Covid-19 en Ehpad : le point de vue du Dr Bobette Matulonga

L'Institut Paris Region a publié en fin de semaine dernière, une interview du Dr Bobette Matulonga, épidémiologiste, qui était en première ligne en Afrique dans la prise en charge lors des épidémies de choléra ou d'Ebola, et qui travaille actuellement à l'Observatoire Régional de la Santé Ile-de-France. Elle revient plus spécifiquement sur la situation dans les Ehpad.


Les chiffres exacts de la situation dans les Ehpad sont en cours de consolidation en Île-de-France comme dans le reste du pays, mais on estime qu’en ÎdF, c’est un décès sur quatre qui serait survenu dans ces établissements.
 
Dès le début de l’épidémie, les moyens de l’État ont été rapidement orientés vers la préparation des établissements hospitaliers. Cependant, la situation des personnes âgées, notamment en Ehpad, en maison de retraite ou à domicile devrait également faire objet d’une attention particulière en raison de la vulnérabilité des ainés au coronavirus (plus de 65% des personnes hospitalisées en réanimation et près de deux décès sur trois concernent les personnes âgées).
 
L’absence de système d’information spécifique préexistant à la pandémie sur les décès en Ehpad a retardé la prise de conscience de la gravité de l’épidémie dans le secteur socio-sanitaire, et particulièrement dans les maisons de retraite médicalisées.
 
L’organisation de la prise en charge dans les Ehpad a alors été repensée afin de faire face au Covid-19. Dans chaque établissement, un référent Covid a été désigné, un secteur du bâtiment a été réservé aux personnes positives au coronavirus et des isolements en chambre pour les résidents dans certaines structures ont été organisés pour les cas confirmés.
 
Jusqu’ici, pour la doctrine diagnostic, le dépistage systématique des premiers cas suspects est obligatoire. On a assisté à de nombreuses innovations de fonctionnement comme au développement de la télécommunication par visioconférence, le confinement complet soignants soignés dans certains Ehpad, etc.
 
Cependant, la gestion de l’épidémie du coronavirus en Ehpad est d’une très grande complexité en raison des mesures de distanciation sociale absolument nécessaires pour limiter la diffusion du virus. En effet, en absence de traitement et de vaccin, l’idéal serait de confiner les résidents dans leur chambre, notamment dès qu’un cas est suspecté ou déclaré dans un établissement.
 
Cependant, un isolement strict est une situation particulièrement difficile à vivre pour les personnes âgées. Les responsables des établissements sont constamment départagés dans la gestion du bénéfice/risque des telles mesures.
 
En raison de leur grande fragilité (présence de comorbidités, mesures barrières difficiles à respecter en raison de la santé mentale de certains résidents, etc.), on a envie de leur éviter le moindre risque de contracter le virus.
 
Néanmoins, un tel isolement pour des personnes qui ne sont toujours pas familiers aux nouvelles technologies de communication et qui ne comprennent pas toujours pourquoi on leur inflige de telles mesures, est particulièrement difficile à vivre.
 
Plus encore, dans l’optique d’un déconfinement progressif, les Ehpad devront continuer à être préservés. Il faudra dans ce cas mettre en place une politique de dépistage massif qui permettrait de maintenir le confinement qu’en fonction du statut sérologique des résidents. Cette stratégie devrait s’appliquer aussi aux personnes âgées vivant seules.
 
Rappelons que le Dr Bobette Matulonga est médecin généraliste, docteur en épidémiologie de l’université Paris-Sud. Elle a une expérience clinique de plus de cinq ans, notamment en Afrique, et a été en première ligne dans la prise en charge lors des épidémies telles que celle du choléra et de la maladie à virus Ebola. Elle est, à ce jour, médecin épidémiologiste à l’Observatoire régional de santé d'Île-de-France.

Publié le 20/04/2020 à 09:46 | Lu 1597 fois