreprise et Progrès, créée en 1970, qui s’annonce comme un lieu d'échanges d'expériences et de propositions anticipatrices pour l' entreprise conciliant l'économique, le social et l'environnement a présenté la semaine dernière à Paris lors d’une conférence de presse, une dizaine de propositions visant à faire évoluer « l'interaction entre les entreprises et les seniors autour des valeurs telles que : le choix, la flexibilité ou l’anticipation ». Les voici en détail.


Les hispanophiles le savent bien, dans la langue de Cervantès, retraite se dit jùbilacion...

D’un côté nous avons donc en français un mot plutôt à connotation négative, celui de « retraite » et de l’autre, une fois passées les Pyrénées, nos voisins emploient un terme plutôt positif voire carrément joyeux : celui de jùbilacion ! Car effectivement, en latin jubilare signifie crier de joie...

Dans cet esprit, et avant de travailler sur les différentes idées qui permettraient d’améliorer le travail des seniors, peut-être devrions-nous déjà laisser de côté le terme de retraite, l’hispaniser et parler plutôt de jubilation...

En France, constate l’association, « la question du travail des seniors est loin d’être résolue. Le Gouvernement et le Parlement, sensibles à l’équilibre des caisses de retraite adoptent à juste titre de nombreuses mesures pour traiter les multiples problèmes juridiques et financiers qui font de notre pays le mauvais élève de la classe Europe ».

« Entreprise et Progrès n’a pas voulu intervenir dans ces questions qui ont fait et font l’objet de nombreuses études et rapports », précise le communiqué. Et d’ajouter : « notre objectif est plutôt de rechercher les voies et moyens d’une réconciliation entre l’entreprise et les seniors. Nous souhaitons avancer des réflexions originales qui permettent de mieux concilier la transition entre vie de travail et vie de retraité, autour des notions de temps de travail à la carte, de retraite progressive tout en prenant en compte les nouvelles motivations des intéressés à poursuivre leur vie active. Enfin nous avons dissocié la question du droit aux prestations de retraite de celle du droit au travail ».

« Après avoir rappelé les facteurs clés du blocage, notre groupe de réflexion s’est concentré sur les opportunités possibles, et les motifs qui pourraient pousser les entreprises à changer. Nous sommes persuadés par ailleurs que le consensus ne peut naître que d’un travail commun entre salariés, entreprises et gouvernement afin d’aboutir à un consensus débouchant sur une volonté de « faire » de toutes les parties » poursuit encore Nicolas Jacquet, président de cette étude auprès de l’association Entreprises et Progrès, lors de sa présentation. « Les orientations du chantier se sont centrées sur les possibilités de changer l'interaction entre entreprises et seniors, et autour des valeurs telles que le choix, la flexibilité et l’anticipation ».
Dix orientations pour améliorer le travail des seniors par Entreprise et Progrès

1. Mieux utiliser les compétences rares des seniors qui sont une opportunité pour les entreprises- Des emplois nécessitent des compétences pointues, en particulier celles liées à des techniques ou à des équipements qui ne sont pas les plus recherchés actuellement mais qui continuent de jouer un rôle important dans les processus industriels (Areva, SNCF par exemple).

2. Les seniors peuvent pourvoir de nombreux emplois vacants existants
- De nombreux emplois vacants sont à pourvoir : second œuvre, commercial, informatique et les métiers de service plus généralement
Accor : fort turnover et déséquilibre de la pyramide des âges marqué à 35 puis 45 ans. Comment recruter et limiter les départs des « seniors » de 45 ans.
- Reprise de petits commerces
- Emergence de nouveaux types de postes nécessitant un certain degré de séniorité : bid managers, contrôleur d’outsourcing, facilities management.

3. Mettre en place les outils d’une gestion du capital de compétences des salariés conjointement avec l’employeur
- Eviter les carrières figées et aider les salariés à prendre conscience du rôle qu’ils ont à jouer dans la définition de leur carrière
Auchan : Bilan d’orientation pendant la carrière
Aldes (systèmes de ventilation) : Entretiens de carrière
- L’objectif est de faire un point sur l’expérience, les acquis, les motivations et confirmer le salarié dans son poste ou l’aider à s’orienter vers un autre.

