De la passation de l'art culinaire entre les générations : le point de vue de Sandrine Monnery-Patris

Parce que la consommation des fruits et légumes frais est étroitement liée à l’environnement familial, l’Interfel a organisé pour la deuxième année consécutive, le 23 octobre dernier à Paris, un atelier basé sur la transmission culinaire entre les générations. Le point de vue de Sandrine Monnery-Patris, chercheuse à l’Inra.


Si l’accueil de la recette salée était plutôt mitigé chez les enfants, le sentiment d’implication en devenant les chefs a permis de renverser cette tendance et de les faire participer avec enthousiasme à l’activité.
 
On retrouve ici un phénomène classique de désintérêt pour les légumes : la « sélectivité alimentaire ». On mesure toutefois combien ce rejet a été facile à contourner par la co-participation d’un parent ou grand-parent dans un cadre bienveillant. En effet, aucune injonction (« il faut goûter », « il faut en manger car c’est bon pour la santé », etc.) n’a été communiquée au cours de ces ateliers.
 
Connaissances nutritionnelles et culinaires
Chaque étape des différentes recettes a été présentée par le chef, avec une démonstration des gestes importants. En parallèle, la diététicienne éveillait la curiosité des enfants en posant des questions sur les différents ingrédients qui composaient les recettes.
 
L’enthousiasme et la connaissance des enfants face à ces questions montrent un intérêt croissant pour la composition des aliments et leurs effets sur la santé. Tous les jours, les enfants assimilent ces informations et sont capables, comme observé lors de ces ateliers, de les restituer à bon escient lorsqu’ils sont interrogés.
 
Dépasser la néophobie en mettant la « Main à la pâte » et la co-participation
Lors des ateliers, les enfants avaient le droit de toucher, manipuler, sentir, et goûter les différents ingrédients. On mesure ici tout l’intérêt de ce type d’atelier pour dépasser le simple « j’aime pas », permettre le passage à l’acte de goûter et donc de familiariser l’enfant avec un aliment peu connu ou peu apprécié (effet d’exposition).
 
Créativité culinaire
Les enfants avaient également la possibilité de personnaliser leur recette par l’ajout d’ingrédients supplémentaires : thym, persil plat, coriandre dans la recette salée, ou amande, prune, fleurs comestibles pour la recette sucrée...
 
Certains enfants se sont révélés très créatifs sur le plan culinaire ! Il est également intéressant de souligner que ces ingrédients étaient nouveaux ou peu familiers pour la plupart des enfants. Pour autant, une majeure partie d’entre eux a souhaité les manipuler, les sentir ou les goûter.
 
On a pu mesurer combien le fait de pouvoir choisir librement ces aliments après les avoir manipulés, leur a permis de dépasser leur propre néophobie (réticence et/ou le rejet à manger des aliments nouveaux) et le fameux « j’aime pas/j’en veux pas »
 
La cuisine comme espace propice à la socialisation
Parce qu’elle mobilise la co-participation des enfants et de leurs parents et grands-parents, la cuisine est un espace d’interactions sociales très riche, permettant de dépasser certains rejets. Comme observé lors de cette journée, la préparation des repas permet également de s’ouvrir aux autres et de dépasser la sphère parents / enfants. C’est sans doute l’un des effets très positif de ces ateliers. En cuisinant ensemble, on apprend aussi à vivre ensemble !
 
La table : moment de plaisir partagé ou champ de bataille ?
Les repas sont des moments privilégiés pour allier plaisir et alimentation saine. Toutefois, les pressions et les injonctions à manger « sain » sont à l’origine de nombreuses interrogations et tensions, notamment lorsque les aliments proposés ne suscitent pas d’emblée l’approbation des plus jeunes !

Les enfants peuvent se montrer réfractaires à certains plats inconnus (on parle alors de réactions de « néophobie alimentaire ») ou simplement réticents à goûter les aliments à la flaveur prononcée comme certains légumes par exemple (on parle dans ce cas de « sélectivité alimentaire » ).
 
Stimuler chez l’enfant le plaisir et l’envie de consommer des aliments sains
Les études scientifiques ont permis de valider ce que les parents savent déjà : c’est le goût et le plaisir ressentis lors de la dégustation qui guident leurs choix et leurs consommations, bien avant des critères de santé ou de nutrition ! Au cours de ces expositions, l’enfant va d’abord se familiariser à la vue, à l’odeur, puis au goût et à la texture de ces aliments et petit à petit, il va les apprécier.
 
L’environnement familial joue un rôle fondamental dans le processus d’acceptation des aliments. Par exemple, les paroles mais aussi les mimiques exprimées par les parents lors des repas seront autant d’indices sur lesquels l’enfant s’appuiera pour décider de passer à l’acte de « goûter ».
 
Partager la préparation des repas est aussi un opérateur puissant du processus de socialisation et d’apprentissage du répertoire alimentaire. Seul compte ici le plaisir de partager un moment convivial autour d’une recette que le parent aura à cœur de faire découvrir et de transmettre à son enfant – petit-enfant.

Publié le 18/11/2019 à 01:00 | Lu 3504 fois