4. Pratiquer de manière effective la mobilité à plusieurs reprises dans une carrière
- Tout salarié entre 40 et 50 ans devrait au moins avoir une expérience de mobilité
- Thales University Consulting, pendant 18 mois les salariés sont formés au métier du conseil et sont envoyés en mission dans les filiales du groupe. Pendant ce temps ils peuvent prendre du recul et envisager la suite de leur carrière.
- Il faut donc que la mobilité soit ancrée dans les pratiques managériales et tout particulièrement la GPEC.
Groningue au Pays Bas, département de nettoyage de la mairie. L’emploi est assuré mais le salarié doit s’engager à être mobile.

5. Mettre en place des outils de mobilité horizontale qui pourraient servir au retour à l’emploi en milieu de vie
– Les outils utilisés en point 4 peuvent être utilisés ici.
- Cas des chômeurs de longue durée et des femmes après un congé parental.
- Utilisation de la formation : VAE, autoformation

6. Recherche d’une égalité de traitement de la diversité des âges
- Ne pas priver certains salariés d’un traitement équitable au seul motif de leur âge, d’autant plus qu’avec la crise, la tentation va être forte de faire des mesures d’âges poussant en priorité les seniors vers la sortie.
- Trop souvent, l’accès à certains bénéfices, qu’il s’agisse de formations, d’opportunités de carrière, d’augmentation salariale, est paresseusement dénié à des salariés âgés sans autre motif.
- Réciproquement, les actions en faveur des salariés plus âgés doivent être engagées en ne perdant pas de vue un principe d’équité vis-à-vis des plus jeunes qui n’ont pas à être exclus de postes moins exigeants.

7. Traiter de façon résolument positive et cohérente la flexibilité du temps de travail et celle des rémunérations
- Il nous semble qu’il faut casser trois idées reçues :
Une augmentation de l’âge implique automatiquement une augmentation du salaire.
Vieillir signifie perdre obligatoirement en productivité.
Une personne retraitée ne peut pas gagner plus à la retraite que lorsqu’elle était active.
- Il faut pouvoir travailler moins, ou travailler autant et potentiellement autrement ou travailler plus et gagner plus en cumulant revenu du travail et pension ou en bonifiant sa pension par la surcote
- Faciliter l’adaptation de la rémunération au temps de travail
- Il faut rompre avec la tradition de la rémunération à l’ancienneté

8. Adapter les tâches à des salariés plus âgés
- Prise en compte des conditions de travail, embauche d’ergonomes notamment dans le secteur secondaire, utilisation au mieux des institutions existantes (médecine du travail, éventuellement à réformer et CHSCT), adaptation des postes de travail.
Volvo Torslanverken, départements spécifiques pour le personnel vieillissant ou postes administratifs.

Mener une politique de santé par un projet « politique publique de la vieillesse »

9. Inventer de nouvelles missions pour les seniors
- Transmission de l’expérience à l’intérieur de l’entreprise
Parrainage, tutorat
- Transmission de l’expérience à l’extérieur de l’entreprise
« 1000 pour 1000 » Merlin Gérin
Disséminer dans les PME l’expérience acquise à l’international par beaucoup de cadres de grandes entreprises
Travail à temps partagé pour plusieurs entreprises

- Travail indépendant
Portage salarial
Auto-entrepreneur

- D’autres perspectives
Travail en réseau communautaires (type Facebook, LinkedIn), knowledge workers
Secteur associatif
Mairie

10. Organiser le choc psychologique nécessaire au déblocage
- Débat autour de la réforme Piketty-Bozio et du modèle suédois
- Idée du CAE : le versement en capital de la surcote au moment de la liquidation des droits afin de rendre l’incitation plus visible et de supprimer le facteur « espérance de vie » dans la décision de continuer ou non à travailler.
- La jubilation au lieu de la retraite.

Publié le 22/12/2008 à 12:55 | Lu 16691 fois